Taux de production et facteurs d’échelles

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Taux de production et facteurs d’échelles

Le taux de production des nucléides cosmogéniques varie en fonction du temps et de l’espace (Lal, 1991). Les particules secondaires de faible énergie, n’arrivent pas sur la surface de la Terre de manière uniforme. En effet, le taux de production va dépendre de la latitude, de l’altitude et de la topographie. Le taux de production est par convention calculé pour un échantillon sur une surface plane recevant la totalité des rayons cosmiques, au niveau de la mer et à haute altitude (« SLHL »= Sea Level High Latitude). Les taux de production locaux déterminés en surface sont ensuite corrigés par des paramètres du site d’échantillonnage : les facteurs d’échelles. Ces facteurs sont la variabilité spatiale et l’écrantage topogra-phique. Le taux de production du 10Be dans le quartz est calculé avec la méthode de Stone (2000) et les données remises à jour par Balco et al. (2008) c’est-à-dire avec un taux de production de 4,5 at.g¡1.a¡1.

Variabilité spatiale

Le rayonnement cosmique est dévié par les champs géomagnétiques solaire et terrestre. Les par-ticules primaires sont des particules chargées (protons), elles sont donc affectées par les champs ma-gnétiques. Le champ magnétique terrestre oriente les particules du rayonnement secondaire des basses latitudes vers les hautes latitudes. Par conséquent, la production des nucléides cosmogéniques est plus importante aux Pôles qu’à l’équateur.
La dissipation de l’énergie des rayons cosmiques est très rapide à travers l’atmosphère. De ce fait, le taux de production est plus faible aux basses altitudes qu’aux hautes altitudes.

Ecrantage topographique

Le rayonnement cosmique dépend donc de la localisation géographique du site d’échantillonnage. Le rayonnement cosmique est maximum si la surface est plate et qu’il n’y a pas d’obstruction sur l’ho-rizon. Les chaînes de montagnes vont avoir tendance à bloquer le rayonnement, et ainsi à diminuer le taux de production du site (Dunai, 2010). La mesure de l’écrantage topographique permet de corriger la production de l’effet de site. Pour évaluer l’écrantage topographique, on utilise un clinomètre qui va mesurer l’angle entre l’horizon et l’horizontal. L’orientation et l’angle formé par rapport à l’horizontal des principaux reliefs masquant le rayonnement cosmique est relevé. Le facteur topographique (f ) est compris entre 0 et 1 (respectivement écran total (0) et pas d’écran (1)).

Stratégie d’échantillonnage

Nous avons prélevé une vingtaine d’échantillons répartis dans les bassins versants de l’Arve et de l’Arc (Figure 1). Sur chaque site, les blocs erratiques se trouvent sur le poli glaciaire comme le montre la figure 3. Les échantillons ont été collectés en suivant une stratégie d’échantillonnage. Les polis ont été échantillonnés en profondeur, jusqu’a trois mètres environ grâce à une carotteuse diamantée (Figure 3D), dans le but de connaître la concentration de 10Be en profondeur. Ainsi, nous pourrons savoir si le passage du glacier a assez érodé le poli pour remettre à zéro la concentration de 10Be ou s’il n’a pas assez érodé et donc que le poli a acquis de l’héritage. Les blocs erratiques choisis sont généralement pluri-métriques. En effet, pour diminuer les facteurs post-dépôts, il est préférable que le bloc soit resté en place après son abandon par le glacier. De plus, différentes faces des blocs (en surface et en dessous) sont échantillonnés pour connaître les différents scénarios d’expositions des blocs, ce qui nous rensei-gnera sur les dynamiques d’exhumation et de transport de ces blocs. La datation des blocs et des polis va nous permettre d’analyser la distribution de la concentration des nucléides cosmogéniques en surface et en profondeur.

Préparation des échantillons

Pour connaître la concentration de Béryllium et d’Aluminium dans les grains de quartz, il faut dans un premier temps extraire et purifier le quartz, puis dans un second temps substituer l’acide fluorhy-drique en acide nitrique et enfin extraire le béryllium et l’aluminium sous la forme d’oxyde, respective-ment BeO et Al2O3 . Le protocole chimique est basé sur la méthode de Brown et al. (1991). J’ai effectué la préparation pour 30 échantillons.

Préparation et tri mécanique

Le minéral cible de nos isotopes est le quartz, il faut donc l’extraire de nos échantillons. Dans un premier temps, les échantillons sont découpés pour pouvoir passer dans la broyeuse à mâchoires. Une fois découpés, les échantillons sont broyés et tamisés pour avoir une fraction granulométrique entre 250 et 500 „m (Figure 4A). Les grains sont ensuite passés au séparateur magnétique (Frantz) pour avoir uniquement les minéraux diamagnétiques (Figure 5B et C). J’ai effectué ces étapes au laboratoire de préparation des échantillons d’ISTerre Chambéry.

Purification du Quartz

Après le tri mécanique, entre 150 et 200g de sables sont prélevés et conditionnés dans une bouteille Nalgène préalablement pesée. Le pesage de la bouteille doit être précis à 10¡4 g près, puisque la masse de quartz doit être connue avec la même précision. Un premier ajout d’acide chlorhydrique (HCl) (Fi-gure 5B) va permettre de dissoudre les éventuels carbonates. Les échantillons sont ensuite soumis à une succession de bains de HCl et d’acide hexafluorosilicique (H2SiF6) afin de dissoudre tout les minéraux sauf le quartz. Les proportions sont d’environ 1/3 de HCl et 2/3 de H2SiF6. Les échantillons sont agités pendant 24h puis les acides sont changés (Figure 5 A). Une fois que les échantillons ne contiennent plus que du quartz, ils peuvent être rincés et séchés dans une étuve. Ces cycles de dissolution durent entre 15 à 20 jours. Une fois que les échantillons sont rincés et séchés, les grains sont observés sous une lampe binoculaire pour vérifier que l’échantillon est constitué de quartz pur. S’il y a d’autres minéraux présents dans l’échantillon (micas, feldspath..), ce dernier est à nouveau passé au séparateur magnétique, ou recommence un cycle de dissolution (HCl et de H2SiF6). Une fois que la pureté du quartz est acquise, les échantillons sont pesés afin de connaître la masse de quartz total de l’échantillon. A partir de cette masse, la quantité d’acide fluorhydrique (HF) pour enlever la production atmosphérique du 10Be dans l’échantillon est calculée. Cette production météorique a un taux de production mille fois plus grand que le taux de production in situ (Gosse and Phillips, 2001). Les échantillons sont donc soumis à une série de dissolutions séquentielles à l’acide fluorhydrique afin d’obtenir un quartz décontaminé (de la production atmosphérique de 10Be) et purifié.
Ils sont ensuite rincés et séchés dans l’étuve, puis pesés. Environ 20g de quartz décontaminés sont gardés pour la suite de l’extraction. On ajoute environ 300 „l de solution entraineur 9Be, dont la masse exacte est connue ainsi que sa concentration ( 10¡3 g/g). Cet entraineur va permettre de mesurer ulté-rieurement le rapport 9Be/10Be par le spectromètre de masse par accélérateur. Un volume calculé d’HF est ensuite ajouté à l’échantillon, afin de dissoudre totalement le quartz. Parallèlement, un échantillon « blanc » est créé, avec 500 „l de solution entraineur et environ 60 ml d’HF. Ce blanc va subir le même protocole que les autres échantillons. Son résultat nous permettra de savoir s’il y a eu d’éventuelles pollutions pendant les manipulations. Les échantillons sont agités entre 3 et 4 jours pour dissoudre to-talement le quartz.

Substitution de l’Hf en acide nitrique (HNO3)

L’HF étant un acide très toxique, cette étape permet de substituer l’HF en HNO3. Pour cela l’échan-tillon est transféré dans un bêcher en téflon sur une plaque chauffante afin d’évaporer la solution à sec. La bouteille en Nalgène est rincée trois fois avec 5 ml d’HF évaporé à sec à chaque fois. Cette étape fa-vorise l’élimination du bore (B). Le bore étant un isobare du 10Be, sa suppression est très importante tout au long du protocole. S’il reste des résidus au fond de la bouteille, ces derniers sont rincés et séchés pour être pesés. Cette masse de résidus sera par la suite soustraite à la masse de quartz décontaminé. 5 ml d’acide perchlorique (HClO4) sont ajoutés et évaporés à sec dans le bêcher en téflon afin de suppri-mer toute trace d’HF. Ensuite, on ajoute trois fois 5 ml d’HNO3, sans aller à sec les deux premières fois. L’échantillon est ensuite repris et rincé avec de l’HCl (10,2 mol/g) puis centrifugé. Pour la mesure de 26 Al, une partie de l’échantillon est prélevée dans un aliquot (environ 500 „l). Ce dernier est pesé préci-sément pour connaître le rapport échantillon sur aliquot. Il est ensuite utilisé pour estimer la concentration en aluminium total (Al) et en sodium (Na) par ICPMS (Inductively coupled plasma atomic emission spectroscopy).
Lors de cette étape, une dizaine des échantillons ont formé un précipité lors de la première évapo-ration à sec. Ils ont tous la même lithologie, ce sont des blocs de granite du Mont Blanc. Ces mêmes échantillons ont été rejetés par la machine ASTER qui mesure le rapport 10Be/9Be.

Extraction du béryllium et de l’aluminium

Une fois que nos échantillons sont en solution avec de l’HCl, ils vont subir une succession de pré-cipitations en milieu alcalin avec de l’ammoniac (NH4OH). La solution doit être amenée à pH » 8, afin de précipiter du de l’hydroxyde de béryllium (Be(OH2)). Les échantillons sont ensuite centrifugés, le surnageant est jeté et le précipité est rincé avec de l’eau à pH » 8 puis remis en solution avec de l’HCl. Cette précipitation permet de séparer une nouvelle fois le bore puisqu’il précipite à un pH plus basique. L’échantillon est ensuite injecté dans une résine échangeuse d’ions avec de l’HCl. Cette première résine (DOWEX 1×8) permet de séparer le béryllium et l’aluminium des oxydes de fer (Fe2+) et de manganèse (Mg2+). Une fois que la colonne a fini de s’éluer, l’échantillon subit à nouveau une précipitation en mi-lieu alcalin pour ensuite être injecté dans une seconde résine. Cette dernière (DOWEX 50Wx8) permet de séparer le béryllium (10Be) du bore (10B) et de l’aluminium (26Al). Une fois cette étape terminée, les échantillons sont à nouveau amenés à un pH » 8. Ils sont centrifugés et rincés trois fois. Les précipités sont ensuite dissous avec de l’HNO3, puis transférés dans un creuset pour être oxydés dans un four à » 900°C. L’oxyde de béryllium (BeO) et l’oxyde d’aluminium (Al2O3) sont prêts pour être cathodés et analysés. J’ai effectué ces étapes au laboratoire de préparation des échantillons d’ISTerre Grenoble.

Analyse et mesure par spectrométrie de masse par accélérateur

Les mesures du rapport 10Be/9Be sont réalisées par le spectromètre de masse par accélérateur (SMA) à l’institut national ASTER (CEREGE, Aix en Provence). Les oxydes sont dans un premier temps cathodés. Pour cela, l’oxyde de béryllium est mélangé avec du Niobium (Nb) et l’oxyde d’aluminium est mélangé avec de l’Argent (Ag). Les échantillons sont ensuite transférés dans des cathodes en cuivre pour être  mesuré par le SMA. Le but du SMA est de compter le nombre d’atomes d’un élément caractérisé par une masse et un numéro atomique. La mesure du rapport 10Be/9Be et 27Al/26Al permet de déduire la concentration en 10Be et en 26Al.

Résultats analytiques pour les polis glaciaires

Les profils de la figure 6 représentent les résultats sur les trois sites (Montsapey, Aussois et Vau-dagne) : la concentration en 10Be est donnée en fonction de la profondeur. Les modèles minimums et maximums sont calculés en fonction des incertitudes sur les concentrations de 10Be. L’âge minimum du retrait des glaces est donc pour Monstapey de 11,579 § 0,182 10Be ka avec un héritage de 6 246 at.g¡1, pour Aussois l’âge est de 10,776 § 1,520 10Be ka avec un héritage de 4 069 at.g¡1 et enfin pour Vaudagne l’âge minimum est de 9,101 § 0,722 10Be ka avec un héritage de 3 930 at.g¡1. L’héritage trouvé dans les polis glaciaires représente 5%, 2,5 % et 4 % de la concentration en 10Be respectivement pour Montsa-pey, Aussois et Vaudagne ce qui est relativement faible. Cependant nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que l’héritage est nul. A trois mètres de profondeur, il n’y a presque plus de production et donc la concentration en 10Be doit être proche de zéro. Les données 26Al nous auraient permis de mieux quantifier l’héritage dans les polis. Malheureusement, l’analyse n’a pas pu ce faire par manque de dis-ponibilité de l’instrument national ASTER. Nous avons réalisé un second échantillonnage à Vaudagne sur un poli seulement en surface (VAU1). VAU 1 a un âge apparent de 15,264 § 1,221 10Be ka, comme il est en surface, nous n’avons aucune information sur un possible héritage.

Résultats analytiques pour les blocs

Pour les blocs erratiques, nous avons utilisé la même méthode que pour les polis, c’est-à-dire qu’on a fait varier les paramètres Héritage, Erosion et Temps minimum afin d’ajuster au mieux le modèle avec les données mesurées. Les zones d’échantillonnages sont représentés sur les figures par des ronds de différentes tailles qui sont fonction de la concentration en 10Be.
Pour le site d’Aussois, nous avons échantillonné trois blocs qui se trouvaient sur le poli glaciaire, les faces échantillonnées des blocs sont représentées par des ronds verts sur la figure 7, les tailles des ronds sont fonction de la concentration en 10Be. L’échantillon AUSS 5 (Figure 7A) se trouve sur le sommet d’un bloc de gneiss d’une hauteur de 90 cm et d’une longueur de 130 cm. L’échantillon AUSS 7 (Figure 7B) se trouve sur le sommet d’un bloc de micaschiste d’une hauteur de 45 cm et d’une longueur de 125 cm. Les échantillons AUSS 8 et AUSS 9 (Figure 7C) se trouvent sur un même bloc de micaschiste d’une hauteur de 80 cm et d’une longueur de 130 cm. Les résultats pour les trois blocs sont représentés sur la figure 7. L’âge apparent moyen de ces trois bloc est égal à 13,757 § 0,675 10Be ka. L’échantillon AUSS 9 se trouvant en dessous du bloc a une concentration plus faible que les autres échantillons. Sans prendre en compte cet échantillon, l’âge moyen des trois échantillons qui se trouvent sur le dessus des trois blocs, est de 14,23 § 0,707 10Be ka. Grâce à ces données, nous pourrons comparer l’âge minimum du poli et les âges apparents des blocs.

Table des matières

Introduction 
1 Contexte générale de l’étude 
2 Méthodes 
2.1 Rayons Cosmiques
2.2 Taux de production et facteurs d’échelles
2.2.1 Variabilité spatiale
2.2.2 Ecrantage topographique
2.3 Stratégie d’échantillonnage
2.4 Préparation des échantillons
2.4.1 Préparation et tri mécanique
2.4.2 Purification du Quartz
2.4.3 Substitution de l’Hf en acide nitrique (HNO3)
2.4.4 Extraction du béryllium et de l’aluminium
2.4.5 Analyse et mesure par spectrométrie de masse par accélérateur
3 Résultats 
3.1 Calculs des concentrations en 10Be et en 26Al
3.2 Calculs des incertitudes
3.3 Estimations de l’âge d’exposition et du taux d’érosion
3.3.1 Résultats analytiques pour les polis glaciaires
3.3.2 Résultats analytiques pour les blocs
4 Discussion 
4.1 Blocs versus Polis : Qu’est-ce que l’on date ?
4.2 Héritage possible dans les polis ?
Conclusion 
Annexe 

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