Généralités sur l’industrie de la farine et de l’huile de poisson
Les farines de poisson sont des farines d’origine animales produites à partir de poissons. La FAO définit la farine comme un produit riche en protéines obtenue de la transformation de poissons entiers (généralement de petits poissons pélagiques et des poissons capturés accessoirement) ainsi que les résidus et sous-produits des usines de transformation du poisson (viscères de poissons). Comme la farine, l’huile de poisson est aussi un produit (liquide) riche en protéines animales obtenue de la transformation du poisson. Elle s’obtient par extraction de la fraction huileuse du poisson lors du processus de fabrication de la farine.
Procédé de fabrication : Généralement un même procédé conduit à la production de farines et d’huiles brutes de poisson . Le principe consiste à séparer les fractions solides (matière sèche dégraissée), huileuses et aqueuses de la matière première (le poisson). Le processus peut varier légèrement en fonction de la nature de la matière première, mais l’opération comprend généralement quatre grandes étapes essentielles : la cuisson, le pressage, le broyage et le séchage (Durand, 1976 ; Ifremer, 2010).
Utilisation de la farine et de l’huile de poisson
L’emploi de la farine de poisson comme aliment pour les animaux, remonte au milieu du XIXème siècle en Amérique et en Europe. En 1864, la farine de poisson était déjà essayée sur la volaille et les porcs (Flament, 1929 ; Olivari, 1933). Plus tard, en 1875-1876, des expérimentateurs (Kellier, Schrost et Wumier) conclurent que les protéines de la farine de poisson étaient assimilables par les moutons, mieux que les produits azotés végétaux (77 à 83% de protéines étaient ainsi digérées) (Olivari, 1933). A cette période également, la production d’huile de poisson trouvait ses débouchés industriels dans les savonneries. Actuellement, la farine de poisson est utilisée pour l’alimentation des animaux aussi bien terrestres (poulets, porcs…) que marins. En aquaculture, la farine de poisson est utilisée pour diverses espèces carnivores et omnivores (Mittaine, 2007).
Pour la fabrication de son aliment, l’aquaculture utilise plus d’huile que de la farine de poisson (Ifremer, 2008). L’aquaculture consomme 57% de la farine et 87% de l’huile de poisson produites dans le monde (FAO, 2007 et Ifremer, 2008). Le basculement vers une plus grande part de la consommation de l’huile de poisson pour le secteur de l’aquaculture est non seulement tiré par l’expansion du secteur lui-même, mais aussi parce qu’elle a une teneur élevée en éléments nutritifs (oméga-3) particulièrement favorables dans la production aquacole. Par ailleurs, les huiles obtenues de foies de poisson (différentes de celles obtenues à partir de chair de poissons et des morceaux de poisson) font aussi l’objet d’utilisation humaine. Elles sont destinées en général à l’industrie pharmaceutique (Wefiels, 2014) plus précisément dans la fabrication des nutraceutiques (aliments possédant des propriétés bénéfiques pour la santé) et des gélules.
Ces multiples débouchés trouvés par l’industrie de la farine et de l’huile de poisson dans le monde (surtout avec le développement de l’aquaculture) ont incité de tout bord des investisseurs à se lancer dans l’activité. Certains pays ont même créé une pêche spéciale dite « pêche minotière » destinée principalement à la production de la farine et l’huile de poisson.
La production mondiale de la farine de poisson
La production mondiale de farines de poisson est passée de 4,8 millions à 6 millions de tonnes entre 1990 et 1994 . De 1994 à 2013 une baisse de production est observée. Les tonnages sont passés de 6 millions à environ 4 millions. Le Pérou et le Chili sont les premiers producteurs de farines de poisson. Ainsi, les pays nordiques de l’Europe (la Norvège, le Danemark, l’Islande), la Chine, le Japon et les Etats unis suivent les producteurs les plus importants.
La baisse de production de farine observée au début des années 2000 est essentiellement liée à la baisse importante de la production péruvienne (premier producteur) en poisson pélagique (anchois). Les captures péruviennes qui étaient de l’ordre de 4 millions de tonnes dans les années 2000 ne sont plus que de 2 millions de tonnes en 2013, (Caillart et al, 2015). Et les autres pays producteurs de l’Europe du Nord (Danemark, Islande et Norvège) ont de leur côté mis en place des limitations strictes sur les captures d’espèces destinées à la production de farine (Caillart et al, 2015).
La production mondiale de l’huile de poisson
La production de l’huile montre une évolution plutôt croissante . Elle est passée de 1,2 millions tonnes en 1990 à environ 1,4 millions tonnes en 1995. Entre 1996 et 1998, la production mondiale de l’huile a baissé jusqu’à atteindre son niveau le plus bas (600 milles tonnes). En 1999, la production a fluctué autour d’un million deux cent mille tonnes. De 2002 à 2013, on observe une variation autour de 800 000 tonnes/an. Comme pour la farine de poisson, la baisse de la production mondiale de l’huile est expliquée principalement par la chute des débarquements mondiaux en petits pélagiques chez les principaux producteurs (Pérou, Chili et l’Europe du nord). La Conséquence de la baisse de production dans un contexte de demande soutenue, fait que les prix de la farine et de l’huile de poisson ont augmenté ces dernières années. Ainsi le prix de la tonne de farine a atteint 1 600 dollars en Europe en 2015 (OCDE/FAO, 2016) alors qu’il n’était que de 1 000 dollars en 2010 (OCDE/FAO, 2015). Concernant l’huile, les prix ont atteint en 2016 la barre des 1 900 dollars la tonne (OCDE/FAO, 2016) soit presque 2 dollars/kg alors qu’ils s’estimaient à 1 300 dollars/tonne en 2010 (OCDE/FAO, 2015). Cette hausse des prix est motivée autant par le dynamisme de la demande que par les limites de l’offre. Le développement de l’industrie de la farine de poisson dans la région nord-ouest africaine est en partie expliqué par cette hausse de prix.
Moteurs du développement de l’industrie de la farine de poisson
L’installation des usines de farines dans le territoire Sénégalais est essentiellement encouragée par les opportunités internationales offertes par l’activité : marché attractif, niveaux de prix élevé, offre mondiale réduite, demande accrue. Mais au-delà de ces avantages, l’émergence de cette industrie au Sénégal a été favorisée par un ensemble de facteurs locaux. Il s’agit notamment de l’existence supposée de biomasses importantes de petits pélagiques au Sénégal (matière première) et du dynamisme de la flottille ciblant les petits pélagiques (disponibilité).
Exploitation des stocks de petits pélagiques
Dans la zone Ouest africaine, l’existence de remontées d’eaux froides permanentes ou saisonnières (upwelling) créent les conditions favorisant la concentration de petits pélagiques (COPACE, 2014). Ces conditions océanographiques favorables ont fortement contribué au rendement de la pêche au Sénégal. Les espèces de petits pélagiques pêchées dans la région nord-ouest africaine sont composées principalement de clupéidés (sardinelles, sardine et éthmalose), de carangidés (chinchard noirs et jaune), de scombridé (maquereau) et d’engraulidé (anchois) (Ould Sidi, 2005). En 2014, le groupe de travail scientifique du COPACE Nord avait signalé que la plupart des stocks de petits pélagiques étaient surexploités et avait recommandé aux pays partageant le stock de sardinelles de réduire leurs efforts de pêche . Aujourd’hui force est de constater que l’effort de pêche n’a pas baissé sur ces stocks. Pour le cas du Sénégal, la détaxe du carburant et des équipements de pêche (motorisation), le libre accès à la ressource et une libéralisation du marché contribuent indirectement à augmenter l’effort de pêche.
Dynamique de la flottille ciblant les petits pélagiques
A l’échelle nationale, on peut séparer les flottes de pêche exploitant les petits pélagiques en deux grands ensembles : une flotte industrielle et une flotte artisanale.
La flotte industrielle : Il s’agit ici de navires industriels pontés de grande taille (35 m jusqu’à près de 140 m). Ils peuvent cibler les petits pélagiques à l’aide de chaluts ou de sennes tournantes. Cette pêche qui ne représente que 12% des débarquements de la pêche maritime sénégalaise à tendance à disparaitre de la pêcherie de petits pélagiques. La flotte industrielle nationale composée de sardiniers s’est progressivement réduite pour ne plus compter qu’une seule unité en 2015 (DPM, 2015).
Les flottes artisanales et côtières : Les flottes artisanales et côtières assurent 88% des débarquements de la pêche maritime Sénégalaise. Elles sont beaucoup plus dynamiques que la pêche industrielle en termes de volumes mis à terre. Au Sénégal, deux types d’unités de pêche sont régulièrement utilisées dans les pêcheries artisanales de petits pélagiques. Il s’agit des unités de pêche à la senne tournante et des unités de pêche au filet maillant encerclant.
Table des matières
Introduction
PREMIERE PARTIE : Synthèse bibliographique
1.1 Généralités sur l’industrie de la farine et de l’huile de poisson
1.1.2 Définition
1.1.3 Procédé de fabrication
1.1.4 Utilisation de la farine et de l’huile de poisson
1.2 Contexte international de l’industrie de la farine et de l’huile de poisson
1.2.1 Production mondiale de la farine de poisson
1.2.2 Production mondiale de l’huile de poisson
1.3 Evolutions de la filière de farine de poisson en Afrique nord- ouest
1.3.1 Mauritanie
1.3.2 Maroc
1.3.3 Sénégal
1.4 Moteurs du développement de l’industrie de la farine de poisson
1.4.1 Exploitation des stocks de petits pélagiques
1.4.2 Dynamique de la flottille ciblant les petits pélagiques
1.4.3 Dynamique des débarquements de petits poissons pélagiques
DEUXIEME PARTIE : Données et méthodes
2.1 Zone d’étude
2.2 Approche méthodologique
2.2.1 Collecte de données
2.2.2 Revue documentaire
2.2.3 Enquêtes de terrain
2.2.4 Entretiens individuels
2.3 Traitement et analyse des données
TROISIEME PARTIE : Résultats
3.1 Caractérisation technique et localisation des principales usines à terre
3.2 Sources d’approvisionnement
3.3 Espèces ciblées dans la production de la farine et de l’huile de poisson
3.4 Production nationale de farine et huile de poisson
3.5 Exportations et les marchés
3.5.1 Exportations
3.5.2 Marchés
3.6 Impacts socio-économiques de la filière de la farine de poisson
3.6.1 Impacts sur la filière de la transformation artisanale
3.6.2 Impacts sur la distribution du poisson
3.6.3 Impacts sur la sécurité alimentaire de la population
QUATRIEME PARTIE : Discussions, Conclusion et perspectives
Discussions
Conclusion et perspectives
Références bibliographiques
Annexe 1 : Schéma technique de la fabrication de la farine et huile de poisson
Annexe 2 : questionnaire aux acteurs de la pêche
Annexe 3 : Fiche inventaire des usines