Fiscalité des droits d’auteur : aspects historiques et théoriques

Fiscalité des droits d’auteur : aspects historiques et théoriques

Notions liminaires et régime fiscal des revenus issus de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins

L’objet de ce travail concerne le régime fiscal applicable aux droits d’auteur. Il est néanmoins nécessaire de définir quelques notions liminaires qui seront utilisées lorsque nous aborderons ce régime et plus particulièrement son champ d’application. Le régime fiscal des droits d’auteur est issu de la loi du 16 juillet 2008 qui a déjà été évoquée précédemment. Néanmoins, certaines notions nécessaires à l’application du régime se trouvent, depuis 2014, au sein du nouveau livre XI du Code de droit économique et de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886. Auparavant, ces notions se trouvaient au sein d’une loi datant du 30 juin 1994 . Cette loi a été abrogée en 2014 et ses dispositions ont été intégrées dans le livre XI, Titre 5 du Code de droit économique (« CDE »), intitulé « Propriété intellectuelle ». Nous allons ainsi passer en revue ces notions avant d’aborder le régime fiscal des droits d’auteur.

Notions liminaires
Les droits d’auteur et droits voisins doivent être appréhendés à travers le prisme de différentes notions contenues dans le livre XI, Titre 5 du CDE. Nous allons nous attarder plus particulièrement sur les notions relatives aux droits d’auteur. Tout d’abord, il convient de définir la protection dont bénéficie l’« auteur » d’une « œuvre» littéraire ou artistique. On peut retrouver une définition de cette protection à l’article XI.165 §1er du CDE : « L’auteur d’une oeuvre littéraire ou artistique a seul le droit de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, qu’elle soit directe ou indirecte, provisoire ou permanente, en tout ou en partie. ». Nous remarquons que l’auteur bénéficie d’une protection contre la reproduction non-autorisée de ses œuvres. Une autre définition est nécessaire pour une bonne compréhension du présent sujet. Il s’agit de la définition de la notion d’ « œuvre » littéraire ou artistique, qui bénéficie de la protection mentionnée ci-dessus. Le CDE ne donne malheureusement aucune définition de la notion d’ « œuvre » littéraire ou artistique : il se borne à définir ce qu’on entend par œuvre « littéraire », à l’article XI. 172 §1er: « Par œuvres littéraires, on entend les écrits de tout genre, ainsi que les leçons, conférences, discours, sermons ou toute autre manifestation orale de la pensée. Les discours prononcés dans les assemblées délibérantes, dans les audiences publiques des juridictions ou dans les réunions politiques, peuvent être librement reproduits et communiqués au public, mais à l’auteur seul appartient le droit de les tirer à part ». L’article 2.1 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 reprend par contre une définition de ce qu’on entend par « œuvre » littéraire ou artistique , et mentionne ensuite une liste non exhaustive d’objets pouvant être qualifiés d’œuvres.

Afin d’être protégée, une œuvre doit réunir les caractéristiques suivantes :
– l’œuvre doit constituer une création originale de l’esprit de son auteur ;
– l’œuvre doit faire l’objet d’une mise en forme.
Nous reviendrons infra sur ces deux conditions, lorsque nous aborderons le champ d’application du régime fiscal des droits d’auteur. Nous reviendrons également plus en détail sur la notion d’ « œuvres » littéraires ou artistiques.

Régime fiscal des revenus issus de la cession ou concession de droits d’auteur ou droits voisins

Principe
Le siège de ce régime se trouve à l’article 17, §1er , 5°, du CIR92. Les revenus issus de la cession et de la concession des droits d’auteurs et des droits voisins sont qualifiés de revenus mobiliers : «§ 1er Les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d’avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit, à savoir: (…) 5°. les revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visés au livre XI du Code de droit économique ou par des dispositions analogues de droit étranger ». Ces revenus mobiliers bénéficient d’une taxation à un taux distinct avantageux en vertu de l’article 171, §1er, 2°bis, du CIR92. Ce taux s’élève à 15% de leur montant net. La taxe est perçue par voie de précompte mobilier (article 269,§1er, 4° CIR92). Le redevable du précompte est le débiteur des revenus issus des droits d’auteur .

Néanmoins, une autre disposition importante intervient. Il s’agit de l’article 37, alinéa 1er du CIR92. Cet article énonce que les revenus issus de droits d’auteur sont considérés comme des revenus professionnels dans le cas où les avoirs à l’origine des revenus sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire . Un conflit potentiel de qualification des revenus issus des droits d’auteur pourrait ainsi se produire, conflit entre une qualification à titre de revenus mobiliers ou à titre de revenus professionnels.

Il est évidemment plus intéressant pour le contribuable de bénéficier de la qualification à titre de revenus mobiliers de ses revenus de droits d’auteur, ces derniers bénéficiant d’une taxation distincte réduite et évitant l’application de cotisations sociales sur les sommes perçues, au contraire d’une qualification à titre de revenus professionnels.

Cette affirmation est néanmoins tempérée par le second alinéa de l’article 37, qui énonce que, jusqu’à un montant annuel forfaitaire de 37.500 euros (montant indexé à 62.550 euros pour l’exercice d’imposition 2022, revenus 2021), les revenus issus de droits d’auteur conserveront dans tous les cas leur qualification de revenus mobiliers. Cet alinéa a vocation à diminuer les litiges qui pourraient résulter d’un conflit de qualification des revenus de droits d’auteur .

En d’autres termes, si les revenus dépassent ce plafond de 37.500 euros, le conflit potentiel de qualification ressurgira. Il appartiendra alors à l’Administration fiscale de démontrer que le contribuable a affecté les avoirs à l’origine des droits d’auteur à l’exercice de son activité professionnelle, si elle désire requalifier les revenus en revenus professionnels . Nous devons impérativement souligner que cette requalification ne peut être automatique en cas de dépassement du forfait . Par ailleurs, si le dépassement du forfait avait lieu mais que les revenus issus de droits d’auteur conservent leur qualité de revenus mobiliers, la taxation distincte ne sera plus de 15% mais de 30% de la tranche des revenus qui dépasse le plafond, en vertu de l’article 269, 4°, du CIR92.

Si ce pallier de 37.500 euros, certes indexé, peut sembler assez rapidement atteint en pratique, il convient de mentionner que ce montant se base sur les revenus nets et non bruts issus des droits d’auteur. Ainsi, un forfait de frais est prévu par le législateur et va être déduit des revenus bruts issus des droits d’auteur. Les montants à déduire sont les suivants  : 50% de la première tranche de 10.000 euros (indexée à 16.680 euros pour l’exercice d’imposition 2022) , 25% de la deuxième tranche de 10.000 euros à 20.000 euros (indexée pour des montants de 16.680,01 à 33.360 EUR pour l’exercice d’imposition 2022).

En ce qui concerne la dernière tranche allant de 20.000 à 37.500 euros, une partie de la doctrine considère que le forfait général de 15%, applicable normalement aux revenus mobiliers en vertu de l’article 3 de l’A.R./CIR92 , est d’application . Cette doctrine semble néanmoins prendre le contre-pieds des travaux préparatoires de loi de 2008 qui énoncent qu’aucuns frais ne seront déductibles au-delà de la deuxième tranche . Le reste de la doctrine reste muette sur le sujet, préférant simplement mentionner les deux avis contraires que nous venons d’exposer.

Table des matières

1. Introduction
2. Fiscalité des droits d’auteur : aspects historiques et théoriques
2.1 Notions liminaires et régime fiscal des revenus issus de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins
2.1.1 Notions liminaires
2.1.2 Régime fiscal des revenus issus de la cession ou concession de droits d’auteur ou droits voisins
2.1.2.1 Principe
2.1.2.2 Champ d’application matériel du régime fiscal des revenus issus de droits d’auteur ou de droits voisins
2.1.2.2.1 Position de l’Administration et la doctrine
a) Une œuvre protégée par le droit d’auteur
1) Il doit s’agir d’une « œuvre » littéraire ou artistique
2) L’œuvre doit être « originale »
3) L’œuvre doit avoir été mise en forme
b) L’existence d’un transfert (à titre onéreux) de tout ou partie des droits patrimoniaux respectivement de l’auteur à un tiers
2.1.2.2.2 Position du SDA
1) L’œuvre qui a permis au contribuable d’acquérir des revenus est-elle une œuvre protégée (par le droit d’auteur) ?
2) Les droits patrimoniaux sur l’œuvre ont-ils été cédés ou concédés ?
3) Les revenus découlent-ils de la cession ou de la concession de ses droits patrimoniaux sur l’œuvre ?
2.1.2.3 Champ d’application personnel du régime fiscal des revenus issus de droits d’auteur et de droits voisins
2.2 Situation antérieure à la loi du 16 juillet 2008 : problématiques
2.2.1. Un problème de qualification fiscale des revenus issus de droits d’auteur
2.2.2 Un problème lié au statut d’auteur
2.2.3 La mise en place d’un nouveau régime quant à la fiscalité des droits d’auteur avec la loi du 16 juillet 2008 : une véritable solution ?
3. Fiscalité des droits d’auteur : applications pratiques
3.1. Application du régime fiscal des droits d’auteur aux programmeurs et développeurs informatiques : exemple tiré de notre pratique professionnelle
3.2. Application du régime fiscal des droits d’auteur aux journalistes-photographes et photographes
3.2.1 Position de la jurisprudence : synthèse
3.2.2 Position du SDA : synthèse
3.3 Application du régime fiscal des droits d’auteur aux architectes
3.3.1 Position de la jurisprudence : synthèse
3.3.2 Position du SDA : synthèse
3.4 Application du régime fiscal des droits d’auteur aux avocats
3.4.1 Position de la jurisprudence : synthèse
3.4.2 Position du SDA : synthèse
4. Conclusion

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