ROMANISATION DU THAÏ

ROMANISATION DU THAÏ

Aperçu historique de la romanisation du thaï

 Les premières tentatives de romanisation systématique des langues de l’Asie du Sud-Est sont apparues, pour une raison cartographique au XIXe siècle quand l’Angleterre et la France jouaient un rôle politique de plus en plus important dans la région. Certains chercheurs français et anglais, intéressés par l’histoire et la culture de ces pays, ont en outre établi le système de romanisation de plusieurs langues comme le môn, le khmer ou le cham, afin de faciliter leurs publications et également favoriser une meilleure compréhension entre eux (Varasarin 2002 : 254). L’usage de la romanisation n’était pas seulement nécessaire pour des motifs politiques et militaires mais aussi scientifiques. En ce qui concerne la Thaïlande, anciennement le Siam, les premiers efforts pour établir un système de romanisation du thaï ont commencé au XVIIe siècle avec les missionnaires français (Griswold 1960 : 31). Simon DE LA LOUBÈRE, poète et diplomate français, envoyé extraordinaire de Louis XIV au Siam, a élaboré une méthode, basée sur le français, assez précise qu’il expose dans son livre Du royaume de Siam (1691). Dans cet ouvrage, il a consacré un chapitre à la langue thaïe intitulé « De la langue siamoise et de la Balie » pour décrire le système phonétique et alphabétique thaï. Malheureusement, ce travail est resté inconnu des autres Européens, qui eurent tendance à romaniser les mots thaïs en se basant sur leurs propres langues. La normalisation de la romanisation du thaï est redevenue un sujet de préoccupation au début du XXe siècle sous le règne du roi Chulalongkorn (Rama V32) lors de la colonisation occidentale dans l’Asie du Sud-Est pour un motif cartographique Kanchanawan 2011 : 55-56). Un comité a été fondé par le gouvernement thaïlandais avec la collaboration des Français dans le but de réaliser un système de romanisation mettant l’accent sur la prononciation, indépendamment de l’écriture (Thimcharoen 1982 : 67). Il est promulgué en 1908 et est employé pour latiniser les noms géographiques thaïlandais sur les cartes faites d’une part par le Siam et la France, et d’autre part par le Siam et l’Angleterre. Malheureusement, étant donné que ce système s’est appliqué surtout dans le domaine politique et cartographique, il n’a été connu que d’un public limité, mais n’a pas été généralisé. Par conséquent, d’autres systèmes de romanisation se sont développés par la suite afin de pouvoir être appliqués dans les domaines plus variés tels que le système du roi Vajiravudh pour l’anthroponymie, les systèmes de Cœdès et de Varasarin pour l’archéologie et l’histoire ou bien encore le système de l’Institut royal de Thaïlande.

Les principaux systèmes de romanisation du thaï 

La question de la romanisation du thaï reste toujours discutée dans la société thaïlandaise, en particulier pour les anthroponymes et les toponymes, et la résolution d’une manière homogène n’a encore jamais été réalisée jusqu’à présent. Plusieurs systèmes de romanisation ont été élaborés, ceci selon des critères différents. Selon Alexander B. GRISWOLD (1960), on distingue deux principaux systèmes de romanisation du thaï : le système graphique et le système phonique. 1) le système graphique : cette opération est fondée sur la forme orthographique comme le système inventé par le roi Vajiravudh (1913) ou le système ISO 11940 proposé par l’ISO (1998). Il est indispensable dans la mesure où une épellation est exigée. Les règles sont bien établies et devraient être strictement suivies. Pourtant, un tel système ne convient qu’à certains objectifs limités à l’instar du traitement automatique ou de l’étymologie. 2) le système phonique : cette opération est établie en respectant la prononciation du thaï standard. Le système phonique est plus employé que le système graphique parce qu’il offre un mode de prononciation au plus proche de la langue parlée. Certains ont été élaborés dans le but d’apprendre/d’enseigner le thaï en tant que langue étrangère : c’est le cas du système inventé par Mary HAAS (1979) qui est bien connu des apprenants américains du thaï. Elle garde presque tous les détails de la prononciation comme le ton, la longueur des voyelles. Son système est donc constitué de plusieurs signes phonétiques qui ne sont pas compatibles avec le clavier ordinaire. D’autres sont des systèmes dits simplifiés comme le système de l’Institut royal de Thaïlande (1999) et le système de GENUNG (United Nation 2002). Ceux-ci sont plus faciles à utiliser dans la vie quotidienne grâce à l’absence des signes diacritiques et autres signes phonétiques mais une confusion est possible dans le cas où le même graphème représente plus d’un phonème de la langue source. Il faut ajouter, un troisième système qui n’est basé ni sur l’orthographie ni sur la prononciation, c’est l’anglicisation (Kanchanawan 2002 ; 2006 ; 2011). Ce système est de plus en plus répandu dans la société thaïlandaise, notamment dans les clips musicaux soustitrés en caractères latins. Pour ce qui est du cas des toponymes, chaque système présente des inconvénients particuliers. Le système purement orthographique, d’une part, est confronté au problème de la prononciation puisque le son qu’on translittère n’est pas celui que l’on peut prononcer. Le système phonique envisage, d’autre part, l’irréversibilité et les diverses variations possibles. Christian GARNIER, qui a travaillé sur la transcription des noms géographiques s’appliquant à beaucoup d’écritures utilisées dans le monde, a constaté dans son ouvrage « Méthode de transcription rationnelle générales des noms de géographiques » que la bonne méthode ne doit être ni purement orthographique, ni purement phonétique, et doit participer le plus possible des deux méthodes (1899 : 2). Dans notre corpus, nous avons trouvé plusieurs systèmes appliqués à la romanisation des toponymes thaïlandais. Si certains sont bien systématiques, d’autres semblent plutôt aléatoires. Certains empruntent aux systèmes déjà établis, d’autres les modifient ou les créent eux-mêmes. Avant de les analyser, nous allons d’abord présenter les principaux systèmes de romanisation du thaï bien connus dans divers domaines en Thaïlande et dans le monde occidental.

Les systèmes graphiques 

Pour les systèmes graphiques, ils sont élaborés sur le même principe de la translittération mais nous conservons ici plutôt les termes de Alexander B. GRISWOLD (1960) qui est un des premiers chercheurs à s’être intéressé à la romanisation du thaï. Nous en avons trouvé plusieurs mais seuls les trois principaux systèmes seront présentés : celui de roi Vajiravudh (1913), celui de Cœdès (2002) et celui d’ISO (1998).

Système du roi Vajiravudh 

Autrefois, les Siamois33 n’étaient identifiés que par leur prénom ou, plutôt, leur surnom. Pour distinguer les personnes qui portaient le même prénom, on y ajoutait son origine ou le nom des parents. Plus tard, le roi Vajiravudh a initié l’emploi du nom de famille au Siam. La loi du nom de famille a été promulguée en 1913. Afin de promouvoir cet usage, ce monarque a donné un nom de famille à ses proches et aux nobles. Il n’a pas seulement donné le nom en caractères thaïs mais aussi en caractères latins pour qu’ils puissent en connaître l’étymologie dans le sanscrit et/ou le pali. Pour que tous les noms de famille soient systématiquement translittérés, le roi a donc établi lui-même un système de translittération.Si nous considérons les tableaux ci-dessus, il est remarquable que le roi Vajiravudh ait aussi utilisé des signes diacritiques comme par exemple le tilde « ˜ » sur la lettre « n » pour translittérer la graphie <ญ> et aussi l’accent circonflexe « ^ » sur certaines voyelles pour exprimer la longueur. Celle-ci est un trait distinctif au plan phonologique du thaï. D’ailleurs, le roi a distingué deux sous-systèmes de translittération pour les consonnes, ce sont le système pour les mots originaires du pali-sanscrit et le système pour les mots thaï proprement dits. En tant qu’ancien étudiant en lettres, il avait des connaissances sur les langues classiques orientales, surtout le pali et le sanscrit, et il a donc élaboré son propre système en adaptant celui de la translittération du pali et du sanscrit pour que les formes écrites du pali et du sanscrit soient retenues. Par conséquent, son système est clairement établi et également connu des orientalistes dans le monde entier (Griswold 1960 : 36). En réalité, ce système ne s’applique pas seulement pour les noms de famille que le roi a créés mais aussi pour les noms de tous les membres de la famille royale jusqu’à nos jours, bien que beaucoup de Thaïlandais ne sachent pas comment se prononcent correctement les mots translittérés en écriture latine. Du point de vue de la valeur sociale, les noms translittérés à partir de ce système sont très prestigieux sous plusieurs aspects. D’abord au niveau étymologique, étant donné que le sanscrit et le pali sont considérés comme liturgiques dans la société thaïlandaise, les noms sont devenus sacrés dans ce sens. Au plan phonétique, les noms constitués de mots pali-sanscrits sont plus mélodieux et plus esthétiques que les mots thaïs tandis que ces derniers sont plutôt monosyllabiques donnant un nom laconique et peu euphonique. Enfin, sémantiquement, la translittération montre bien la signification de chaque élément ou de chaque morphème et ceux qui ont la connaissance de ces langues peuvent se rendre compte immédiatement de la signification du nom, toujours propitiatoire. Il s’agit très souvent du bonheur, de la prospérité et de la fortune (Mahatribhop 2002).

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