Une crue centennale en Loire Moyenne

Une crue centennale en Loire Moyenne

Le projet de recherche Granularité des Niveaux de Pilotage (GéNéPi), financé par l’Agence Nationale de Recherche (ANR) (Bénaben, 2014), vise à élaborer un système d’aide à la décision capable de soutenir les cellules de crise suite à un évènement majeur. Son objectif est de définir un processus de réponse d’après un modèle de la situation courante, de l’orchestrer et de l’adapter, si besoin, aux évolutions de la crise. Le projet GéNéPi réunit de nombreux chercheurs, industriels et institutions : — le Centre d’Etude et d’expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement (CEREMA) Ouest, chargé de rencontrer le parties prenantes usuelles en Loire Moyenne, de rédiger les scénarios de tests et le cahier des charges du projet ; — l’Institut de Droit de l’Espace, des Territoires, de la Culture et de la cOMmunication (IDETCOM), chargé d’évaluer le démonstrateur logiciel selon les critères d’acceptation des futurs utilisateurs ; — le Centre de Génie Industriel (CGI) d’IMT Mines-Albi, chargé de modéliser la situation de crise et de détecter le moment où le processus de réponse en cours n’est plus adapté à la situation courante ; 67 Cas d’application une crue centennale en Loire Moyenne 4. Cas d’application : une crue centennale en Loire Moyenne — l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse (IRIT), chargé de déduire un processus de réponse remplissant les objectifs d’une cellule de crise, sur la base du modèle de la situation envoyé par le CGI ; — l’entreprise Iterop, chargée d’orchestrer le processus déduit entre les déférentes parties-prenantes à la réponse à la crise. Parmi les partenaires impliqués dans le projet GéNéPi, le laboratoire CGI héberge un système d’aide à la décision dédié à supporter les collaborations et appelé RIO-Suite. Le prototype logiciel RIO-Suite, développé par Salatgé et al. (2018), a pour objectif de soutenir les collaborations d’organisations, dans toutes leurs formes. Dans le cas d’une situation de crise, il permet, tout comme le démonstrateur GéNéPi, de définir, orchestrer et maintenir un processus de réponse à la crise en cours (cf. Figure 0.1). Les travaux présentés dans ce manuscrit s’inscrivent dans le cadre du projet GéNéPi et ils sont hébergés par le laboratoire CGI qui développe le prototype RIO-Suite. La Figure 4.1 montre la place du système d’information proposé au chapitre 3 par rapport au prototype logiciel et au démonstrateur GéNéPi. Le système d’information utilise les évènements simulés par le « S(t)imulateur » de RIO-Suite pour modéliser la situation de crise en cours. Le modèle obtenu est ensuite transmis au démonstrateur GéNéPi ou au prototype logiciel RIO-suite, représenté en bas à gauche, pour alimenter une Common Operational Picture (COP) en cellule de crise, déduire un processus de réponse à la crise en cours, ou détecter des imprévus. La figure 4.1 présente aussi l’organisation de ce chapitre. L’objectif est de démontrer une des possibilités d’utilisation du système d’information proposé. La Section 1 décrit la simulation d’un scénario d’une crue centennale en Loire Moyenne. La Section 2 présente l’implémentation de notre système d’information intégré au prototype RIO-Suite. La section 3 présente le fonctionnement du nouveau système d’aide à la décision d’urgence face à la situation de crise simulée. La section 4 décrit les différentes utilisations du modèle de situation mis à jour. Enfin, la section 5 termine en évaluant la capacité du système d’information implémenté à suivre la dynamique de la crise en temps réel.

Le cas d’étude proposé

Dans le monde, 500 millions de personnes ont été, au moins une fois, affectées par un phénomène d’inondation (Nabet, 2013). En France, ce danger menace deux millions de personnes, qui représentent 4% du territoire et 3% de la population totale (MEDD, 2004; DREAL, 2016). Les dégâts occasionnés par des crues se chiffrent chaque année à 250 millions d’euros (MEDD, 2004). Le risque d’inondation à l’origine de ces pertes se renforce au fur et à mesure de l’urbanisation de nouvelle zones inondables (Rode, 2009), du vieillissement des protections mises en place ou de l’aménagement des cours d’eau (MEDD, 2004). Les partenaires du projet GéNéPi ont choisi de travailler sur une crue centennale en Loire Moyenne ; la Loire moyenne est caractérisée par ses variations importantes de débits (DREAL, 2016) et ses taux importants d’endiguement et d’urbanisation. En 1856, une telle crue avait inondé 110 000 hectares où se situe aujourd’hui 300 000 personnes, 13600 entreprises et 72 000 emplois (DREAL, 2016). Pour permettre la simulation d’un tel scénario, le CEREMA Ouest a collaboré avec les Services de Prévision des Crues (SPC) Loire-Cher-Indre et Maine-Loire. Deux modèles de propagations ont été mis au point : une crue cinquentennale et une crue centennale sur la Loire Moyenne, entre le bec d’Allier et le bec de Maine.La Figure 4.2 présente la géographie de la région Française correspondant à la Loire Moyenne : la Loire entre sa confluence avec l’Allier (Nevers), en amont, et sa confluence avec le Maine (Angers), en aval. Un scénario hydrométéorologique, 70 4.1. Le cas d’étude proposé reporté dans Dolidon (2016b), modélise de manière réaliste les apports d’eau des six affluents présents en Loire Moyenne dans le cas d’une crue centennale. Ainsi trois relevés de débits et de hauteur d’eau (côte) journaliers ont été élaborés pour les sept stations hydrométriques de référence, localisées sur la Figure 4.2, et les 11 jours de crue prévus. Chaque relevé contient les prévisions des débits et des côtes sur les 56h à venir et selon trois échelons de probabilité : haute, médiane et basse. Un exemple de relevé hydrométrique est donné à droite de la Figure 4.2. Il correspond aux prévisions de cotes et débits d’eau, prévus sur la station de mesure située à Orléans au 11ème jour de la crue simulée par les SPCs Maine-Loire et Loire-Cher-Indre.

Les parties prenantes usuelles 

Pour enrichir ce scénario, deux partenaires du projet GéNéPi, le CEREMA Ouest et le laboratoire IDETCOM, ont interrogé les parties-prenantes usuelles à la réponse à une crue de la Loire. Les résultats de leurs entretiens ont servi de base à la rédaction du cahier des charges du projet (Renou et Dolidon, 2015) et ont permis de lister les principales parties-prenantes à la gestion d’une crue majeure, selon l’organisation de crise présentée dans (Dautun et Roux-Dufort, 2011). La Figure 4.3 représente ainsi le nombre de cellules de crise et de partenaires lié à chaque niveau de la chaîne stratégique française et listés ci-dessous Au niveau national, les aspects stratégiques et tactiques de la réponse à la crise (Dautun et Roux-Dufort, 2011) sont assurés par la Cellule Interministérielle des Crises (CIC) qui coordonne sept cellules de crise ministérielles dont trois au sein du Ministère de l’intérieur 1 . Au niveau opérationnel, le CIC recoupe les informations provenant de neuf institutions dont (Dolidon, 2016a) : — les directions générales des services déconcentrés ;— la société concessionnaire d’autoroutes ; — les sept opérateurs réseaux, dont France Télécom ou GRDF ; — le Service central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (SHAPI) qui, dans le cas d’un risque inondation, recoupe les prévisions reçues des SPCs. Au niveau de chaque zone de défense menacée par la crue, un Centre Opérationnel de Zone (COZ) recoupe les informations des sept services ci-dessous pour anticiper et allouer des moyens supplémentaires aux départements (Dolidon, 2016a) : — l’état major de zone ; — l’état major interarmées de la zone de défense et de sécurité ; — l’agence régionale de santé ; — la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement ; — le centre régional d’information et de coordination routière ; — la direction zonale Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS) ; — la direction interdépartementale des routes ; Au niveau de chaque région, dépourvue de cellule de crise, on retrouve aussi trois partenaires usuels qui se réfère au COZ de leur zone de défense (Dolidon, 2016a) : — la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi ; — la direction régionale des finances publiques ; — le service interministériel régional des affaires civiles et économiques de défense et de protection civile. Au niveau de chaque département touché, un Centre Opérationnel Départemental (COD) coordonne les actions pour 13 partenaires mobilisés en cas de crue majeure (Dolidon, 2016a) : — le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours ; — le centre d’opération et de renseignement de la gendarmerie ; — le système d’information et de communication ministériel ; — la direction départementale des territoires ; — la chambre de commerce et d’industrie ; — le conseil général ; — la direction départementale de la protection des populations ; — la direction départementale de la sécurité publique ; — la direction militaire départementale ; — la direction des services départementaux de l’éducation nationale ; — la gendarmerie ; — le service d’aide médicale urgente ; — le service départemental d’incendie et de secours. Enfin, au niveau de chaque commune menacée par la crue, le Poste de Commandement Communal (PCC) doit enclencher son plan communal de sauvegarde, diriger les opérations de secours et informer sa population.

Les risques encourus en Loire Moyenne

Le projet GéNéPi a aussi permis de dresser une liste des risques pouvant impacter les enjeux des territoires menacés ou le processus de réponse suivi par les cellules de crise. Le CEREMA Ouest Dolidon (2016a) en a identifié 16 types, répartis ici en 2 catégories. Les risques émergents sont directement dus aux conséquences de la crise et sont au nombre de sept (Dolidon, 2016a) : — Le risque sanitaire pour les populations, ou les animaux ; — Le risque d’une population démunie (sans eau, sans électricité ou sans nourriture par exemple) ; — Le risque de panique ; — Le risque de victimes ; — Le risque d’aggravation de la crise ; — Le risque de rupture d’une protection, telle que le système d’endiguement ; — Le risque de pollution ; — Le risque de dysfonctionnement des réseaux (routier, aérien, électrique, déchets, etc.). Les risques d’implémentation sont liés à la mise en œuvre de la réponse à la crise par les parties-prenantes, qui souhaitent ainsi faire face aux conséquences de la crise (Dolidon, 2016a) : — Le risque de manquer de moyen ; — Le risque d’une mauvaise répartition des moyens ; — Le risque d’oublier un acteur ou une population ; — Le risque d’insécurité ; — Le risque de dysfonctionnement (voir d’arrêt) du service publique ; — Le risque économique ; — Le risque de perte de confiance dans les pouvoirs publics ; — Le risque de mise en danger de la population. Le métamodèle implémenté au sein du prototype RIO-Suite propose un troisième type de risque, qui n’a pas été testé par le scénario de crise GéNéPi : les risques intrinsèques (Li et al., 2018a). Par exemple, un bâtiment peut menacer de s’écrouler à cause d’une malfaçon (risque intrinsèque), suite à un tremblement de terre (risque émergeant) ou lorsqu’un de ses murs est abattu volontairement (risque d’implémentation). Les risques intrinsèques à l’environnement de la collaboration peuvent être identifiés en phase de préparation, en amont de la situation de crise. L’intérêt du système d’information proposé dépend donc plutôt de la détection en temps réel des risques émergents. L’objectif pour notre système d’information est d’être capable de détecter tous ces risques et tous les évènements à même de les concrétiser.

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