La modélisation mathématique pour l’extrapolation à l’Homme en évaluation des risques

La modélisation mathématique pour l’extrapolation à l’Homme en évaluation des risques

Depuis quelques années, les investigations toxicologiques se sont tournées vers une approche fondée sur des preuves, plutôt que descriptive, notamment pour contrer les coûts élevés, la durée des études in vivo, ainsi que les strictes réglementations concernant le bien-être animal (Beilmann, 2018). Pour des raisons éthiques, les tests de toxicité ne peuvent être réalisés directement chez les humains. Différents outils in vitro, in vivo et in silico ainsi que des protocoles d’expérimentations animales ont donc dû être développés afin d’étudier indirectement la toxicité humaine des composés chimiques qui nous entourent. Cette partie a pour objectif de présenter les modèles pharmacocinétiques et pharmacodynamiques utilisés en évaluation des risques pour étudier la toxicité humaine. L’évaluation des composés repose sur des modèles de devenir, d’exposition, de toxicité, de risque et d’impact. Pour la gestion des risques, le développement conjoint de ces modèles, visant à améliorer l’interprétation et l’analyse des données, permet d’apporter un soutien scientifique pour la prise de décisions réglementaires (McCarty et al., 2018). Un modèle mathématique pertinent est une simplification conceptuellement plausible d’un processus ou d’une activité basée sur des données expérimentales. Ces modèles sont construits de sorte à représenter le degré minimum de complexité des processus physiques, chimiques et biologiques nécessaires pour quantifier la toxicité d’un composé et atteindre le pouvoir prédictif requis selon le contexte décisionnel (Margiotta-Casaluci et al., 2016). Les modèles in silico présentent un certain nombre de limites freinant leur acceptation comme outils indispensable pour La modélisation mathématique pour l’extrapolation à l’Homme en évaluation des risques  l’évaluation de risques. En effet, leur validation et leur développement reposent sur des données dont la disponibilité, la quantité et la qualité ne sont pas toujours de mise. De plus, leur domaine de validité est limité et défini approximativement. Finalement, la limite principale concerne le fondement prédictif et suggestif, rendant les conclusions hypothétiques. Cependant, ils offrent de nombreux avantages comparés aux tests in vivo et in vitro. Ils sont moins onéreux, hautement reproductibles et sans cesse optimisés, avec pour ambition de remplacer l’utilisation d’animaux (Erhirhie et al., 2018; Grech et al., 2017a; Leist et al., 2017). 

La modélisation pharmacocinétique

La pharmacocinétique est définie par l’action d’un organisme sur un xénobiotique dont le devenir est régi par quatre processus ; l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’excrétion (ADME). Elle permet de décrire l’évolution des concentrations d’un composé en fonction du temps selon la dose d’exposition (Grech et al., 2017a). Différents paramètres pharmacocinétiques, comme la biodisponibilité, le volume de distribution, la clairance et le temps de demi-vie, qui caractérisent la pharmacocinétique d’un xénobiotique donné, peuvent être déterminés par différentes approches. La première est l’analyse non-compartimentale permettant de déterminer les paramètres pharmacocinétiques à partir de points expérimentaux, tels que la concentration et le temps maximal, ou d’équations mathématiques simples afin de décrire les processus ADME (Gabrielsson and Weiner, 2012). La deuxième approche, dont les principes sont détaillés ci-après, modélise un organisme ou un système d’étude par un ou plusieurs compartiments, afin de quantifier les processus biologiques par une approche semimécaniste. Une signification physiologique et anatomique peut également être considérée pour ajouter une composante mécaniste au modèle (Dixit et al., 2003; Jusko, 2013). Grâce à la modélisation, de nouveaux paramètres pharmacocinétiques peuvent être définis et utilisés pour élaborer les relations entre le profil cinétique d’un composé et la physiologie. Par exemple, les modèles compartimentaux permettent de définir la clairance spécifique de différents processus d’élimination (Urso et al., 2002).  

 Les modèles compartimentaux classiques 

Les modèles pharmacocinétiques classiques suivent une approche compartimentale considérant que le système d’étude, par exemple un organisme entier ou des cellules en culture, est réduit à un ou plusieurs compartiments pour décrire la cinétique d’un composé, comme présenté par la Figure 1. Figure 1. Schéma d’un modèle pharmacocinétique mono (A) et bi-compartimental (B), avec Q, Q1 et Q2 les quantités du composé dans les compartiments, ka et ke respectivement les constantes de vitesse d’absorption et d’élimination, k1,2 et k2,1 les constantes de vitesse de transfert. Les modèles mono-compartimentaux considèrent que la concentration est homogène au sein du système. Les modèles multi-compartimentaux supposent que les concentrations peuvent différer au sein de différents compartiments caractérisant le système (Grech et al., 2017a). Les modèles pharmacocinétiques sont définis par un système d’équations différentielles typiquement linéaire : 𝑑𝐶𝒊 𝑑𝑡 = ∑ (𝑘𝑖 × 𝐶𝑖 𝑛𝑖 𝑖 ) (1) Avec dCi/dt la variation de concentration dans le compartiment i au cours du temps, ki une constante de vitesse et ni un exposant déterminant l’ordre de la cinétique. Un processus d’ordre zéro (n = 0) peut être dû à des phénomènes de saturation métabolique ou des systèmes de transport. La variation de concentration n’est pas dépendante de la quantité en composé restante. Un processus de premier ordre (n = 1) spécifie un modèle  cinétique linéaire avec des concentrations de composé dans les compartiments proportionnelles à la dose d’exposition. A faibles doses d’exposition, la majorité des composés étudiés en santé – environnement suivent approximativement cette cinétique, caractérisée par une variation de concentration proportionnelle à la quantité en composé restante et des paramètres pharmacocinétiques indépendants de la dose d’exposition (Borowy and Ashurst, 2020). Ainsi, la plupart du temps précédés d’une analyse non-compartimentale des paramètres cinétiques, les modèles compartimentaux de premier ordre utilisés en évaluation des risques permettent de quantifier les caractéristiques ADME des composés dont les processus toxiques restent à établir, suivant différentes voies d’exposition (Mackay and Fraser, 2000; Scholz et al., 2013a; Shin et al., 2019). 

Les modèles physiologiques 

Au cours des années 1970-1980, la modélisation pharmacocinétique basée sur la physiologie (PBPK) a été développée pour simuler les concentrations internes des toxiques, reconnues plus prédictives des réponses biologiques que les doses d’exposition. Les modèles PBPK considèrent l’anatomie, la physiologie, la biochimie et la physicochimie de l’organisme étudié pour simuler le devenir d’une substance dans un organisme. Ils mettent en évidence les organes ayant une action sur la substance (métabolisme, transport, dégradation, stockage…), regroupent ceux ayant peu d’importance sur les processus ou possédant grossièrement des caractéristiques similaires en un seul compartiment, puis les relient par la circulation sanguine artérielle et veineuse si l’organisme d’étude en est pourvue, comme présenté par la Figure 2 (Brochot et al., 2014).

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