LA MODULATION A LA DILUTION DE L’ORDRE PUBLIC CONJUGAL

 LA MODULATION A LA DILUTION DE L’ORDRE PUBLIC CONJUGAL

« Les familles se forment par le mariage et elles sont la pépinière de l’Etat »410. C’est à ce titre que le couple est intégré « dans un statut juridique global, en échange d’un engagement de durée. La loi en acquiert alors le monopole et lui concède l’exclusivité de sa protection. »411 Le mariage entre donc dans la catégorie institution et cela implique « une organisation juridique contraignante préétablie et vouée à la permanence »412. Le mariage constitue donc le principal cadre légal qui impose des obligations. Les obligations du mariage auxquelles s’engagent les époux représentent en creux toute la spécificité du mariage. Le statut fondamental413 des époux est donc frappé du caractère d’ordre public. Le statut personnel des époux étant donc entré dans le dogme de l’ordre public, il place les obligations du mariage au rang des normes impératives et inflexibles. C’est-à-dire, que « les époux sont soumis au droit du mariage sans que leurs volontés puissent influencer l’application de ces règles »414. Aucune dérogation n’est alors permise, en cas de violation des obligations du mariage. Mais la verdeur de l’ordre public familial cède de plus en plus devant les volontés et devant une interprétation davantage réaliste des situations. Le droit perd de sa rigidité et se module en fonction des intérêts unilatéraux en cause. Cette inclinaison s’explique par une certaine précarité de la notion d’ordre public conjugal (Section1) et elle s’explique aussi par une faute de moins en moins sanctionnée dans le divorce (Section 2).

L’ORDRE PUBLIC FAMILIAL : UNE NOTION PRECAIRE

La notion d’ordre public est une notion standard, avec tout ce que cela comporte d’un droit mou et flou415. La notion d’ordre public s’entend d’une notion à la fois incertaine, évolutive et contingente. Comme le souligne le Professeur Malaurie : « Une étude sur l’ordre public est un sujet téméraire. Nul n’a jamais pu en définir le sens, chacun en vante l’obscurité et tout le monde s’en sert ».416 Cette étude ne prétend pas réussir à définir la notion d’ordre public, notion précaire, c’est-à-dire instable et impalpable. Toutefois, à défaut de la définir, c’est-à-dire de lui donner un sens précis à un moment déterminé, ce sont les diverses définitions qui seront rapportées. L’ordre public a une dimension familiale417. L’ordre public familial regroupe, les rapports personnels, le mariage, le divorce, la filiation…Quant à l’ordre public conjugal qui est une subdivision de l’ordre public familial, il comprend toutes les obligations du mariage. Communauté de vie, fidélité, assistance, respect, sont les obligations mutuelles que le mariage fait naître entre époux et qui représentent l’ordre public conjugal. Dans un premier temps, la notion de l’ordre public familial implique la recherche d’une définition (§1), et dans un deuxième temps, sera mis en exergue le relâchement des obligations du mariage (§2). §1 : L’essai de définition de l’ordre public familial La détermination de la définition originelle de l’ordre public (A.) permet de mettre en avant l’évolution de la notion d’ordre public (B.)

L’ordre public : la définition originelle

La notion d’ordre public est définie comme un « ensemble de principes, écrits ou non, qui sont, au moment même où l’on raisonne, considérés, dans un ordre juridique, comme fondamentaux et qui, pour cette raison, imposent d’écarter l’effet, dans cet ordre juridique, non seulement de la volonté privée, mais aussi des lois étrangères…»418 La notion d’ordre public est intimement liée à la cohésion sociale, en ce sens qu’elle traduit les exigences fondamentales d’une vie en société. Le Professeur Catala évoque la multitude de définitions dont a fait l’objet l’ordre public et l’équivoque de la notion qui s’inscrit au cœur même de sa propre dénomination. « L’ordre, c’est d’abord le contraire du désordre. Ainsi compris, l’ordre public s’identifie à la paix sociale, au bien commun (…). Il caractérise un état de la société, exprimant la fonction essentielle du droit en tant que régulateur des groupes humains. »419. Il signifie également « un commandement donné par un supérieur à un subordonné ».C’est à dire que les citoyens doivent se conformer à ces normes. Quant à « public » il fait référence à un ordre donné par une puissance supérieure, qui intéresse toute la société et se place au dessus de l’intérêt privé. Planiol a une approche normative de la notion d’ordre public. La disposition est d’ordre public, « toutes les fois qu’elle est inspirée par une considération d’intérêt général qui se trouverait compromise si les particuliers étaient libres d’empêcher l’application de la loi ». L’ordre public est le noyau dur des normes juridiques qui est l’expression de la société et de ce fait, intouchable et inviolable par un particulier. Elle représente un système de valeurs qui va être le fondement de la société. L’ensemble des citoyens doit impérativement s’inscrire dans ce système afin de garantir une société cohérente et juste. L’ordre public « désigne toujours ce qui est jugé suffisamment important à un moment donné et dans une société donnée pour que l’Etat en assure par différents moyens juridiques exorbitants du droit commun la préservation ou la promotion ».420 L’ordre public signifie que l’on ne peut ni déroger aux règles, ni violer les règles impératives. Toutefois, c’est une notion fluctuante, appelée à servir soit la stabilité, soit le changement au gré du législateur421. Elle est une notion « fonctionnelle (…), ce ne serait plus qu’un échelon dans la gradation du caractère obligatoire des textes, sans contenu global philosophiquement ou même juridiquement déterminable. »422 L’ordre public s’adapte aux évolutions de la société et connaît plusieurs déclinaisons.

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