La conception participative de l’enseignement une source d’apprentissage

La conception participative de l’enseignement une source d’apprentissage

Durand (1999) attire l’attention sur le fait que « pour qui s’intéresse à l’analyse du travail, l’enseignement s’apparente à celui de l’ergonome. En effet, une part de cette activité́ consiste à définir, organiser, réguler un travail : celui des élèves. Les enseignants sont des pourvoyeurs de tâches et les modélisations de l’apprentissage scolaire et de l’instruction, mettent l’accent sur cette notion de travail, opérationnalisée en termes d’engagement dans une tâche » (p. 124). En précisant ce point de vue, Saujat & Serres (2015) notent que le professeur se trouve devant une difficulté́ comparable à celle de l’ergonome de conception qui tente d’évaluer et d’anticiper « l’espace des formes possibles de l’activité́ future » (Daniellou, 2004), celle de ses élèves, mais aussi la sienne propre en réponse à la leur. Ce travail de conception en étant mis à l’épreuve de l’activité conjointe en classe constitue une source d’apprentissage et de construction de connaissance en classe. Nous l’avons formulé auparavant : le PCK constitue un bon modèle permettant de rendre compte des réorganisations, donc du développement que suggèrent de tels apprentissages. Allons plus loin, la participation à un groupe de conception participative d’une technologie, si elle implique une redéfinition des scénarios pédagogiques habituellement conçus et mobilisés par les enseignants, constitue sans nul doute une source d’apprentissage et de développement. Encore faut-il s’attarder et discuter la nature de tels apprentissages. Sfard (1998) distingue la nature des apprentissages professionnels au regard des métaphores communément mobilisés dans les théories de l’apprentissage : apprentissage par acquisition et apprentissage par participation. Cette notion de métaphore correspond à des transplantations conceptuelles permettant d’expliquer les processus qui transforment des connaissances existantes en connaissances nouvelles. Sfard en définit deux types :  La métaphore de l’acquisition correspond à une vision de l’apprentissage comme développement de concepts et d’acquisition de connaissances ;  La métaphore de la participation renvoie à la participation d’un apprenant à des activités liées notamment au discours et à la communication. Elle met en avant la place de La conception participative de l’enseignement une source d’apprentissage 41 l’apprenant dans un contexte situé socialement et culturellement auquel il prend part, et duquel il fait partie.

La préparation du cours et des scénarios pédagogiques

La préparation d’un cours peut être vue comme une activité dans laquelle des enseignants « mettent en jeu différentes connaissances et les articulent pour choisir des activités, des exercices, fractionner la séance, choisir une forme de travail en classe, anticiper le temps, les réactions et les difficultés des élèves, gérer les traces écrites des élèves… » (Bécu-Robinault, 2007, p. 165). D’après l’auteure, les connaissances mises en œuvre lors de la préparation du cours peuvent avoir trois origines : construites à partir d’un texte institutionnel, issue d’un échange sur les pratiques ou résultat de l’expérience acquise par l’enseignant. De plus, dans le cas de la préparation du cours par des enseignants de sciences physiques, l’auteure a relevé que :  les enseignants déclarent prendre en compte les impératifs du programme scolaire ; selon les enseignants, l’importance donnée à ces impératifs peut cependant varier ;  la maîtrise des contraintes matérielles est importante, en particulier pour les expériences à réaliser en classe ;  les connaissances antérieures des élèves et leur compréhension des notions abordées dans le cours sont prises en compte lors de la préparation du cours ;  une planification souple du cours permet une meilleure adaptation aux élèves et au terrain. Le résultat de la préparation d’un cours peut être mis au propre dans un document rédigé pour guider l’enseignant pendant son cours sous la forme de scénarios pédagogiques. Ces derniers s’appuient sur des prescriptions, c.-à-d. ce que l’institution scolaire définit et communique aux enseignants pour les aider à concevoir, organiser et réaliser leur travail (Goigoux, 2007). Plus précisément, lors de la conception de scénarios pédagogiques, un enseignant est amené à se poser les questions suivantes (Musial, Pradère & Tricot, 2011, p. 16) :  Comment faire acquérir les connaissances ?  Comment présenter les objectifs ?  Quelles sont les tâches d’apprentissage ?  Quelles sont les progressions parmi les contenus ?  Comment réguler l’activité de l’apprenant ?  Comment évaluer les connaissances ? À partir des travaux de Pernin & Lejeune (2004), nous adopterons la définition suivante : un scénario pédagogique constitue la description a priori du déroulement d’une situation d’apprentissage visant l’appropriation d’un ensemble précis de connaissances, en précisant les rôles des élèves et de l’enseignant, leurs tâches ainsi que les ressources nécessaire à la réalisation de ces tâches. 

Les activités de conception collective de l’enseignement

Walker (1971) a proposé une classification des types d’échanges en conception d’enseignement, entre enseignants, appelée SACD pour Structural Analysis of Curriculum Deliberation. Chaque épisode, défini par un ensemble de contributions cohérentes entre elles, correspond à une des quatre catégories suivantes : 43  Un brainstorming correspond à une phase de génération d’idée dans laquelle il y a beaucoup d’interactions entre les enseignants et les décisions sont prises intuitivement ;  un problème renvoie à la définition dudit problème, son cadrage et l’élaboration collective et argumentée d’une solution ;  une explication a lieu lorsqu’une personne présente et explique une notion ou lorsqu’elle éclaire le groupe sur un sujet dont elle est experte ;  le REX fait référence au recours par un enseignant à un exemple concret de situation d’enseignement réelle. Dans chaque épisode codé, Walker (1971) propose de coder les contributions individuelles selon quatre catégories :  une difficulté est définie par l’énoncé d’un aspect non satisfaisant de la situation, d’un problème, qui doit être discuté par le groupe ;  une proposition correspond à l’énoncé d’une solution pour la difficulté ;  un jugement est une évaluation d’une proposition faite ;  un exemple illustre un propos. Cette grille d’analyse a notamment été utilisée pour coder les verbalisations en conception entre enseignants de maternelle par Boshman, McKenney & Voogt (2014). Ils ont montré par exemple que dans les échanges, les épisodes de type brainstorming étaient prédominants et que les problèmes n’étaient pas abordés en profondeur. Ces derniers étaient souvent résolus par brainstorming, sans argumentation poussée, et principalement par rapport à des questions pédagogiques, telles que la motivation des élèves. Dans leur étude, les auteurs ont insisté sur le fait que les enseignants auraient besoin de connaissances sur la technologie et sur comment elle pourrait être articulée avec les contenus disciplinaires à enseigner. 

Les apprentissages en conception de TICE 

L’approche Design-Based Research Les méthodes de type Design-Based Research (DBR) visent à faire travailler des chercheurs avec des enseignants et des élèves afin de concevoir, d’implémenter et d’évaluer des dispositifs d’enseignement et d’apprentissage innovants en situation de classe réelle (Brown, 1992 ; Collins, 1990). Plus récemment, Sandoval & Bell (2004) ont distingué deux objectifs de ce type d’approche : développer des environnements d’apprentissage efficaces et utiliser 44 ces environnements comme des « laboratoires naturels » pour étudier les activités d’enseignement et d’apprentissage. Ces approches sont itératives et concernent généralement un petit nombre de classes afin d’étudier les usages de ces dispositifs (Fishman, Marx, Blumenfeld & al., 2004). Elles peuvent être traduites par Recherche orientée par la conception et permettent notamment de former les praticiens impliqués au travers de partages de praxéologies, qui se composent de leurs savoir-faire et de leurs connaissances (Chevallard, 1997 ; Sanchez & Monod-Ansaldi, 2015). En situation de formation, Aldon, Arzarello, Cusi & al. (2013) parlent de praxéologie métadidactique correspondant aux réflexions pratiques et théoriques qui s’y développent. Sanchez & Monod-Ansaldi (2015) soutiennent que ce concept peut être étendu aux situations de conception collaborative de type DBR dans la mesure où celles-ci aboutissent à la mise en place d’une praxéologie partagée entre chercheurs et praticiens. Les auteurs distinguent ces deux situations d’après leurs objectifs : la formation « vise au transfert de connaissances établies et au développement professionnel des participants » alors que la recherche (DBR) vise « la construction de savoirs nouveaux par la mise à l’épreuve de modèles et d’hypothèses » (Sanchez & Monod-Ansaldi, 2015, p. 89). Néanmoins, celle-ci pourrait également conduire au développement professionnel des enseignants impliqués. En effet, le partage de praxéologie méta-didactique résulterait de l’évolution conjointe des savoir-faire, c.-à-d. les tâches d’apprentissage et les techniques d’enseignement, et des justifications de ces savoir-faire.

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