Facteurs modulant la digestion et le métabolisme protéique

Facteurs modulant la digestion et le métabolisme protéique

La notion de digestibilité

La digestibilité est une composante de la biodisponibilité représentée par la fraction de protéine ingérée qui est absorbée par l’intestin grêle. Celle-ci peut être estimée au niveau fécal ou iléal, au niveau de la protéine ou au niveau de chaque acide aminé individuellement. Néanmoins, comme mentionné dans le paragraphe 2.1.4, les acides aminés non absorbés dans l’intestin grêle et entrant dans le côlon sont métabolisés par les bactéries coliques puis convertis en ammoniac et autres composés. Ceci peut conduire à une surestimation de la digestibilité lorsqu’elle est évaluée au niveau fécal et il est recommandé d’estimer la digestibilité des protéines et des acides aminés au niveau de l’iléon terminal, c’est-à-dire à la fin de la zone d’absorption des acides aminés par l’intestin grêle [159]. La digestibilité s’exprime en pourcentage selon la formule suivante : Digestibilité (%) = azote ingéré − azote non digéré azote ingéré x 100 La digestibilité apparente prend en compte les pertes azotées totales, c’est-à-dire endogènes et alimentaires alors que la digestibilité vraie ou réelle prend en compte uniquement les pertes alimentaires [110]. Les pertes endogènes correspondent aux sécrétions gastriques, bilio-pancréatiques et intestinales pendant la digestion. L’azote bactérien contribue également de manière importante aux pertes endogènes [82]. Les différentes méthodes de mesure de la digestibilité ainsi que les modèles les plus courants seront présentés dans la section 4.2. Dans la section suivante, les paramètres jouant sur la digestion et le métabolisme des protéines sont discutés.

Facteurs intrinsèques à l’aliment protéique 

Effet de la source de protéines : protéines animales vs végétales

Les protéines de sources animales et végétales diffèrent non seulement en termes de composition en acides aminés (notamment indispensables), mais aussi en termes de digestibilité [160]. En effet, les protéines animales (œuf, lait, viandes) ont généralement des valeurs de digestibilité plus élevées que les sources végétales, en particulier lorsque celles-ci sont dans leur matrice originelle. Ainsi, la digestibilité des sources protéiques animales est généralement supérieure à 95 %, tandis que celle des sources végétales varie entre 50-80 % si les parois cellulaires sont toujours présentes et 80-90 % après purification. La digestibilité inférieure des protéines végétales est attribuée à la présence de parois cellulaires, de niveaux élevés de fibres insolubles et de facteurs antinutritionnels, qui rendent la dégradation des protéines plus difficile et par conséquent les nutriments moins biodisponibles pour être utilisées par l’organisme [161]. De plus, la structure hydrophobe en feuillets-β des protéines végétales et une quantité relativement faible en hélices-α par rapport aux protéines animales facilitent l’agrégation des protéines, limitant encore l’action des enzymes digestives et finalement la digestibilité de ces protéines [162]. La source protéique peut également avoir un effet sur le devenir métabolique des protéines. Chez l’Homme, après consommation de protéines de soja, des volontaires sainssynthétisaient une quantité plus importante d’urée qu’après la consommation de caséines [163]. Cette production d’urée plus élevée s’expliquait par une meilleure composition en acides aminés des caséines par rapport au soja, et par des différences au niveau des cinétiques de digestion entre les deux sources protéiques. En effet les protéines de soja sont digérées plus rapidement que les protéines de lait, entrainant alors une incorporation plus rapide de l’azote alimentaire dans le pool d’acides aminés libres, d’urée et de protéines corporels [164]. La production d’urée plus faible après ingestion de caséines comparé aux protéines de soja se traduisait aussi par une augmentation de la synthèse protéique nette après ingestion de caséines [163]. Des résultats similaires ont été observés chez le porc où les synthèses protéiques intestinales et hépatiques étaient supérieures après ingestion de caséines par rapport au soja, et où une plus grande production d’urée a été mise en évidence après 61 ingestion de protéines de soja [125]. De plus, les pics de concentrations d’acides aminés libres observées dans le foie après ingestion de soja stimulent l’uréogenèse et limitent la quantité d’acides aminés disponibles pour l’aire périphérique [164] et pour soutenir l’anabolisme postprandial musculaire [165]. Ces résultats vont dans le même sens qu’une étude réalisée par Fouillet et al., dans laquelle la rétention postprandiale de l’azote était significativement plus élevée dans les pools azotés périphériques après ingestion de protéines de lait qu’après ingestion de protéines de soja. Les acides aminés disponibles pour la synthèse de protéines périphériques étaient ainsi mieux utilisés dans le cas de l’ingestion de protéines de lait [134]. En revanche, cette production d’urée augmentée après ingestion de protéines végétales était aussi associée à son hydrolyse accrue au niveau intestinal, permettant alors d’épargner l’azote et de contrebalancer la production d’urée plus élevée constatée après ingestion de protéines de soja [166]. Ainsi, ces différences entre des sources protéiques animales et végétales montrent l’impact important de la structure et composition d’une protéine sur le devenir digestif et métabolique des protéines et des acides aminés. 3.2.2. Effet de la matrice : exemple des protéines laitières Comme il a été discuté dans la première section de cette introduction bibliographique (1.1), les protéines solubles et les caséines possèdent des structures très différentes, ce qui impacte leur digestion et utilisation par l’organisme. Les protéines solubles diffèrent des caséines par leur résistance à la digestion. En effet, des études in vivo [167] et in vitro [168–170] ont montré la résistance des protéines solubles face à l’hydrolyse de la pepsine gastrique. Cette résistance peut d’abord s’expliquer par leur structure globulaire compacte qui les rend extrêmement résistantes à la protéolyse [6]. La protéine soluble la plus résistante est la β-lactoglobuline qui reste inaltérée même au bout de 60 min de simulation de la digestion gastrique in vitro [169]. Les résultats sur l’α-lactalbumine sont plus controversés et diffèrent d’une étude à l’autre [171]. En fonction des études, l’αlactalbumine est soit encore plus résistante aux digestions gastriques et duodénales que la βlactoglobuline [172], soit très hydrolysable [173]. Il a également été démontré que 62 l’interaction moléculaire de la β-lactoglobuline avec la phosphatidylcholine, une molécule protectrice de la muqueuse gastrique, protègerait aussi la protéine de la digestion duodénale par la trypsine et la chymotrypsine [169]. Au niveau jéjunal, après ingestion de caséines, les peptides résistants à la digestion identifiés provenaient des deux caséines les plus abondantes, à savoir la caséine-β et la caséine-αs1 [174]. Les peptides faisaient une taille comprise entre 450 et 1800 Da, et la majorité comportait au moins deux résidus de proline, résistants aux enzymes gastriques et pancréatiques ainsi qu’aux peptidases épithéliales. Suite à l’ingestion de protéines solubles, 146 peptides résistant ont été identifiés et la grande majorité (72 %) provenait de la β-lactoglobuline et se trouvaient aux niveaux 40–58 et 122–137 de la séquence protéique [174]. Les caséines et protéines solubles diffèrent aussi en termes de cinétiques d’évacuation depuis l’estomac. Une étude réalisée par Mahé et al., chez des sujets jeunes et en bonne santé ayant ingéré de la caséine ou de la β-lactoglobuline a montré que les protéines solubles étaient plus rapidement évacuées vers la partie jéjunale supérieure [175]. Ce résultat a été confirmé par Boirie et al., qui a par la suite introduit la notion de protéines lentes et protéines rapides [176]. En effet, les caséines sont couramment connues sous le terme de « protéines lentes » tandis que les protéines solubles sont connues sous celui de « protéines rapides » selon leur vitesse de vidange gastrique (Figure 19).

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