Description des formes produites devant les noms

Description des formes produites devant les noms

Description des formes

 En nous appuyant sur les conclusions de travaux préalablement cités et conduits par des chercheurs comme Bassano (2010) ou Veneziano (2003), nous nous interrogerons donc dans un premier temps sur la façon dont les déterminants émergent dans le langage de l’enfant, afin d’une part de confronter nos données aux conclusions existantes, et d’autre part, de tenter d’apporter certaines réponses à des questions restant encore en suspens. Nous chercherons à savoir à quelle période du développement langagier apparaissent les premières formes de fillers et de déterminants, et comment ces formes – ainsi que les omissions – se distribuent dans notre corpus au fil des séances. Ces premières observations nous amèneront à traiter deux questions sous-jacentes : ces formes sont-elles produites successivement par l’enfant ou conformément aux constats faits dans la littérature, de façon concomitante ? Le développement du paradigme est-il un phénomène linéaire qui laisse à voir une augmentation progressive de la part des formes adultes ou bien au contraire non linéaire et marqué par une augmentation discontinue des déterminants ? Nous nous demanderons également comment évoluent formes de transition et formes adultes au cours du développement linguistique : est-il préférable de traiter déterminants et fillers comme des catégories uniformes quels que soient l’âge ou le degré de maîtrise langagière de l’enfant, ou d’envisager plutôt une variété de déterminants et de fillers produits entre le stade des premières productions pré-nominales et le stade auquel le déterminant adulte devient l’usage préférentiel de l’enfant ? En d’autres termes, a-t-on affaire exclusivement à une évolution dans la distribution des catégories produites devant le nom ou bien aussi à une évolution au sein de chacune de ces catégories ? Nos observations nous permettront par ailleurs de répondre à une autre question déjà soulevée dans la littérature : la mise en place du paradigme des déterminants est-elle semblable, aussi bien  en termes de rythme que de style, chez tous les enfants de notre corpus ou bien au contraire très dépendante du fonctionnement langagier de chaque enfant ? 

Contraintes distributionnelles 

Nous l’annoncions préalablement, notre deuxième axe d’analyse sera articulé autour de questions portant sur les éventuelles contraintes distributionnelles à l’œuvre dans les premières productions pré-nominales des jeunes enfants. Nous aurons recours pour cela à des outils méthodologiques empruntés aux approches phono-prosodiques, sémantiques, lexicales et syntaxiques du développement des fillers et/ou des déterminants.

Structure syllabique du nom

Dans la lignée des travaux de Veneziano et Sinclair (1997), Demuth (2001), ou Tremblay (2005) décrits au sein du chapitre II, nous chercherons à voir si la structure syllabique du nom peut influencer la production des formes pré-nominales. Nous avons vu plus tôt qu’en français, le schéma prosodique préférentiel pour le syntagme nominal serait composé d’un pied binaire (et iambique) ; par conséquent, un nom monosyllabique serait précédé d’un filler ou d’un déterminant, à l’inverse d’un nom composé de deux syllabes qui serait quant à lui précédé d’une omission. Afin de savoir si l’absence ou la présence de formes devant le nom peuvent être conditionnées par des facteurs phono-prosodiques, nous nous demanderons donc quelle proportion des omissions, des fillers et des déterminants produits par l’enfant le sont devant des noms mono- et bisyllabiques. 

Sémantisme du nom 

Nous avons par ailleurs – dans la continuité des travaux menés par Bassano (2010) ou Nashawati (2010) – choisi de nous interroger sur le rôle joué par le statut sémantique du nom sur l’emploi des formes pré-nominales. Nous chercherons en effet à définir si les productions de l’enfant peuvent être conditionnées par des critères sémantiques tels que le caractère animé/inanimé ou concret/abstrait du nom. En d’autres termes, nous nous interrogerons sur la possibilité d’une corrélation dans nos données entre un type sémantique de nom spécifique et l’emploi chez l’enfant d’une forme pré-nominale préférentielle. 

Contextes lexicaux et syntaxiques

Enfin, nous avons vu préalablement que les travaux menés dans le cadre des approches usagebased considèrent que l’enfant n’acquiert pas d’emblée les catégories syntaxiques adultes mais bien au contraire, les construit progressivement en prenant appui sur les usages les plus fréquents de sa langue et de celle de ses interlocuteurs. L’acquisition du déterminant est ainsi considérée comme dépendante des noms et des constructions syntaxiques produits le plus souvent par l’enfant et dans l’input qu’il reçoit (i.a. Pine et Lieven, 1997). Nous examinerons cette possible influence des facteurs lexicaux et syntaxiques dans nos données en nous demandant d’une part si les productions pré-nominales sont associées de façon privilégiée à des noms spécifiques, et d’autre part si elles le sont dans le cadre de constructions syntaxiques particulières. Si des associations particulières se dessinent dans les premières productions des enfants de notre corpus, nous chercherons à voir si elles peuvent être liées à l’usage qui est fait par l’enfant et par ses interlocuteurs des lexèmes et des constructions syntaxiques à chaque étape de son développement langagier : à quelle fréquence sont-ils employés et précédés de quelles formes ? Nous nous interrogerons ensuite sur la façon dont se développent ces usages, afin de définir notamment si la dépendance à des lexèmes ou des constructions spécifiques s’estompe pour laisser place à une généralisation des usages des formes. Signalons que si cette perspective développementale nous semble particulièrement fondamentale pour le traitement des facteurs lexicaux et syntaxiques, nous l’adopterons également lors de l’analyse des facteurs phonoprosodiques et sémantiques. 

Influences des facteurs fonctionnels 

L’analyse des contraintes distributionnelles d’ordre lexical et syntaxique laisse entrevoir, au travers de la question de la récurrence des formes produites par l’enfant et par son environnement, la place du discours de l’autre et de l’interaction dans le développement langagier de l’enfant. Bien que ces aspects soient partie intégrante du paysage théorique des approches usage-based, ils ne sont pas analysés en tant que tels, mais d’autres études ont quant à elles réinvesti cette question du développement des déterminants en se penchant spécifiquement sur l’impact des facteurs pragmatico-discursifs sur la production des formes pré-nominales. 

Référence et discours 

Dans la lignée des travaux conduits par Salazar Orvig (Salazar Orvig et al., 2013 ; Salazar Orvig et al., 2008) nous ferons l’hypothèse que des facteurs distributionnels – qu’ils soient d’ordre phonoprosodique, sémantique, lexical ou syntaxique – ne peuvent pas à eux seuls expliquer la production des fillers et rendre compte de la mise en place et de la maîtrise des déterminants chez l’enfant. Nous chercherons par conséquent à observer si les productions de l’enfant peuvent être, avant même la maîtrise des formes adultes, associées à certains contextes discursifs spécifiques. Nous nous interrogerons pour cela sur le rôle joué d’une part par le caractère référentiel ou non référentiel de l’expression nominale, et d’autre part, dans le cas des usages référentiels, sur le type de référence, le statut attentionnel et discursif du référent, ainsi que sa familiarité pour les interlocuteurs. 

Rôle des reprises 

Par ailleurs, en nous appuyant sur les nombreux travaux sur le phénomène de reprise (i.a. Bertin, 2011 ; Salazar Orvig, 2000 ; Bernicot, Salazar Orvig et Veneziano, 2006) qui témoignent d’une part de l’importance capitale et de la complexité du processus de reprise dans le développement de la capacité dialogique de l’enfant et d’autre part de l’influence des reprises et plus largement de la conversation sur l’acquisition de nouvelles formes (et notamment celle des morphèmes grammaticaux associés aux noms et aux verbes), nous chercherons à voir si les reprises que fait l’enfant de son propre discours ou de celui de l’adulte peuvent influencer le développement des formes pré-nominales. 

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