Suivi des CAR-T cells par cytométrie en flux 

Les lymphocytes T

Les lymphocytes T (LT), dont la lettre « T » provient du « Thymus » organe lymphoïde primaire dans lequel les LT arrivent à maturité, sont responsables de la réponse immunitaire cellulaire spécifique, qui vise à détruire les cellules pathogènes, s’agissant des bactéries ou des cellules cancéreuses .
Les lymphocytes T se composent d’un récepteur, le TCR (T Cells Receptor), auquel est associé un cluster de différenciation CD3, suivi d’un domaine CD4 ou CD8 en fonction du lymphocyte considéré .
Le TCR est un hétérodimère constitué soit par l’association d’une chaîne α et d’une chaîne β (TCR αβ chez 85% des lymphocytes T circulants), soit par l’association d’une chaîne δ et d’une chaîne γ (TCR γδ), reliées par des ponts disulfures. Chaque chaîne est constituée de deux domaines. Le premier situé en N‐terminal, contient le site de reconnaissance de l’antigène. Le second domaine situé en C‐terminal est composé d’une courte séquence hydrophobe assurant l’ancrage à la membrane et d’une petite queue intracytoplasmique .
Le TCR ne possédant pas de séquence de signalisation intracytoplasmique de type ITAM (Immuno‐receptor Tyrosin based Activation Motive), il doit être associé au complexe multimoléculaire CD3 qui en est pourvu afin de relayer le signal d’activation du lymphocyte. Le CD3 est constitué de 6 chaines: une chaîne γ, une chaîne δ, deux chaînes ε et deux chaînes ζ (zêta), chacune possédant des motifs ITAMs intracytoplasmiques, composés de tyrosines qui seront phosphorylées par des kinases lors de l’activation lymphocytaire .
Les lymphocytes T CD4 + agissent en tant que cellules auxiliaires et ne reconnaissent que les antigènes liés aux molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II de la cellule présentatrice d’antigène (CPA). Tandis que les cellules T CD8 + sont des cellules cytotoxiques qui ne reconnaissent que les antigènes associés aux molécules du CMH de classe I .

La synapse immunologique

La réponse immune adaptative, débute par la reconnaissance des antigènes par les lymphocytes T. Elle déclenche la formation de la synapse immunologique, jonction dynamique et hautement structurée entre un lymphocyte T et une cellule présentatrice d’antigène .
L’établissement de cette synapse nécessite 3 signaux :
Le premier signal s’établit lors de la rencontre d’un fragment antigénique présenté par les glycoprotéines du CMH exprimées à la surface des CPA et du TCR. Cependant, en l’absence de signal supplémentaire le lymphocyte T deviendra anergique .
Cette première étape doit obligatoirement être accompagnée d’un deuxième signal dit de « signal de costimulation » médié par l’interaction entre les molécules de costimulation exprimées par les CPA (CD80 (B7-1), CD86 (B7-2), CD40…) et leurs récepteurs respectifs exprimés par les LT (CD28, CD40L, OX40L, CD137(4-1BB), CD27 …) .
Ces deux signaux permettent la formation d’une synapse immunologique, qui sera stabilisée par la présence des molécules d’adhésions (Intercellular Adhesion Molecule 1/Lymphocyte Function Associated Antigen-1 (ICAM-1/ LFA-1 et LFA-3/CD2)) permettant ainsi d’activer de nombreuses voies de signalisation intracellulaire, aboutissant au troisième signal, dit signal cytokinique. Ce dernier conduit à la sécrétion de cytokines telles que l’interleukine-2 (IL-2), créant un environnement favorable à l’expansion clonale et à la différenciation des lymphocytes T en cellules effectrices .

Mécanismes d’échappement tumoral au système immunitaire

À chacune des étapes permettant l’établissement de la synapse immunologique entre le lymphocyte T et la cellule cancéreuse, existent des possibilités de dysfonctionnement, pouvant aboutir à un échappement tumoral vis-à-vis du système immunitaire.
L’un des mécanismes les plus répondus est celui de la perte d’expression de la molécule CMH du type I au sein de la tumeur, entrainant la disparition du premier signal de reconnaissance antigénique par le TCR . Ce phénomène a été décrits dans de très nombreux cancers, et peut être expliqué par le fait, que les cellules tumorales CMH I négatives acquièrent un avantage de survie face à la pression de sélection exercée par le système immunitaire .
D’autres mécanismes de résistance ont été décrits tels que l’absence d’expression par la cellule tumorale de molécules de costimulation et d’adhésion, l’absence d’expression d’antigène spécifique de la tumeur ou la sécrétion de cytokines inhibitrices (IL-10, TGFB, FAS L), induisant une apoptose, une inactivation ou une anergie du lymphocyte T et entrainant par conséquent une tolérance du système immunitaire face aux cellules tumorales .
Au cours des dernières décennies, grâce à une meilleure compréhension du système immunitaire anti-tumoral et des mécanismes de résistance, une nouvelle catégorie d’immunothérapie par des lymphocytes T génétiquement modifiés est apparue. C’est une voie très prometteuse dans le traitement de cancers à un stade avancé, exploitant les propres cellules du système immunitaire du patient pour reconnaitre et détruire sélectivement la tumeur et surmonter les mécanismes d’échappement tumoraux .

Histoire et développement des CAR-T cells

Les premiers CAR-T cells, appelés T bodies ont été conçus par Z. Eshar en 1989 . Leur évaluation dans des études précliniques réalisées dans les années 1990, avait néanmoins révélé une toxicité sévère ainsi qu’une incapacité à maintenir leur activité cytotoxique in vivo .
En revanche, en 2003, de nouveaux essais menés in vitro et chez l’animal in vivo, ont montré le puissant potentiel thérapeutique des CAR-T cells ciblant l’antigène CD19 et avec une structure modifiée par rapport aux premiers essais . C’est seulement en 2010 que des cas de régression tumorale impressionnants ont été rapportés dans le cadre d’un essai de phase I, avec des CAR-T cells anti-CD19, utilisé dans le traitement des lymphomes folliculaires B et des leucémies lymphoïdes chroniques (LLC) .
La première patiente française, une jeune fille de onze ans atteinte d’une Leucémie Aigüe Lymphoïde de la lignée B (LAL-B) a été guérie de son hémopathie en juin 2016, suite au traitement par des CAR-T cells anti-CD19, dans le cadre de l’essai ELIANA .
En 2017 la société Novartis, a obtenu l’approbation par la FDA (Food and drug administration) aux Etats Unis, du premier médicament CAR-T cells ciblant l’antigène CD19: le Tisagenlecleucel (Kymriah®), destiné à des enfants et des jeunes adultes en échec thérapeutique d’une LAL-B CD19 positive .
Cette étape historique a inauguré une nouvelle ère dans la gestion des hémopathies malignes à cellules B réfractaires.

L’évolution des CAR-T cells, les différentes générations

Afin de reproduire les signaux d’activation lymphocytaire sans utiliser le recours initial «classique» du TCR, différentes générations de CAR ont été développées :
1ère génération :Comme décrits précédemment, les CAR de 1ère génération sont composés d’une région variable (ScFv) d’immunoglobuline monoclonale d’origine murine reconnaissant l’antigène cible, d’un domaine transmembranaire et d’un domaine intracellulaire de signalisation composé uniquement de molécules CD3ζ (partie de la molécule CD3 qui transmet le signal TCR-CD3). L’expérimentation in vivo de ces CAR-T cells dans les modèles animaux a démontré que le niveau d’activation et d’expansion étaient insuffisants pour produire une réponse anti-tumorale efficace et durable .
2ème génération :Une seconde génération de CAR a été développée pour optimiser l’activation, la survie et la fonctionnalité in vivo des CAR-T cells. L’innovation de cette nouvelle génération a été d’ajouter à la chaine CD3ζ un domaine de costimulation, le plus souvent CD28 ou 4-1BB (CD137). Les profils cytotoxiques et métaboliques de ces CAR-T cells diffèrent selon le domaine de costimulation. Par exemple, les CAR avec un domaine 4-1BB (CD137) semblent montrer une moindre activité cytotoxique mais aussi une meilleure longévité par rapport aux CAR-T cells portant le domaine CD28 .
3ème génération :Les CAR de 3ème génération combinent plusieurs domaines de costimulation, tels que CD28, 4-1BB(CD137), ICOS, OX40(CD134). La présence de plusieurs signaux de costimulation permet d’augmenter l’activité anti-tumorale avec une production plus élevée de cytokines, une activité cytotoxique plus importante et plus spécifique, ainsi qu’une capacité d’expansion cellulaire et de persistance in vivo augmentées .
4ème génération :Dans cette génération, l’innovation est apportée par la présence d’un transgène inductible par la reconnaissance de l’antigène cible par le CAR entrainant la sécrétion de cytokines ou d’autres ligands activateurs. Ce type de CAR-T cells est appelé TRUCKs (T cell Redirected for Universal Cytokine-mediated Killing) .
L’exemple le plus étudié à ce jour est celui des TRUCKs sécrétant l’IL-12, cytokine qui favorise : L’activité cytotoxique des lymphocytes T. L’activation et la différentiation des lymphocytes antitumoraux. La protection des CAR-T cells du micro-environnement tumoral inhibiteur. Le recrutement des autres cellules immunitaires qui accompagnent l’activité anti-tumorale des CAR-T cells .
L’avantage de l’utilisation de ce type de construction est que l’IL-12 est produite aussi longtemps que le lymphocyte génétiquement modifié reconnaissant la cible.

Table des matières

INTRODUCTION 
PREMIERE PARTIE : La technologie des CAR-T cells et sa place dans le traitement des Leucémies Aigues Lymphoblastiques B
1 Généralités en immunologie 
1.1 Le système immunitaire
1.2 Les lymphocytes T
1.3 La synapse immunologique
1.4 Le lymphocyte T, une arme efficace contre les cellules cancéreuses
1.5 Mécanismes d’échappement tumoral au système immunitaire
2 Le développement de l’immunothérapie : les CAR-T cells une révolution du XXIème siècle
2.1 Qu’est-ce qu’un CAR T cells
2.2 Histoire et développement des CAR-T cells
2.3 Structure du récepteur CAR
2.3.1 Le domaine extracellulaire
2.3.2 Le domaine transmembranaire
2.3.3 Le domaine intracellulaire
2.4 L’évolution des CAR-T cells, les différentes générations
2.5 Production des CAR-T cells
2.5.1 Leucaphérèse
2.5.2 Activation in vitro des lymphocytes T
2.5.3 Modifications génétiques des lymphocytes T isolés
2.5.4 Culture et multiplication des CAR-T cells
2.5.5 Traitement par chimiothérapie et injection des CAR-T cells
2.6 Source des lymphocytes T
2.7 Sélection de la cible des CAR-T cells
2.8 Les CAR-T cells commercialisés et leurs indications
3 Les CAR T cells dans les Leucémies Aigues Lymphoblastiques B
3.1 Les leucémies aigues lymphoblastiques
3.1.1 Définition
3.1.2 Epidémiologie
3.2 Classification des LAL-B
3.2.1 Classification EGIL
3.2.2 Classification OMS 2016
3.3 Pronostic des LAL-B
3.4 Prise en charge des LAL-B
3.5 Place des CAR-T cells anti-CD19 dans la prise en charge des LAL-B de l’enfant et du jeune
adulte
3.6 Effets secondaires des CAR-T cells anti-CD19 et leurs prises en charge
3.6.1 Effets secondaires aigues
3.6.2 Effets secondaires retardés
3.7 Mécanismes d’échappement tumoral
DEUXIEME PARTIE : Suivi des CAR-T cells au laboratoire 
1 Le devenir des CAR-T cells in vivo
2 Les outils du suivi des CAR-T cells au laboratoire
2.1 Dosage des cytokines et facteurs solubles
2.2 Techniques de biologie moléculaire
2.3 Suivi des CAR-T cells par cytométrie en flux
2.3.1 Principe
2.3.2 Les réactifs de détection
2.3.3 Sensibilité et spécificité des réactifs
2.4 Recommandations du groupe CARTi et de la Société Francophone de Greffe de Moelle
osseuse et de Thérapie Cellulaire (SFGM-TC)
3 Expérience du laboratoire d’hématologie du CHU de Marseille
3.1 Objectifs
3.2 Matériels et méthodes
3.2.1 Patientes
3.2.1 Protocole
3.2.1.1 Traitement des échantillons
3.2.1.2 Marquage et panels utilisés
3.2.2 Stratégie de fenêtrage
3.3 Résultats
3.3.1 Caractéristiques des patientes
3.3.2 Comparaison de la cinétique des CAR-T cells chez les deux patientes
3.3.3 Effets indésirables
TROSIEME PARTIE : Discussion 
Conclusion et perspectives
BIBLIOGRAPHIE

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