Résultats oncologiques de la surveillance des oncocytomes biopsiés

Oncocytome rénal 

Les premières descriptions de cellules oncocytaires ont été réalisées à partir de tumeurs des glandes salivaires . En 1897, Schaffer a été le premier à décrire ces cellules comme de grandes cellules hypertrophiées et granuleuses . En raison des caractéristiques de leurs noyaux, il les a initialement appelés piknocytes. Ce n’est qu’en 1931 que le terme d’oncocyte a été défini pour la première fois par Hamperl . Ce pathologiste allemand s’est inspiré du mot grec « onkoustai » signifiant littéralement « gonflé » pour dénommer des cellules qui, observées au microscope photonique avec une coloration l’hématoxyline et à l’éosine (HES), possédaient un cytoplasme abondant, éosinophile et finement granuleux et des noyaux réguliers et uniformes, aux rares figures de mitose et avec un nucléole ponctué. Hamperl ne s’est pas contenté de renommer ces cellules, il a montré que ces cellules pouvaient aboutir à des tumeurs et il a émis l’hypothèse que la morphologie de ces cellules était due à une altération dégénérative du cytoplasme . Cette hypothèse a été confirmée une trentaine d’années plus tard avec l’avènement de la microscopie électronique qui a montré l’augmentation du nombre de mitochondries dans le cytoplasme de ces cellules . Ces mitochondries présentaient des anomalies morphologiques . L’augmentation du nombre de mitochondries, pouvant atteindre 30 à 60% du volume cytoplasmique, était responsable de l’aspect gonflé des cellules oncocytiques avec une apparente perte de polarité . Cette augmentation du nombre de mitochondries n’est cependant pas spécifique des tumeurs oncocytaires et a été rapportée dans des pathologies neuromusculaires et thyroïdiennes. Le terme d’oncocytome a été introduit en 1932 par Jaffe à partir d’observations faites sur une tumeur de la glande parotide . L’oncocytome rénal a été quant à lui décrit pour la première fois par Zippel en 1942 comme une tumeur entièrement composée de grandes cellules à caractère éosinophile appelées oncocytes . Suite à la découverte de cette nouvelle topographie, quelques rares publications sont relatées mais l’oncocytome rénal reste peu rapporté dans la littérature. Il faut attendre 1976 pour que soit publiée par Klein et Valensi la première série de 13 cas, identifiés comme une entité pathologique clinique distincte avec une présentation et une évolution clinique typiquement bénignes. Depuis, de nombreuses séries ont été publiées permettant d’améliorer les connaissances sur cette entité anatomopathologique distincte des autres tumeurs rénales.

Place de la biopsie rénale

Recommandations : La place de la ponction-biopsie rénale (PBR) dans les tumeurs du rein est précisée dans les recommandations françaises et européennes . Chaque panel a émis une recommandation forte pour réaliser une biopsie avant traitement ablatif ou systémique, ou lorsque les résultats sont susceptibles d’influencer la décision thérapeutique .
Concernant les petites masses rénales, les recommandations européennes préconisent une PBR lorsque la surveillance active est envisagée (grade de recommandation faible) . Pour les recommandations françaises, en cas de petite tumeur rénale, il est recommandé d’informer le patient de la possibilité de faire une biopsie, de ses complications et de ses limites diagnostiques . Une mention spéciale est faite sur le caractère médico-légal de la biopsie, qui pourrait éviter un certain nombre d’exérèses pour tumeurs bénignes .
Ainsi, dans le bilan des petites masses rénales, les recommandations françaises semblent élargir les critères d’indications de la PBR, alors que les recommandations européennes ne se positionnent pas.

Chirurgie des oncocytomes

La prise en charge contemporaine des oncocytomes rénaux a été récemment rapportée par Neves et al., qui ont analysés les résultats de la chirurgie des oncocytomes rénaux à l’échelle d’une nation. Parmi les 32130 chirurgies rénales enregistrées en Angleterre sur une période de quatre ans, 1202 (3.7%) cas avaient un diagnostic final d’oncocytome sur la pièce opératoire. La taille tumorale médiane était de 4.1 cm (1-25). Seuls 35 patients (2.9%) avaient eu une biopsie préopératoire. La néphrectomie élargie était la chirurgie la plus couramment pratiquée (683 patients, 56.8%). Une complication postopératoire précoce a été enregistrée chez 243 patients (20.2%), incluant 48 complications majeures (Clavien-Dindo ≥ 3). La mortalité à 60 jours était de 0.4% (5 décès).
En se rappelant que les oncocytomes sont des tumeurs bénignes à l’histoire naturelle indolente, les résultats de cette étude soulèvent plusieurs débats. Le premier, déjà abordé, est celui de la place des PBR dans le bilan des masses rénales. Dans cette étude, seul 2.9% des patients avaient eu un diagnostic histologique avant chirurgie. Il est probable qu’une plus large utilisation de la biopsie aurait pu éviter un nombre important de chirurgie pour tumeur bénigne. La seconde critique que l’on peut adresser est le recours majoritaire à la néphrectomie élargie pour traiter des tumeurs qui étaient à posteriori bénignes. La chirurgie d’une tumeur bénigne, quel qu’en soit l’indication, devrait idéalement favoriser les techniques d’épargne néphronique. Enfin, le taux de complication > 20% et la survenue de décès en période post-opératoire devrait sérieusement remettre en question l’indication première d’une chirurgie sans diagnostique histologique préopératoire.
Cette étude apparait à contre-courant, au moment où certaines équipes commencent à rapporter leurs séries de cas montrant la faisabilité de la surveillance active (SA) des oncocytomes rénaux prouvés à la biopsie. Cependant, le faible pouvoir discriminant des PBR entre les oncocytomes et les tumeurs du spectre oncocytaire plaident encore en faveur d’une prise en charge interventionniste.

Diagnostic différentiel

L’oncocytome rénal et le CCR chromophobe sont reconnus comme des sous-types histologiques uniques de tumeurs rénales, le premier étant largement accepté comme une tumeur bénigne et le second étant considéré comme une histologie favorable du CCR . L’aspect classique du CCR chromophobe présente peu de similitudes avec l’oncocytome.
Cependant, il est bien connu que la variante éosinophile peut compliquer le diagnostic différentiel . Plusieurs techniques précédemment décrites ont été explorées pour différencier ces deux entités, incluant les colorations histochimiques, l’immunohistochimie, les anomalies chromosomiques, les tests moléculaires et la microscopie électronique.
Cependant, les critères diagnostiques et les outils à utiliser en pratique courante ne sont toujours pas communément admis. Une étude récente a évalué les pratiques anatomopathologiques les plus couramment utilisées et admises . Un questionnaire d’évaluation des pratiques a été envoyé à 17 anatomopathologistes. Un fort consensus existait pour exclure le diagnostic d’oncocytome si plus d’une figure mitotique est identifiable.
Les techniques de coloration les plus couramment utilisées étaient les suivantes : cytokératine 7 (94 %), KIT (71 %), vimentine (65 %), fer colloïdal (59 %), CD10 (53 %) et AMACR (41 %). Pour les tumeurs présentant des caractéristiques mixtes ou non concluantes, la plupart des participants utilisent une catégorie de diagnostic intermédiaire (82%) qui ne permet pas de déterminer si la tumeur est bénigne ou maligne, généralement « néoplasie oncocytaire » ou « tumeur à cellules oncocytaires » ou « tumeur hybride ».

Facteurs de risque

Trois situations doivent être distinguées : l’oncocytome isolé, l’oncocytose et le syndrome de Birt-Hogg-Dube.
L’oncocytome rénal isolé est la situation est la plus fréquente. Les anomalies cytogénétiques décrites sont la perte combinée du chromosome 1 et Y, le réarrangement des bandes 11q12- 13, la perte du 14q et du chromosome 19 . Cependant, ces anomalies ne sont pas spécifiques de l’oncocytome. La perte du chromosome 1 a été fréquemment retrouvée dans les CCR chromophobes et la perte du 14q augmente en fréquence avec le risque métastatique dans les CCR à cellules claires . Des anomalies spécifiques de l’ADN mitochondrial ont également été mises en évidence . Certains auteurs ont suggéré que ces anomalies de l’ADN mitochondrial soit à l’origine des oncocytomes rénaux. Ces anomalies ont également été décrites dans les CCR chromophobes et à cellules claires.
La deuxième situation est celle du syndrome de Birt-Hogg-Dube. Ce syndrome est lié à la mutation du gène BHD situé sur le bras court du chromosome 17 . Ce syndrome est caractérisé par des lésions cutanées (fibrofolliculomes de la face, du cou et de la partie supérieure du tronc), des kystes pulmonaires, des pneumothorax spontanés ainsi que des CCR chromophobes et des oncocytomes multiples et bilatéraux .
La troisième situation est celle de l’oncocytose. Nagashima a rapportait qu’il s’agissait d’un syndrome rare, génétiquement indépendant du syndrome de Birt-Hogg-Dube. Les patients souffrant de ce syndrome développent des oncocytomes multiples et bilatéraux .
L’évolution se fait vers la destruction du parenchyme rénal fonctionnel et la survenue de CCR à cellules chromophobes ou de carcinome oncocytaire. Le carcinome oncocytaire a été décrit comme une tumeur étant constituée de cellules oncocytiques présentant des signes cellulaires de malignité à type de pléomorphisme .

Table des matières

I – Introduction
A. Oncocytome rénal : Généralités
B. Place de la biopsie rénale
C. Chirurgie des oncocytomes
D. Introduction : version courte
E. Objectif de l’étude
II – Matériels et Méthode
III – Résultats
IV – Discussion
V – Conclusion
VI – Bibliographie
VII – Annexes
VIII – Liste des abréviations

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