Des élèves joueurs et ayant de bons résultats scolaires

Des élèves joueurs et ayant de bons résultats scolaires

Nous interprétons ici les données des élèves du groupe expérimental puis celles des élèves du groupe témoin. Rappelons que nous interrogions notamment la zone scolaire des établissements visités, l’âge des élèves, leur niveau scolaire, leurs habitudes de jeu vidéo mais aussi leurs matières préférées. Ces informations étaient complétées par une analyse des bulletins des élèves afin de déterminer leur statut dans la classe entre ceux ayant de « bons résultats », ceux ayant des résultats « moyens » et enfin, ceux ayant des « résultats faibles ». 

Elèves du groupe expérimental

Nous avons une majorité de garçons dans notre dispositif expérimental et plus de 60% des élèves sont issus d’une école de la zone « ville ». La plus faible part de nos élèves est issue de la Zone d’Education Prioritaire (9,9%). Près de 75% des élèves de notre groupe sont en CM2, ce qui va dans le sens de notre démarche de recherche car nous visons à observer les connexions entre le jeu sérieux et le palier 2 du socle commun de connaissances et de compétences qui va à son terme à la fin de l’année de CM2. Les élèves interrogés apprécient principalement les mathématiques-géométrie (58%) puis, bien plus loin, les arts-sports et langues (21%). Les mathématiques et la géométrie sont donc les matières scolaires plébiscitées par notre groupe expérimental. Concernant leur exposition aux écrans, on observe que 98,2% des élèves jouent au moins une fois par semaine aux jeux vidéo. Le groupe expérimental est donc fréquemment au contact des jeux vidéo, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’un groupe « d’initiés ». Cela peut signifier que les élèves auraient de bonnes capacités d’utilisation des jeux vidéo dans la mesure où ils sont familiers de cet outil. I Le fait que seuls 1,8% des élèves ne joue jamais aux jeux vidéo confirme que très peu d’élèves ne sont pas adeptes de ce média. Cependant, la majorité du groupe joue de 1 à 3 heures par semaine, ce qui signifie qu’il s’agit d’un groupe « d’initiés » mais ayant une utilisation « modérée ». Un peu plus de 12% des élèves jouent plus de 10 heures par semaine, ce qui correspond à une pratique « intensive ». Ces élèves, ayant une acculturation forte pour le jeu vidéo, auraient pu être déçus par la qualité du jeu sérieux proposé, dans la mesure où les graphismes et l’intrigue ne correspondent pas forcément aux standards qu’ils sont susceptibles de rencontrer lors de leur pratique quotidienne. En effet, en ce qui concerne les jeux vidéo les plus joués, les élèves jouent et préfèrent principalement jouer aux jeux vidéo d’action/aventure et aux jeux de tir/guerre/stratégie. Plus de la moitié des élèves s’adonnent à ces jeux aux scénarios intégrant des affrontements, de la violence mais aussi de l’action. Ces types de jeu font partie des tendances actuelles de la culture vidéo-ludique des jeunes et ne sont pas forcément dans la même catégorie que le jeu sérieux Food Force. Le risque était alors de voir les élèves peu enjoués par rapport au scénario du jeu et à sa jouabilité. C’est cependant l’inverse que l’on a observé lors des séances de jeu avec une motivation forte pour sa pratique et une attente croissante dès lors que les élèves ont été avertis de la mise en place de ce dispositif dans leur école. Pour ce qui est des bulletins scolaires, on relève que les élèves ayant de bons résultats scolaires sont majoritaires (61,2%) dans notre groupe expérimental. Les élèves ayant des résultats « moyens » sont 24,2%, soit 1/4 des élèves et ceux ayant des résultats « faibles » ou « mauvais » ne sont que 14,5%. Nous avons donc dans ce groupe expérimental des élèves ayant majoritairement de « bons résultats » scolaires.

Elèves du groupe témoin

Le groupe témoin, constitué de 47 élèves, est uniquement issu de classes en zone ville. A l’inverse du groupe expérimental, la majorité des élèves de ce groupe est féminin (61,7%) mais le nombre d’élèves en CM2 est quand à lui également majoritaire. Pour ce groupe, les élèves préfèrent les arts-sports et langues (44,7%) puis les mathématiques-géométrie (29,8%). La tendance est donc contraire à celle du groupe expérimental. Est-ce le fait qu’il y ait d’avantage de filles dans les classes ? Est-ce une question d’enseignement ? De zone d’établissement ? Pour ce qui est de leurs habitudes de jeu, on constate que les élèves de ce groupe témoin sont 93,3% à jouer au moins une fois par semaine aux jeux vidéo. Ce chiffre est en baisse par rapport au groupe expérimental. Il y a dans ce groupe plus de 6% d’élèves qui ne jouent jamais aux jeux vidéo. Comme nous l’avons déjà précisé, ces résultats sont néanmoins à prendre avec précautions car il s’agit de déclarations des élèves et non de mesures effectuées directement. On constate dans ce groupe qu’il y a davantage d’élèves qui ne jouent jamais aux jeux vidéo et que les matières « arts-sports et langues » sont plébiscitées. Le fait de moins jouer aux jeux vidéo permettrait-il davantage d’ouverture vers d’autres « loisirs » à connotation artistique ou sportive ? En d’autres termes, les jeux vidéo seraient-il un frein au développement artistique, sportif et culturel de l’élève ? Cette question reste ouverte et les données que nous avons collectées ne nous permettent pas d’y apporter une réponse dans l’immédiat. Enfin, concernant les jeux vidéo joués le plus souvent, on retrouve pour ce groupe les jeux « d’action-aventure », comme pour le groupe expérimental. Ces jeux semblent être les jeux privilégiés de cette tranche d’âge, même si la pratique est moins intensive pour le groupe témoin. Puis viennent en second les jeux de « simulation/mondes virtuels/flash/sociaux ». Ces derniers sont d’ailleurs ceux que préfèrent ces élèves. On constate donc qu’en fonction du genre mais aussi de la zone de l’établissement, des différences fortes peuvent être décelées quand aux habitudes de jeu des élèves.

Jouer aux jeux vidéo à l’école, entre performance et compétition

Les élèves ont joué au jeu sérieux Food Force à deux reprises. Quelles sont alors les conclusions de cette pratique du jeu vidéo. Ont-ils progressé entre les sessions ? Sont-ils comme nous l’avons vu auparavant, des élèves « experts » en jeux vidéo ? 14.2.1. On joue d’abord pour essayer, ensuite pour gagner On relève pour la première session de jeu sérieux un score moyen de 34 354 270 avec un écart-type de 5 221 187 et une médiane à 34 453 167 points. Lors de la seconde session de jeu sérieux le score moyen du groupe expérimental est de 40 447 319 avec un écart type de 4 408 426 et une médiane à 40 803 206 points. Si l’on considère que chaque mission peut au maximum rapporter 10 millions de points au maximum (car même en réussissant entièrement la mission, on ne les dépasse pas), les élèves ont donc eu de bons résultats dans ce jeu sérieux car proches des 60 millions atteignables. On repère également que la note maximum obtenue par un des élèves est de plus de 44 000 000 pour la session 1 et de plus de 48 000 000 pour la session 2. Certains joueurs sont donc très proches d’effectuer un excellent score alors même qu’ils ne l’ont utilisé que deux fois. Cela témoigne de la capacité d’adaptation des enfants à ces outils numériques et d’une appropriation aisée du jeu vidéo par ce public. Il pourrait également s’agir d’un effet d’entraînement pour tous les élèves, stimulés par la quête d’être performant et de paraître, aux yeux des autres, comme étant le meilleur. La genèse instrumentale semblerait avoir fonctionné entre le jeu sérieux et le joueur qui, de par ses connaissances préalables sur la pratique du jeu vidéo, son expérience de joueur (pour 98,2% des cas) et l’attrait provoqué par le jeu sérieux Food Force l’amèneraient à progresser et à mobiliser ses savoirs en vue d’améliorer sa performance lors de la seconde session de jeu. Les scores obtenus par les élèves progressent entre la première session de jeu et la seconde. Ce résultat montrerait que le joueur maîtrise mieux le jeu lors de la seconde session, la première pouvant s’apparenter à une prise en main par le joueur. Le fait de jouer une deuxième fois amène l’élève à utiliser ce qu’il a appris lors de la première session et à le réinvestir pour améliorer son score et tendre vers le statut d’élève « expert ».  Ces élèves ont donc perçu l’usage de la souris, son affordance (J. J. Gibson, 2014), pour évoluer dans l’univers virtuel du jeu et améliorer leur score. Les affordances du jeu vidéo pourraient donc être comprises et maîtrisées très rapidement par les élèves. Le jeu vidéo serait un environnement virtuel expérientiel dans lequel des affordances sont proposées au joueur qui, dans un temps relativement court, va les saisir et les maîtriser pour améliorer sa pratique vidéo ludique. On observe également que les résultats minimums et les résultats maximums progressent eux aussi entre les deux évaluations. La tendance à la hausse semble donc être générale. La motivation pourrait être une des raisons expliquant cette augmentation des résultats entre les deux sessions de jeu sérieux. Le fait d’être impliqué, appliqué et soucieux de faire un meilleur score que lors de la première session de jeu amènerait les élèves à s’investir d’avantage et à ne pas rééditer les erreurs passées. Il y aurait eu une appropriation de l’outil jeu sérieux et une amélioration de sa maîtrise. L’aspect concurrentiel entre les différents élèves a certainement beaucoup joué en faveur d’un accroissement des scores obtenus dans la mesure où l’on constatait dans la classe les effets de cette compétition avec des élèves qui cherchaient constamment à avoir un meilleur score que les autres. Cette motivation par la compétition, la quête d’être le plus fort à ses yeux, mais aussi à ceux des autres, pourrait expliquer cette progression des performances. L’élève, maîtrisant l’environnement virtuel proposé via le jeu sérieux ne serait plus bridé par sa peur de ne pas réussir, d’échouer. Il sait qu’il peut évoluer sereinement dans cet environnement, que ses actes n’auront pas de conséquences sur le réel mais uniquement sur l’environnement virtuel proposé par ce jeu. Ce détachement peut-il être alors synonyme de développement des apprentissages de par l’investissement mis en œuvre par le jeune joueur ? Et adopte-t-il des comportements particuliers face au jeu sérieux ? Est-ce que les élèves se retrouvent dans un schéma identique à celui généralement attendu en salle de classe, à savoir respectueux des consignes et attentif aux leçons et enseignements dispensés ?

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