Eléments sur la mortalité différentielle dans l’histoire

Eléments sur la mortalité différentielle dans l’histoire

Comme nous l’avons souligné, la durée de vie s’est considérablement allongée dans les pays « développés ». Nous ne reviendrons pas sur les facteurs explicatifs de cet accroissement, qui sont multiples et qui s’autoalimentent. Nous pourrions longuement disserter sur les paramètres qui ont joué en faveur d’une vie plus longue pour les hommes ; il est cependant à peu près certain que des facteurs échapperaient à notre analyse, par simple oubli, ou, plus exactement, par la difficulté qu’il y aurait à saisir l’intégralité des multiples interactions qu’il existe entre ces nombreux paramètres. Outre ces avancées, ce qui retiendra davantage notre attention, c’est le fait que ces progrès se sont inscrits à des rythmes différents au sein des diverses couches sociales, des différentes catégories de population. Les hommes vivent certes plus longtemps qu’auparavant, mais ce constat ne doit pas masquer le caractère profondément inégalitaire de la mort : la longueur du fil de l’existence est loin d’être la même pour tous, et l’allongement de la durée de vie n’a point effacé les disparités de mortalité. Bien au contraire. Celles-ci s’établissent, prennent place dans le paysage social, perdurent, se maintiennent et parfois même se renforcent (sous l’effet de tout un contexte social, économique, politique, environnemental…). L’observation du passé va nous enseigner que l’histoire de l’inégalité parmi les hommes, pour reprendre la formule chère à Rousseau, renferme aussi une histoire de l’inégalité des hommes devant la maladie et la mort. On peut donc prétendre que si les hommes ne sont pas égaux devant l’existence, ils ne le sont pas davantage devant la mort ; nous ferons même l’hypothèse que les inégalités devant la mort sont le résultat des inégalités devant la vie. Plus que les thèmes de mort, d’espérance de vie, de longévité, que l’on peut envisager comme universels et intemporels, c’est bien l’idée d’écarts et d’inégalités qui nous occupera tout au long de notre travail. L’heure est donc venue d’aborder le problème de la mortalité différentielle, que nous allons d’abord envisager d’un point de vue socio-historique.

Mortalité différentielle, inégalités & Histoire…

La mortalité différentielle recouvre les différences de mortalité selon certains critères donnés ou selon certaines variables, comme le sexe, l’âge, la profession, la catégorie sociale, l’état matrimonial, etc. La probabilité de vivre plus ou moins longtemps est donc fonction de l’influence de diverses variables. Nous consacrerons l’essentiel de notre temps à cette question de la mortalité différentielle en France, aujourd’hui. Pour l’heure, dans ce chapitre à portée plus socio-historique, nous étudierons plus attentivement les différences de mortalité selon le milieu social, dans le passé. A première vue, pour les époques anciennes, nous savons peu de choses sur les écarts de mortalité entre groupes sociaux. De même que les études portant sur la mortalité et représentants de l’ordre monastique). Déjà, au milieu du 18ème siècle, Deparcieux, dans ses Essais sur la probabilité de la vie humaine, soutenait que la mortalité des rentiers, qui étaient de bons bourgeois, était inférieure à celle des grands seigneurs et des misérables, dont la santé est souvent ruinée dans un âge peu avancé, pour les uns par trop d’abondance de toute matière, pour les autres par trop d’indigence. La folie des excès, ou, à l’inverse, le cruel état de manque constituaient des facteurs non négligeables de morbidité. Prenons par exemple le cas de l’alimentation : c’est Norbert Elias, dans son célèbre ouvrage sur la civilisation des mœurs, qui nous rappelle que l’attitude de l’homme médiéval face à l’alimentation se situe entre deux extrêmes : la couche dirigeante séculière consomme, « si nous la comparons à nos sociétés modernes, des quantités de viande qui nous paraissent à peine croyables. »2 Les milieux Monastiques, où se pratique un usage modéré et raisonnable de la nourriture, condamnent d’ailleurs en termes très sévères la « goinfrerie » des seigneurs séculiers. Au plus bas de l’échelle sociale, du fait de la pauvreté, couches inférieures et milieux ruraux ont une consommation de viande très limitée. Si, dans l’ancien régime, la famine épargnait les classes favorisées, en revanche l’excès de nourriture a du provoquer quantité de décès prématurés chez les riches. Mais ce sont surtout les études du docteur Villermé qui, au temps de la grande misère ouvrière, ont attiré l’attention sur la mort inégale.

 

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