Une politique fiscale locale opératoire, exigence de l’Etat central

Une politique fiscale locale opératoire, exigence de l’Etat central

Les collectivités locales sud-africaines disposent d’un pouvoir fiscal substantiel. Elles sont en effet habilitées à décider de l’assiette, des taux, et des exonérations fiscales, de même qu’elles disposent d’une compétence de recouvrement entière sur leurs impôts locaux. Sous le Municipal Property Rates Act63(MPRA) de 2004, les collectivités locales sont tenues de renouveler leur rôle d’évaluation (valuation roll) – document légal comprenant toutes les informations relatives aux propriétés recensées de la ville – tous les quatre ans. De la même manière, le MPRA prévoit la mise en place de consultations publiques dans le processus budgétaire, et donc la remise à plat annuelle de la politique de taux et de la politique d’exonération. La législation nationale interdit également d’imposer les propriétaires de biens immobiliers d’une valeur inférieure ou égale à 150 000 Rands (10 594 €), charge aux collectivités locales ensuite d’adapter ce dispositif à leurs impératifs politiques, la ville de Johannesburg l’ayant étendue à 200 000 Rands (14 126 €) par exemple, et 300 000 Rands (21 189 €) dans le cas de Cape Town64. La politique fiscale locale est donc fortement encadrée par les orientations politiques nationales. Ces obligations légales qui encadrent la politique fiscale de Johannesburg sont les gages d’une fiscalité stable et juste. La revue systématique des rôles d’évaluation garantit en effet un examen régulier du statut des propriétés, actualise les montants imposés (plus crédibles car moins sujets aux erreurs), et élargit la base fiscale. De même, l’obligation faite aux collectivités de revoir leur politique de taux et d’exonérations de manière annuelle, en consultant les populations, est un levier qui permet à la municipalité d’ajuster le niveau de ses ressources en fonction des conditions macroéconomiques dans laquelle elle évolue. Les villes sud-africaines sont par ailleurs parmi les seules sur le continent à être soumises à des procédures d’audit et être évaluées sur leur performance. L’audit des collectivités locales est prescrit par le Trésor national et le bureau de l’Auditeur général tandis que l’évaluation des performances est prévue par une disposition de l’article 155 de la Constitution65. Ces deux dispositifs participent à l’amélioration de la discipline fiscale et à la qualité de la politique fiscale mise en œuvre par les collectivités. Si Johannesburg mène une politique fiscale de « qualité », c’est donc en partie parce que la législation nationale l’exige en échange de l’étendue de la décentralisation pratiquée. La volonté nationale de doter les collectivités de moyens décisionnels réels et, dans le même temps, de les astreindre à mobiliser ces leviers de manière optimale, dans un souci de redistribution et de justice fiscale, constitue une exception notable sur le continent.

La politique fiscale locale comme outil contre les « maux » de l’urbain

Les décisions relatives à la fiscalité locale ne sont jamais prises de manière isolées mais font l’objet d’une politique intégrée avec les autres sources de revenus de la municipalité. Elles reflètent les choix politiques de développement de Johannesburg, lesquels inscrivent au cœur de leurs dispositifs la prise en compte des intérêts des plus vulnérables, élément socle dans le contexte de Johannesburg, lourdement marquée par les inégalités sociales. De même, le processus décisionnel concernant le niveau des recettes municipales s’appuie sur la consultation de toutes les parties prenantes, avis pondérés par la suite avec les impératifs politiques que la municipalité s’est fixée. Mesurer au préalable l’importance des ressources fiscales Le budget de Johannesburg est alimenté par différentes sources de revenus, parmi lesquelles arrivent en première place les surtaxes sur la facturation des services d’eau et d’électricité – la municipalité étant responsable de l’intégralité du service de distribution d’eau potable et assurant la distribution d’électricité de manière conjointe avec l’Etat (parts respectives de 50%). L’impôt foncier (property tax), qui représente 18% des ressources totales de la métropole, arrive en troisième position, représentant la seule source de revenu de nature fiscale.

Une politique tarifaire intégrée 

La municipalité s’est donnée des impératifs politiques de développement clairs qui structurent toute sa politique tarifaire. Les décisions relatives aux surtaxes et à l’impôt foncier répondent à des nécessités de trois ordres :  être compétitive par rapport aux autres villes, et appliquer pour cela une structure tarifaire abordable pour les citoyens redevables ;  prendre en compte les capacités contributives des plus modestes et la situation des plus pauvres dans l’élaboration de la politique fiscale et tarifaire ;  refléter les coûts auxquels la collectivité fait face dans la fourniture des services publics. La politique fiscale de Johannesburg reflète ainsi une vision globale des objectifs politiques en matière de développement, un souci de ne pas pénaliser les tranches les plus pauvres de la population et de limiter les distorsions possibles sur l’activité économique. D’où une approche intégrée des différentes composantes des ressources de la municipalité afin de ne pas surimposer les redevables. La nature de ces arbitrages politiques en matière de développement est davantage mise en exergue par le processus de décision budgétaire, lequel procède par une revue systématique de la politique tarifaire locale en y intégrant les réserves émises par les citoyens. Un processus budgétaire qui repose sur la consultation de toutes les parties prenantes Selon la législation nationale en vigueur, le processus budgétaire doit être annuel, de sorte à favoriser la consultation des différentes instances représentatives (Chambre de Commerce pour les entreprises, la South African Property Owners Associations, SAPOA – l’Association sud-africaine des propriétaires fonciers, organisations civiles, les communautés, et les comités représentatifs des quatre régions qui composent la métropole de Johannesburg). A l’issue de ces consultations, la Ville de Johannesburg procède aux arbitrages qu’elle estime être cohérents avec sa stratégie de développement, et évalue leur impact sur le budget. Les décisions concernant les taux et les choix d’exonération reflètent donc ces arbitrages. Il en va de même pour les grandes orientations politiques prises par la municipalité. En témoignent les propos de Geoffrey Makhubo, Maire Adjoint aux finances de Johannesburg : « Les habitants comprennent la politique fiscale car la loi exige que nous allions vers eux, que nous leur expliquions le système et que nous intégrions leurs propositions. Nous pratiquons cette consultation pendant près de six ans, après avoir publié le premier brouillon de la politique fiscale. » Les hausses annuelles des taux sont motivées en général par l’inflation des prix dans la mesure où les recettes servent à financer les coûts des services assurés par la municipalité, lesquels sont très largement impactés par les pressions inflationnistes.

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