Système de maîtrise de gestion

La fabrique d’un assemblage « système de maîtrise de gestion » au cœur des résultats de la recherche empirique

« C’est un système solide et cohérent, je pense que c’était étonnant auparavant que ça n’existe pas » (entretien ACE01, zone Asie). Ce troisième chapitre s’inscrit dans la progression de notre projet de compréhension de l’interaction entre les éléments théoriques et empiriques ; les fondements étudiés dans la première partie vont être interprétés de façon à présenter l’assemblage du SMG du RECAC (section B) à l’aune de notre perception du SMG en contrôle capacitant , après avoir montré le rôle facilitateur joué par l’introduction de l’instrument FSP (section A) qui constitue, selon nous, un élément préfigurateur dans la fabrique du SMG. La deuxième section comporte des développements détaillés concernant les principaux éléments de l’assemblage SMG du RECAC.

Il s’agit effectivement de donner à comprendre et de montrer les résultats issus de l’interprétation des entretiens semi-directifs conduits auprès de soixante répondants exerçant au Département et dans des postes, ainsi que des documents et des discours relatifs à l’organisation que nous avons recueillis. Puis, nous nous attacherons aux résultats des entretiens, toujours en nous appuyant sur le cadre étendu de Ferreira et Otley (2009), qui nous a permis, comme nous l’avons expliqué en conclusion de la première partie, de construire le guide d’entretien, pivot du dispositif méthodologique, pour donner à voir les principaux résultats de la recherche empirique avec les notions de   « dialogue capacitant » (section C), de « sens de la mission » et de « moments » du mécanisme de capacité (section D). Enfin, la dimension quantitative de notre recherche, exploitant une analyse factorielle des correspondances multiples, également réalisée à partir des entretiens, met l’accent sur un quatrième résultat significatif (section E).

Nous considérons ces résultats comme des leviers de renforcement du contrôle capacitant. A – À la recherche du système de maîtrise de gestion du RECAC : le FSP, élément préfigurateur Il a été défini dans le premier chapitre268 ce que nous entendions par « système de maîtrise de gestion », ainsi que la notion de « package » (modèle conceptuel de Malmi et Brown, 2008) qui y a été associée, pour laquelle nous proposons le terme français d’« assemblage ». À cet égard, dans une contribution retraçant plus de trois décennies de recherches portant sur la théorie de la contingence en comptabilité et contrôle de gestion, David Otley (2016) a lancé un appel pour que le concept d’assemblage fasse l’objet d’une attention plus aiguë de la part des chercheurs ; la présente recherche y répond.

De la sorte, nous avons logiquement repris, parmi différentes définitions proposées dans la littérature académique, celle qui correspond au modèle que nous avons mobilisé pour notre dispositif méthodologique en matière de SMG : « Il s’agit des mécanismes, processus, systèmes et réseaux évolutifs formels et informels utilisés par les organisations pour communiquer les principaux buts et objectifs de la direction, pour appuyer les processus stratégique et de gestion opérationnelle par l’analyse, la planification, les mesures, le contrôle, les récompenses, et plus largement le pilotage de la performance, et pour soutenir et faciliter l’apprentissage organisationnel et le changement » (Ferreira et Otley, 2009, p. 264). Cette définition propose une conception large du SMG intégrant l’ensemble des dispositifs de gestion qui touchent les membres du continuum LH-CO. En outre, nous avons proposé de comprendre des SMG selon une acception qui correspond à l’assemblage de systèmes individuels.

Dans cet esprit, ces systèmes individuels constituent des éléments en interaction du SMG conçus et mis en œuvre par différents acteurs et à différents moments (Strauß et Zecher, 2013, p. 260). De la sorte, nous 268 Voir la section D du premier chapitre, premier levier de compréhension consacré au SMG. Chapitre III – La fabrique d’un assemblage « système de maîtrise de gestion » au cœur des résultats de la recherche empirique 325 entendons par SMG un assemblage d’éléments, conformément à l’approche « package ». Dans le deuxième chapitre, nous avons montré les conditions qui ont été réunies en sorte de favoriser l’émergence progressive de dispositifs de gestion au travers de la mise en place d’un SMG dans un contexte de montée en puissance de la préoccupation gestionnaire – ce que nous avons qualifié par le néologisme « gestionnarisation » – touchant l’ensemble du RECAC.

Ce mouvement s’était traduit dès 2002 par la mise en place progressive à la DGCID d’une cellule de contrôle de gestion, qui est toujours opérationnelle au sein de la DGM. Cette cellule de trois personnes, animée initialement par d’anciens agents culturels, s’est progressivement professionnalisée, avec l’arrivée d’un chef de bureau issu de l’École nationale d’administration en 2006. Fin 2010, un contrôleur de gestion issu du secteur privé – devenu inspecteur des finances publiques en 2014 au titre des concours réservés de 2013 – a été recruté puis nommé responsable du bureau contrôle de gestion, devenu pôle contrôle de gestion, au sein du « secteur performance » de l’ancien service des programmes et du réseau (devenu DPR) de la DGM. L’ancien directeur général de la DGM, aujourd’hui secrétaire général du MAE, justifiait la création de ce secteur : « Pour relever ses nombreux défis, la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats a inscrit au cœur de ses priorités l’instauration d’un mode de fonctionnement basé sur une culture de résultat. Il est pour cela important d’adopter une stratégie de performance qui nous permettra de mieux orienter nos actions et de mieux en rendre compte. J’ai d’ailleurs souhaité créer à cet effet un secteur « performance ».

L’évaluation, le contrôle de gestion et l’audit constituent les trois volets d’une démarche globale qui vise à renforcer le pilotage stratégique et la prise de décision à l’administration centrale, dans le réseau et auprès des opérateurs ». Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM), du ministère des Affaires étrangères et européennes.

Le dispositif FSP compris comme une sensibilisation à la démarche de contrôle de gestion

Nous estimons que le fonds de solidarité prioritaire (FSP), créé en 2000, constitue la première pierre posée à l’édifice du projet SMG du RECAC et qu’il a facilité la transition des agents du RECAC vers une gestion par les résultats. Un rapport externe de l’évaluation de l’instrument FSP qui avait été commandé par le MAE mentionne que « Il y a bien une culture de projet à la DGCID au départ, mais la gestion par les résultats y est inconnue » (Dessalien et Perramant, 2014, p. 93). Conçu concomitamment à la LOLF, le FSP peut être perçu comme une sensibilisation à la démarche de contrôle de gestion, voire comme une préfiguration du SMG du RECAC, dans la mesure où il propose une nouvelle approche de l’organisation du travail de coopération fondée sur une attention prioritaire portée envers la dimension gestionnaire. Le dispositif FSP270 s’est imposé à l’ensemble des secteurs de la coopération culturelle, notamment celui de la CLE.

Le MAE le présente ainsi : « Le FSP est l’instrument de l’aide projet du ministère des Affaires étrangères et du Développement international issu de la réforme du dispositif de la coopération française engagée en 1998, il a été créé par décret n°2000-880 du 11 septembre 2000 et a remplacé le Fonds d’Aide et de Coopération (FAC), fonds créé en 1959 afin d’accompagner les États africains nouvellement indépendants » (DGM, vade-mecum des procédures de la coopération et de l’action culturelle, fiche n°32 Le fonds de solidarité prioritaire, juin 2014, p. 1). Il convient de retenir les grands principes du FSP : le montage des projets de coopération (projets ou programmes pays, inter-États et mobilisateurs), dans de nombreux secteurs, se fait selon une optique pluriannuelle avec un engagement signé des partenaires locaux qui fait l’objet d’une convention officielle entre les parties prenantes et garantit des cofinancements sur plusieurs années, généralement trois. 

Si ce processus avait été formalisé lors de la constitution d’un comité des projets FSP, avec la diffusion de différents documents à usage interne et avait nécessité des formations ad hoc des employés du RECAC, c’est qu’il avait constitué une évolution dans l’organisation du travail des agents affectés dans les postes relevant de la zone de solidarité prioritaire (ZSP). Les projets du FSP doivent effectivement intégrer les notions de transparence interne (au niveau du RECAC et de l’organisation des partenaires locaux) et globale dans l’articulation avec les partenaires, notamment sur les cofinancements, les ressources, la conduite des projets, depuis leur conception jusqu’à leur transfert aux partenaires locaux qui devront, à l’issue, en assurer la pérennité hors financements MAE271 . Bien que formalisé ce dispositif permet une très grande flexibilité dans la conception des projets et offre des possibilités d’adaptation, c’est-à-dire de réparation, tout au long de la conduite des projets, et même au-delà car l’analyse de projets montre qu’ils ont pu générer de nouveaux projets pour corriger des manquements à la conception initiale.

Le premier point à souligner est la notion de cycle du projet. Ainsi, le MAE distingue quatre phases : phase avant-projet dite « identification » ou « exploration », phase de préparation ou de « conception », phase de gestion du projet comportant les sous-phases de préparation, d’exécution et de suivi, et phase « d’évaluation prospective ». Le lien avec les outils du management est explicite ; le « Guide du FSP » (Beaudlet, 2003) se réfère à différents ouvrages de gestion pour mettre en évidence le « cycle de gestion » concernant les projets de coopération culturelle. Ces phases conduisent à la remise de documents administratifs de gestion : une fiche de prise en considération (FPC), un rapport de présentation (RP), une évaluation de mi-parcours, puis une évaluation finale, dite de fin de parcours, qui fait l’objet d’une évaluation rétrospective.

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