Synthèse d’hétérocycles azotés : tétrahydropyrazines et morpholines

Synthèse d’hétérocycles azotés : tétrahydropyrazines et morpholines

Alcynylation induite par des éthynylbenziodoxolones

L’atome d’iode appartient au groupe VII de la classification périodique des éléments. Il s’agit donc d’un halogène dont la configuration électronique [Kr] 4d10 5s 2 5p 5 lui confère normalement un caractère monovalent à un degré d’oxydation -1. On trouve cependant cet élément à des degrés d’oxydation variant de -1 pour les ions iodures « I –  » jusqu’à +7 pour les ions periodates « IO4 – « . Les états +3, +5 et +7 sortent de la règle de l’octet définie par Lewis : on parle alors d’hypervalence. La nomenclature préconisée par l’IUPAC identifie l’hypervalence par le symbole λn où n est le degré d’oxydation, suivi de la dénomination du composé hypervalent, « iodane » pour l’iode (Tableau 1). Ainsi les composés organiques d’iode hypervalent connus à ce jour peuvent être classés en deux grandes catégories, les λ3 -iodanes (degré d’oxydation +3) et les λ5 -iodanes (degré d’oxydation +5). Parmi les λ3 -iodanes on peut par exemple trouver le triflate de diphényliodonium (Tableau 1, entrée 1) ou le bis-acétoxyiodobenzène (Tableau 1, entrée 2). Dans la catégorie des λ5 -iodanes, les plus connus sont probablement l’acide 2-iodoxybenzoïque (IBX) et le periodinane de Dess-Martin (DMP). Tableau 1 Entrée 1 2 3 4 Nomenclature IUPAC λ3 -iodanes λ5 -iodanes Structure Exemple 20 Les benziodoxolones sont des λ3 -iodanes possédant une structure cyclique. L’atome d’iode se trouve au milieu d’une forme en T fortement distordue13. Lorsque l’atome d’iode est substitué par un motif acétylènique, la structure est nommé éthynyl-benziodoxolone (EBX) (Figure 1). La première synthèse d’une EBX a été effectuée par l’équipe d’Ochiai en 1991 dans le but d’obtenir des composés acétylèniques plus stables que les triflates d’alcynure d’iodonium13a,14. Compte tenu de l’effet inductif attracteur puissant de l’iode hypervalent, les EBX sont de bons donneurs d’alcynes électrophiles et ont été largement utilisés pour l’alcynylation de carbones ou d’hétéroatomes15. Figure 1 Dans ce chapitre ne seront traités que les réactions d’alcynylation de carbones et d’hétéroatomes mettant en jeu des EBX comme donneurs d’alcynes.

Alcynylation d’esters activés

Les EBX sont des donneurs d’alcynes électrophiles, à l’instar des triflates d’alcynure d’iodonium. Ils peuvent donc être utilisés en présence de nucléophiles pour accéder aux dérivés alcynylés. Waser et son équipe ont utilisé le TMS-EBX pour effectuer l’α-alcynylation de β-céto esters. En présence de fluorure de tétrabutyle ammonium (TBAF), de nombreux esters activés ont ainsi été alcynylés en α pour fournir des produits comportant un centre quaternaire avec de bons rendements (Schéma 1). Par exemple, 1.L.1 a été obtenu avec un excellent rendement de 98%. Le β-céto ester alcynylé 1.L.2, comportant un éther d’énol, a quant à lui été isolé avec un rendement modeste de 50%. Des β-céto esters acycliques ont également pu être alcynylés dans les mêmes conditions, comme le montre l’obtention de 1.L.3 (77%). Schéma 1 Lorsque les mêmes conditions ont été appliquées à l’alcynylation de β-cyano ou nitro-esters, les dérivés alcynylés 1.L.5 ont été obtenus avec des rendements élevés de 90% et 93% respectivement (Schéma 2). Schéma 2 Pour déterminer le mécanisme réactionnel de cette transformation, les auteurs ont effectué une étude en utilisant un TIPS-EBX enrichi en 13C (Schéma 3). Ils ont ainsi pu constater que le carbone portant le groupe silylé (position β sur l’EBX) se retrouvait en position α sur le produit d’alcynylation 1.L.B.A partir de ce résultat et d’études RMN 1 H, Waser et al. ont proposé un mécanisme anionique (Schéma 4). L’attaque des ions fluorures sur le silicium du TMS-EBX 1.L.7 provoquerait la formation de l’alcynure 1.L.8 qui pourrait déprotoner la position acide de l’α-céto ester pour former l’énolate 1.L.C et l’EBX 1.L.9 qui s’est avéré instable au dessus de -20 °C. L’attaque nucléophile du C-énolate sur la position β de l’EBX fournirait le composé 1.L.D puis le carbène 1.L.E après élimination de l’iodure d’aryle. Une migration 1,2 de l’hydrogène permettrait finalement de former le produit d’alcynylation 1.L.B Récemment, Bisai et son équipe ont appliqué ces conditions à l’alcynylation de 2-oxindoles16. Dans un premier temps, une nouvelle optimisation a été effectuée en utilisant des carboxylates de 2-oxindoles. Le TBAF dans le THF et la tétraméthylguanidine (TMG) dans le toluène se sont avérés être les meilleures bases pour cette transformation. En présence de TBS-EBX, des oxindoles comportant un ester méthylique ou allylique ont ainsi pu être efficacement alcynylés avec des rendements de 78% à 91% (Schéma 5). Lorsque le Ph-EBX a été utilisé comme donneur d’alcyne, les oxindoles correspondants 1.L.12-14 ont été obtenus avec des rendements de 74% à 84% (Schéma 6). Schéma 6 De manière intéressante, les auteurs ont noté qu’une substitution de la position C3 de l’indole par un groupe alkyle ou aryle plutôt qu’un ester n’empêchait pas d’isoler les produits d’alcynylation voulus, comme le montre l’obtention des composés 1.L.15 et 1.L.16 avec de bons rendements (Schéma 7)A la différence des travaux de Waser et al., l’utilisation de TMG comme base plutôt que le TBAF suppose que l’EBX 1.L.9 (Schéma 4) possédant une triple liaison terminale ne se forme pas dans conditions. La réaction peut alors être conduite à température ambiante (contre -78 °C dans les conditions de Waser). Selon les auteurs, la TMG deprotonerait la position C3 de l’indole, pour former un anion 1.L.G stabilisé par l’amide (Schéma 9). L’attaque de l’énolate sur le TBS-EBX formerait l’intermédiaire 1.L.I puis 1.L.J après une migration O-C supposée rapide. Finalement une élimination réductrice mènerait à l’alcyne silylé 1.L.K qui serait déprotégé par l’iodobenzoate pour donner le produit d’alcynylation 1.L.L observé et l’ester silylé 1.L.20.

Alcynylation de cycles aromatiques 

Les indoles ont été les premiers cycles aromatiques dont l’alcynylation en présence d’EBX a été étudiée par l’équipe de Waser. Les motifs indoliques, présents dans de nombreuses molécules bioactives, présentent en effet l’avantage d’être de bons nucléophiles. En utilisant le TIPS-EBX comme donneur d’alcyne et un complexe d’or(I) comme catalyseur, dans le diéthyl éther à température ambiante, plusieurs indoles non protégés ont été alcynylés sélectivement sur la position C3 (Schéma 14) 18. Les conditions douces mises en œuvre ont permis d’utiliser des indoles comportant des fonctions réactives, telles qu’un alcool libre ou un acide carboxylique, ainsi que des halogènes. Les auteurs ont par ailleurs noté que presque 70% d’acide 2-iodobenzoïque pouvait être récupéré après traitement de la réaction. Cet acide a ensuite pu être recyclé pour reformer le TIPS-EBX. Lorsque les mêmes conditions réactionnelles ont été appliquées à des pyrroles non protégés, les produits d’alcynylation en position C4 ont été isolés (Schéma 15). Des rendements un peu moins élevés que pour l’alcynylation des indoles ont été obtenus à cause de la grande réactivité des pyrroles en présence de métaux de transition. Cependant, des pyrroles fonctionnalisés et ou polysubstitués ont pu être engagés avec succès dans la réaction. On peut par exemple noter l’alcynylation du pyrrole 1.L.36 incorporant une méthyle cétone en position C2 pour mener à 1.L.37 ainsi que la formation du pyrrole tétrasubstitué 1.L.39 avec des rendements de l’ordre de 50%.Pour expliquer leurs résultats, les auteurs ont proposé deux mécanismes. Le premier est basé sur les propriétés d’acide de Lewis π de l’or(I) qui aurait alors pour rôle d’activer la triple liaison de l’EBX pour favoriser l’attaque de l’indole (Schéma 16). Selon la régiosélectivité de l’attaque, deux complexes vinyliques 1.L.40 et 1.L.43 seraient formés. Les deux complexes pourraient mener au produit 1.L.42 observé, par élimination β ou par élimination α puis migration 1,2 du groupe TIPSLe deuxième mécanisme proposé fait intervenir une addition oxydante (a.o.) du complexe d’or(I) dans la liaison O-I de l’EBX conduisant au complexe d’or(III) 1.L.44. Un N H O Me AuCl (5 mol %), TIPS-EBX (1.2 équiv.) Et2O, t.a. N H O Me TIPS 58% N H AuCl (5 mol %), TIPS-EBX (1.2 équiv.) Et2O, t.a. N H TIPS 48% Et Me Me Et Me Me 1.L.36 1.L.37 1.L.38 1.L.39 [Au](I)X N H TIPS Au(I) I HO2C X- N H I Au(I) TIPS XHO2C N H TIPS élimination β élimination α migration 1,2 addition électrophile O I O Au(I)X TIPS TIPS-EBX N H TIPS 1.L.40 1.L.41 1.L.42 1.L.43 30 échange de ligand avec l’indole mènerait à 1.L.45 puis une élimination réductrice (e.r.) permettrait d’obtenir le produit d’alcynylation (Schéma 17)..

Table des matières

Remerciements
Liste des abréviations
Introduction Générale
Chapitre 1
I Étude bibliographique – Alcynylation induite par des éthynyl-benziodoxolones.19
I.1 Introduction
I.2 Alcynylation de carbones
I.2.1 Alcynylation d’esters activés
I.2.2 Alcynylation de cycles aromatiques
I.2.3 Alcynylation par réaction domino
I.2.4 Alcynylations décarboxylantes
I.3 Alcynylation d’hétéroatomes
I.4 Conclusion.
II Résultats : Alcynylation de sulfonamides et synthèse de tetrahydropyrazines.51
II.1 Introduction
II.2 Alcynylation chimiosélective de sulfonamides
II.2.1 Synthèse du TMS-EBX55
II.2.2 Optimisation des conditions opératoires pour l’alcynylation de sulfonamides.55
II.2.3 Généralisation de la réaction
II.2.3.1 Mise en évidence de la chimiosélectivité
II.3 Synthèse de tétrahydropyrazines
II.3.1 Synthèse de diamines orthogonalement protégées
II.3.2 Réaction monotope – Optimisation des conditions réactionnelles 64
II.3.3 Généralisation de la réaction
II.3.3.1 Réactivité des N-sulfonyle-N’-Boc diamine
II.3.3.2 Réactivité des N-tosyl,N’-benzoyle diamines
II.3.3.3 Réactivité des N-tosyl,N’-alcanoyle diamine
II.3.3.4 Rationalisation
II.3.3.5 Mécanisme
II.3.4 Fonctionnalisation des tétrahydropyrazines
II.3.4.1 Réduction de la double liaison
II.3.4.2 Arylation intermoléculaire
II.3.4.3 Couplage de Heck intramoléculaire
II.4 Conclusion.
Partie Expérimentale
Chapitre 2
I Étude bibliographique – Synthèse de morpholines et dérivés par cyclisation induite
par des métaux de transition
I.1 Introduction
I.2 Formation de la liaison C-N
I.2.1 Addition 1,4 intramoléculaire
I.2.2 Hydro(carbo)amination intramoléculaire
I.2.3 Couplage C-N
I.3 Cyclisation par construction de la liaison C-O
I.3.1 Halocyclisation
I.3.2 Cyclisation par alkoxylation
I.3.3 Cyclisation de type SN2’
I.4 Formation de morpholines par création d’une liaison C-C
I.5 Formation de morpholines par construction séquentielle de plusieurs liaisons
I.5.1 Création de la liaison C-N puis de la liaison C-O
I.5.2 Formation de morpholines par création des liaisons C-O puis C-N
I.5.3 Formation de morpholines par création de deux liaisons C-N
I.6 Conclusion
II Résultats : Hétérocyclisation catalysée par le Fe(III)
II.1 Introduction
II.2 Synthèse des précurseurs d’heterocyclisation
II.2.1 Synthèse des précurseurs 2.B permettant d’accéder aux morpholines
2,6-disubstituées
II.2.1.1 Première voie de synthèse : réaction de métathèse croisée
• Rétrosynthèse
• Synthèse des précurseurs de cyclisation par métathèse
II.2.1.2 Deuxième voie de synthèse : propargylation / réduction ménagée
• Rétrosynthèse
• Synthèse des précurseurs de cyclisation par propargylation/réduction
o A partir d’un amide de Weinreb.
o A partir du diméthylacétal 2.12.
• Synthèse d’un substrat énantio-enrich
• Variation du substituant R1 de l’alcool allylique
II.2.2 Synthèse des précurseurs 2.D permettant d’accéder aux morpholines
3,5-disubstituées
II.2.2.1 Rétrosynthèse
II.2.2.2 Préparation des aziridines monosubstituées
• Synthèse des aziridines par substitution nucléophile intramoléculaire
• Synthèse des aziridines par aziridination d’oléfines terminales
II.2.2.3 Préparation des éthers propargyliques
II.2.2.4 Accès aux précurseurs de cyclisation 2.D
II.3 Formation de morpholines disubstituées par hétérocyclisation
II.3.1 Synthèse de morpholines 2,6-disubstituées
II.3.1.1 Optimisation des conditions de cyclisation
II.3.1.2 Généralisation de la réaction
• Influence du substituant R2
• Influence du substituant R1 en position allylique
II.3.2 Synthèse de morpholines 3,5-disubstituées
II.3.2.1 Optimisation des conditions de cyclisation
II.3.2.2 Généralisation
II.3.3 Mécanisme
II.3.4 Transformations ultérieures
II.4 Résumé des hétérocyclisations
III Synthèse monotope de morpholines
III.1 Approche rétrosynthétique
III.2 Synthèse des vinyloxiranes et des amino-alcools
III.2.1 Synthèse de vinyloxiranes.
III.2.1.1 Préparation de vinyloxiranes à partir d’un aldéhyde et d’un bromure d’allyle

III.2.1.2 Préparation de vinyloxiranes à partir d’un énal et d’un bromure d’alkyle
• Synthèse d’énals
• Synthèse des oxiranes
III.2.2 Synthèse d’amino-alcools
III.2.2.1 Préparation de 1,2-amino-alcools secondaires et tertiaires
III.2.2.2 Préparation de 1,2-amino-alcools substitués en α de l’azote
III.2.2.3 Préparation de 1,2-amino-alcools disubstitués
III.3 Synthèse de morpholines par la séquence allylation/hétérocyclisation
III.3.1 Séquence monotope O-Allylation/Hétérocyclisation
III.3.2 Séquence monotope N-allylation/hétérocyclisation.
III.3.2.1 N-Allylation de l’amino-éthanol catalysée par le Pd(0)
III.3.2.2 Optimisation de la séquence monotope allylation/hétérocyclisation
III.3.2.3 Formation de morpholines mono-substituées
III.3.2.4 Synthèse de morpholines poly-substituées : optimisation des conditions
réactionnelles
III.3.2.5 Synthèse de morpholines 2,6-disubstituées
III.3.2.6 Synthèse de morpholines 2,5-disubstituées
III.3.2.7 Synthèse de morpholines 2,3-disubstituées
III.3.2.8 Synthèse de morpholines poly-substituées
III.3.2.9 Mécanisme réactionnel de la séquence N-allylation/hétérocyclisation
III.4 Application a la formation d’autres hétérocycles
III.4.1 Formation d’homologues supérieurs
III.4.2 Formation de pipérazines
III.4.2.1 Approche synthétique
III.5 Conclusion
Annexe 1
Partie Expérimentale
Conclusion Général

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