Bioécologie et exploitation de la courbine

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Bioécologie et exploitation de la courbine

Description et systématique

La Courbine ou maigre est une espèce connue depuis l’antiquité notamment chez les romains au 16éme siècle. Elle est très appréciée par la population (Tixerant ; 1974). Elle appartient à la famille de scianidae. Cette dernière comprend quatre (4) genres à savoir : Pseudotolithus, Umbrina, Sciaena et Argyrosomus, tous présents dans les eaux nationales mauritaniennes (Ly et al.,1999). Parmi ces quatre genres, Argyrosomus est considéré comme le plus important en termes de qualité gustative et par voie de conséquence commercialement parlant (Bouzouma et Dia, 2011).
Les informations essentielles portant sur l’anatomie de la courbine ont été tirée de Biais ( 2002). Ainsi, la courbine ou maigre est décrite comme un poisson de grande taille. Son corps est fusiforme mais modérément comprimé. La tête massive a une grande bouche terminale largement ouverte sur les flancs fendus et obliques. Le maxillaire s’étend jusqu’à la moitié postérieure de l’œil. La mâchoire supérieure porte des dents filiformes en bande étroite, celles de la mâchoire inférieure sont en 2 ou 3 rangées, et celles de la rangée interne légèrement plus grandes. Le menton sans barbillon, comporte 6 pores, le museau en a 8 à 10 pores (3 à 5 supérieurs et 5 marginaux). Les branchiospines sont minces et plus courtes que les filaments branchiaux à l’angle de l’arc.
Cette espèce est souvent confondue avec le poisson appelé ‘Bar’, mais la différence se situe au niveau de la nageoire dorsale. Celle de la courbine se divise presque en deux parties par une échancrure contrairement chez le Bar où la subdivision n’est pas souvent nette. La partie antérieure de la nageoire possède 9 ou 10 épines, alors que la partie postérieure à 1 épine et 26-29 rayons mous. La nageoire anale a 2 épines et 7 (rarement 8) rayons mous, la seconde épine de l’anale courte, moins de la moitié de la longueur du premier rayon mou. Les nageoires pectorales sont courtes, la nageoire caudale tronquée ou plus ou moins rhomboïdale.
Chez la courbine, la vessie natatoire comporte 36 à 42 paires d’appendices arborescents. Les écailles sont cténoïdes sauf quelques-unes cycloïdes sur la poitrine. La Ligne latérale part de l’opercule et se prolonge jusqu’au bord postérieur de la caudale (Biais, 2002)

Distribution géographique

A. regius est une espèce à large distribution géographique. Au long de l’océan atlantique, elle se rencontre de Gibraltar (Espagne) au Congo. Elle est présente dans toute la Méditerranée et la mer noire et s’étend vers le nord des côtes atlantiques de l’Europe jusqu’aux îles britanniques (FAO, 2016). Mais également elle est surtout régulièrement présente à partir du Golfe de Gascogne jusqu’au Sénégal (Quéro et Vayne, 1987). Les travaux de Tixerant (1974) ont permis de mettre en évidence deux stocks différents (différences morphologiques et structurelles des otolithes entre la population de courbine de la côte Atlantique française et celle des côtes mauritaniennes).
Ce scianidé se trouve préférentiellement sur les fonds vaseux mais également peut se rencontrer sur les fonds sablonneux. C’est une espèce pouvant se rencontrer dans les estuaires et les bassins côtiers (Mahé et al., 2006). Elle peut atteindre 2 m de longueur totale et peser plus de 60 kg (Quero et Vayne, 1987).
En Mauritanie, la courbine se rencontre principalement le long des côtes de 10 à 30 m de profondeur (Sanyo, 2002). Les principales zones d’abondance se situent entre 10 et 20 m de profondeur le long d’une frange côtière située entre 17 et 18°30’N et surtout en baie du Lévrier et sur le banc d’Arguin. Dans cette dernière zone, elle est capturée en abondance en début (avril-juin) et fin de saison chaude (novembre-décembre) (Tixerant, 1974). C’est une espèce qui vit en bancs. Suite au bruit et au changement de couleur de l’eau, ces bancs sont facilement détectables par les artisans pêcheurs. Quant aux bateaux industriels côtiers, ils sont équipés d’une technologie sophistiquée pour le repérage des bancs et l’identification des poissons à travers leurs échos.
A. regius est une espèce bentho-pélagique côtière à tendance démersale (Quéro et Vayne 1997), d’affinité tempérée. Son seuil thermique de tolérance est compris entre 14 et 23°C (Tixerant, 1974) et sa température optimale serait de 18,5° C (Limouzy, 1983). Le maigre est capturé au fond et en surface dans les eaux littorales de 15 à 200 m et rarement à 400 m, (FAO, 2016). Généralement, c’est un poisson de grande taille, donc très vulnérable à la pêche (Helfman, 2007). Ceci explique sa maturité sexuelle tardive, sa forte migration et son niveau trophique élevé (Limam, 2009).

Biologie

D’une manière générale, ce poisson se nourrit de poissons de diverses familles, de mollusques et de crustacés (Tixerant, 1974 ; Limouzy, 1983 ; Chakroun, et Ktari, 1981 ; Caverivière et Andriamirado, 1997 ; Cabral et Ohmert, 2001 ; Pasquaud, 2006). En effet, son niveau trophique a été estimé à 4,39 par Limam (2009) à Nouadhibou, ce qui confirme les résultats obtenus par ces différents auteurs. Selon Konstantinos et Karpouzi (2002), ce niveau trophique correspond aux individus du sous-groupe des carnivores se nourrissant préférentiellement de poissons et de céphalopodes.
En Mauritanie, les captures de courbine peuvent avoir lieu en baie de Lévrier, et sur des fonds de 7 à 17 m. Elle est observée à des profondeurs allant jusqu’à moins de 2 m, notamment à l’extrême nord de la baie. Au Banc d’Arguin, de grands individus, de taille allant de 110 à 150 cm LT ont été capturés dans le Cap d’El Zasse et la pointe d’Arg, ainsi qu’à la proximité du Cap Timiris à l’ouest et au sud sur une trentaine de milles. Toutes les captures ont lieu sur des fonds de 5 à 15 m environ. A l’extérieur de la Presqu‘île du Cap-Blanc, sur la côte de Rio d’Oro, certains bancs de courbine de taille moyenne sont pris par les filets à langoustes. La profondeur de lieux d’occurrence des individus de taille 120 à 160 cm LT au large du Banc d’Arguin varie de 80 à 110 m, plus au sud de la même zone des individus de petites tailles ont été capturés à de profondeurs de 40 à 50 m (Tixerant, 1974).

Reproduction

La longueur à la première maturité sexuelle (L50) étudiée dans la zone de Nouadhibou se situe à 82,04 cm LT (GT PARTAGE, 2009). Cette taille est voisine de celle trouvée par (Tixerant, 1974) dans la même zone. Cet auteur note que les plus petits mâles et femelles matures mesurent respectivement 72 et 82 cm et que la première maturité sexuelle interviendrait à partir de l’âge de 4 ou 5 ans à une taille comprise entre 60 et 70 cm LT (Tixerant, 1974 ; Mahé, 2006). La période de ponte d’Argyrosomus regius en Mauritanie est de neuf mois d’octobre à juin (Quiéro, 1989). La femelle de la Courbine assure une meilleure répartition de ses œufs, afin d’éviter la perte des œufs (Biais, 2002). La zone de reproduction se situe dans le Banc d’Arguin et la Baie du Lévrier (Quéro, 1989). Au cours de cette période les mâles émettent des grognements caractéristiques reconnaissables par les pêcheurs(Quéro, 1989). Un décalage de la période de reproduction est observé dans la région de Nouadhibou, le rapport gonado-somatique (RGS) en octobre, novembre, décembre et janvier (RGS% > 3), une chute de ce rapport commence à partir du mois de juin annonçant le début d’émission des gamètes (GT PARTAGE, 2009). Il semblerait que le déplacement rapide du front thermique en 2009 a entrainé de répercussions sur les périodes et les lieux de reproduction mais également sur les zones d’abondance en Mauritanie. Cette espèce trouverait sa température optimale dans la zone Nord pendant le séjour du front thermique. En revanche, en zone centre et sud on a noté une faible présence de cette espèce

Croissance

Les travaux sur la croissance de la courbine ont été réalisés à partir de la lecture d’otolithes et le suivi des modes des tailles (Tixerant, 1974). Ils convergent sur un taux de croissance moyen de 15 cm par an jusqu’à environ 40 cm pour ralentir par la suite jusqu’à 10 cm par an pour les individus de plus grande taille. Aucune validation n’a pu confirmer les résultats avancés par les différents auteurs pour l’âge maximal pour cette espèce qui varie de 15 ans (Tixerant, 1974) à 42 ans dans la zone espagnole. En définitive, un travail sur la croissance de cette espèce avec validation des lectures d’âge s’avère important pour affiner le diagnostic sur l’état de(s) stock(s).

Alimentation

Le maigre est un prédateur supérieur de niveau trophique de (4,3) et de résilience faible avec un temps minimum de doublement de la population variant entre 4,5 et 14 ans (Froese et Pauly, 2019). Le régime alimentaire de la courbine est variable en fonction des stades ontogéniques. Les juvéniles planctivores s’alimentent en particulier sur les petits crustacés (Bouzouma et Mamadou, 2011). Mais en grandissant, ils deviennent piscivores se nourrissant principalement des pélagiques (sardinelles et mulets) mais aussi des proies démersales, calmar, seiche en fonction des saisons. Les courbines les plus grandes préfèrent les proies de grande taille. Les résultats d’une analyse des contenus stomacaux de la courbine, réalisés par Limam (2009) dans la zone de Nouadhibou montrent que ce poisson se nourrit préférentiellement de Sardinelle ronde. Dans le parc national du banc d’argiun (PNBA), sa nourriture de préférence semble être le Chloroscombrus chrysurus En France, après l’âge de 1 an les courbines se nourrissent de poissons pélagiques (sardines, chinchards) et de céphalopodes (Quéro et Vayne, 1997 ; Biais, 2002).

Exploitation

La courbine fait l’objet d’exploitation par les différents pays côtiers. Une étude réalisée par Monfort (2010) pour le compte de la Commission Générale des Pêcheries Méditerranéennes (GFCM) mentionne que les quantités pêchées annuellement ont oscillé entre 3 200 et 9 330 tonnes sur la période 1980-2008 (annexe 1).
L’exportation de la courbine en Mauritanie remonte au début du 20ième siècle avec la création de Port-Etienne sis à Nouadhibou et de la Société Industrielle de la Grande Pêche (SIGP) en 1919 (Bouzouma et Mamadou, 2011). Son exploitation est faite principalement par la pêche artisanale et accessoirement par la pêche industrielle. En 2006, la Courbine occupe la 6ième position parmi les espèces ayant contribué fortement à la capture de la pêche artisanale. Par ailleurs, cette espèce alimente la plupart des marchés nationaux de poissons, et joue ainsi un rôle important comme source de protéines pour la population locale. Vu sa croissance rapide, Elle est également très prometteuse pour l’aquaculture, (Quéméner, 2002, Jiménez et al., 2005, Prista et al., 2009).
En Mauritanie, l’exploitation de la courbine remonte au 19ème siècle avec l’arrivée de la flotte espagnole, composée de soixante voiliers (Lanche) (GT, IMROP, 2002). Cette flotte a utilisé les casiers et les filets maillants pour pêcher la courbine dans la zone de la Baie de Lévrier et du Banc d’Arguin. En 1919. La production de la (SIGP) subissait des traitements (salage et séchage) pour la conservation dans un état comestible avant son acheminement en France. Par la suite, les mauritaniens, particulièrement les communautés Imraguen, se sont intéressés à cette ressource. La pêche est effectuée à bord de lanches (voiliers propulsés avec le vent), héritées des pêcheurs canariens. Ces unités sont restées longtemps le seul moyen de navigation utilisé par les pêcheurs mauritaniens pour la pêche de la courbine. (Bouzouma et Mamadou, 2011).

Engins de pêche

La courbine est actuellement la cible de la pêche artisanale et côtière le long de la côte mauritanienne entre décembre et juin. Elle est aussi capturée accessoirement par les flottilles industrielles démersales et surtout pélagiques (Projet PARTAGE, 2010). La pêcherie artisanale et côtière de la courbine a connu un développement important à partir des années 1980 (GT, IMROP, 2019). Ce développement a touché plusieurs domaines (unités de pêche, engins, zones de pêche, etc.). Ainsi, actuellement la courbine est pêchée le long de la côte mauritanienne avec une multitude d’engins et par des unités qui sont de plus en plus performantes (Bouzouma et Mamadou, 2011).
Actuellement trois engins sont utilisés par les pêcheurs mauritaniens pour capturer cette espèce le long des côtes mauritaniennes. Il s’agit du filet à courbine, de la ligne à main et le filet tournant ou la senne tournante.
La ligne à main
La ligne à main pêchant la courbine est constitué d’une ligne mère, habituellement de 100 m de longueur, sur laquelle sont montés un ou deux hameçons (Braham, 2007). Au bout de chaque avançon est fixé un hameçon. Le numéro de l’hameçon et le diamètre de la ligne dépendent des espèces cibles. La ligne à main est utilisée pour pêcher les espèces démersales nobles y compris la courbine. Les hameçons utilisés pour la pêche de la courbine sont généralement de taille 7 et 8. Il est à noter que l’ensemble des fils composant la ligne (ligne mère et avançons) sont du monofilament. Cette technique introduite par les pêcheurs sénégalais et adoptée par ceux de N’diago, gagne de plus en plus du terrain en Mauritanie. Ce succès est dû en grande partie à la qualité des espèces pêchées par cette technique.
Figure 4 : Ligne à main (http://Fao.org)
Filets à courbine
Ces filets à courbine sont constitués d’une nappe de filet rectangulaire montée sur deux cordes appelées ralingues (Braham, 2007). Sur la ralingue supérieure sont montés les flotteurs tandis que la ralingue inferieure est tirée par des plombs. Le filet à courbine est d’une longueur standard de 50 m avec une chute qui varie entre 30 et 50 mailles. Trois maillages sont utilisés pour pêcher la courbine : 200, 220 et 230 mm.
Figure 5 : Filet à courbine (Braham, 2007)
Le filet tournant
Le filet tournant est un engin de pêche utilisé de manière active pour encercler les bancs de poissons (Braham, 2007). Cet engin s’est révélé très performant pour la pêche des espèces qui ont un comportement grégaire, dont la courbine. Il est manœuvré par une unité de pêche composée de deux embarcations motorisées. La première, ayant généralement à son bord 3 ou 4 membres d’équipage, déploie le filet en effectuant une rotation autour du banc de poissons pour revenir à son point de départ et fermer le filet. Ensuite, le filet est fermé par le fond au moyen d’une ralingue coulissante (coulisse). Les deux bouts de la coulisse sont transmis à la seconde embarcation. C’est l’équipage de la deuxième embarcation composé de 20 à 25 pêcheurs, qui se charge de remonter le filet qui peut atteindre 800 m de long avec une chute de 40 m et une maille étirée de 20 et 40 mm.

Table des matières

1. Introduction
2. Données et méthodes
2.1. Bioécologie et exploitation de la courbine
2.1.1. Description et systématique
2.1.2. Distribution géographique
2.1.3. Biologie
2.1.3.1. Reproduction
2.1.3.2. Croissance
2.1.3.3. Alimentation
2.1.4. Exploitation
2.1.4.1. Engins de pêche
2.1.4.2. Efforts de pêche
2.2. Statistiques de pêche et données de campagnes
2.3. Méthodes
2.3.1. Estimation de l’abondance annuelle par GLM
2.3.2. Evaluations du stock par l’approche globale
2.1.4.1. Modèles globaux déterministes
2.1.4.2. Modèles stochastiques bayésiens
3. Résultats
3.1. Captures et spectres de taille
3.1.3. Evolution des captures
3.1.2. Effort de pêche du filet à courbine
3.1.3. Spectres de taille
3.1.4. Dynamique des prix de la courbine en Mauritanie
3.2. Dynamique du stock de courbine
3.2. Evaluations du stock de courbine
3.2.1. Résultats du modèle global à l’équilibre
3.2.2. Résultats du modèle Catch-MSY
3.2.3. Résultats du modèle global Bayésien
4. Discussion
5. Conclusion et Recommandations
Références Bibliographiques
Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *