La morphologie du parasite

La morphologie du parasite

Rappelons que pour compléter son cycle trimorphique, P. falciparum doit infecter deux hôtes, l’humain et un insecte vecteur. Cette dualité entraîne le parasite à adopter plusieurs formes afin de survivre dans des environnements variés et d’infecter efficacement diverses cellules hôtes.

Le mérozoïte

Le mérozoïte est une forme invasive non motile dont l’hôte exclusif est le globule rouge et qui est associé au cycle érythrocytaire. Il s’agit certainement de la forme la plus étudiée de P. falciparum. En effet, depuis le développement de méthodes de culture in vitro par Trager et Jensen à la fin des années 1970, il est devenu possible d’étudier le cycle érythrocytaire et la morphologie du parasite en laboratoire28,29.
Figure 4 : La structure du mérozoïte (Adaptée de 30)
Le mérozoïte de Plasmodium est très petit comparativement aux autres membres de la famille Apicomplexa, 1,6 m de long et 1 m de large, soit l’équivalent d’une grosse bactérie30. Il possède une forme plutôt ovoïde, mais polarisée, rappelant celle d’un avocat (Figure 4). Parmi les composantes cellulaires du mérozoïte, on retrouve les organites traditionnellement retrouvés chez les cellules eucaryotes : un noyau, un réticulum endoplasmique (RE), un appareil de Golgi, une mitochondrie ainsi qu’un organite plus atypique, l’apicoplaste. Ce dernier est le lieu où s’effectue la synthèse de lipides, nécessaire à la formation des membranes, ainsi que le site de production de l’hème, utilisé lors de la synthèse protéique31–33.
Une autre structure distinctive retrouvée chez le mérozoïte (ainsi que chez le gamétocyte, l’ookinète et le sporozoïte) est le complexe intra-membranaire (IMC). Il s’agit d’une structure sous-jacente à la membrane plasmique du parasite (MPP) qui assure plusieurs rôles lors du cycle érythrocytaire : division cellulaire, invasion du globule rouge et rôle structural34,35.
Finalement, la principale particularité du mérozoïte est probablement son complexe apical. Ce dernier est composé de trois organites sécrétoires : les rhoptries, les micronèmes et les granules denses. Au moment de l’invasion du globule rouge, ces organites apicaux sécrètent des protéines qui permettent d’effectuer les différentes étapes nécessaires à son entrée dans la cellule hôte36,37. Au cours de ce processus d’invasion, il y a formation d’une VP entourant le mérozoïte, qui va devenir son lieu de résidence à l’intérieur de la cellule hôte. Cette étape d’invasion est cruciale pour la survie du mérozoïte et se déroule généralement en quelques minutes. Cependant, d’un point de vue immunologique, ces quelques minutes représentent une opportunité d’action importante pour les cellules du système immunitaire. En effet, il s’agit du seul moment de vulnérabilité pour le parasite au cours duquel, il peut être ciblé par les anticorps. C’est pour cette raison que beaucoup d’efforts sont entrepris afin d’étudier les molécules de surface du mérozoïte ainsi que les molécules sécrétées avant son entrée dans le globule rouge, et ce afin de trouver de nouvelles cibles vaccinales33.

Le gamétocyte

Le gamétocyte est la forme sexuée de Plasmodium qui assure la transmission du parasite de l’humain vers le moustique anophèle. Autrefois peu étudié, le gamétocyte est aujourd’hui le sujet de nombreuses publications. En effet, de récentes avancées ont permis le développement de nouvelles techniques de production de gamétocytes in vitro39,40. Chez P. falciparum, l’évolution du gamétocyte vers une forme mature prend de 10 à 12 jours et peut être divisée en cinq stades (Figure 5). Tout d’abord, lors des deux premiers stades (I et II), la morphologie du parasite reste pratiquement indissociable de la forme asexuée trophozoïte. Cependant, lors du stade III, le parasite commence à s’allonger et à prendre plus de place à l’intérieur du globule rouge. Par contre, c’est lors des stades IV et V que des changements structuraux sont les plus marquants. Le parasite adopte alors une forme de croissant ou falciforme (d’où le nom falciparum) et déforme complètement l’érythrocyte. Lors du dernier stade (V), le gamétocyte est rendu à maturité et l’on peut facilement différentier le gamétocyte femelle, plus allongé, du gamétocyte mâle, plus large41. L’adoption et le maintien de cette forme sont possibles grâce à la présence de l’IMC, directement sous la MPP. Bien que similaire à l’IMC retrouvé chez le mérozoïte, son rôle chez le gamétocyte semble exclusivement structural42.
Figure 5 : Les différents stades de gamétocytes (Adaptée de 43)

L’ookinète et l’oocyte

L’ookinète est une forme invasive et motile retrouvée seulement chez le moustique femelle infecté par Plasmodium. Il est caractérisé par une forme allongée et polarisée où l’extrémité la plus étroite correspond au pôle apical. Il diffère des autres stades invasifs du fait qu’il ne possède ni rhoptries ni granules denses à son pôle apical. En effet, il ne renferme qu’un seul type d’organite sécrétoire spécialisé : les micronèmes. Plusieurs rôles ont été attribués aux protéines micronèmales, par exemple la reconnaissance hôte-parasite ainsi que la liaison et la motilité à la surface des cellules épithéliales44,45. En résumé, les micronèmes jouent un rôle essentiel dans le processus d’invasion des cellules épithéliales, permettant au parasite de traverser la paroi intestinale du moustique.
Le rôle principal de l’oocyte est la production de sporozoïtes. De ce fait, contrairement aux formes invasives, il ne possède pas de pôle apical ni d’organites habituellement impliqués dans le processus d’invasion. Sur une période de 10 à 12 jours, les sporozoïtes vont se développer à l’intérieur de l’oocyte entraînant un gonflement de la MPP46. Au terme du processus de réplication, un seul oocyte contient des milliers de sporozoïtes. Finalement, ces derniers sont relâchés dans l’hémolymphe d’où ils migrent afin d’atteindre les glandes salivaires de l’anophèle47.

Le sporozoïte

Le stade sporozoïte a la particularité d’évoluer dans deux habitats très différents, l’insecte et l’humain, et d’y jouer des rôles essentiels. À l’instar du gamétocyte, le sporozoïte doit interagir avec différents types cellulaires et rapidement s’adapter à ce changement d’environnement. Pour ce faire, le parasite est pourvu d’un système de régulation transcriptionnelle tissue-spécifique hautement contrôlé et flexible48.
Au cours de son existence, le sporozoïte va traverser et envahir plusieurs types cellulaires. Ce long trajet est possible grâce à la capacité motile du sporozoïte, laquelle provient principalement d’un moteur d’actine-myosine et de la protéine TRAP (« thrombospondin-related anonymus protein »). Cette protéine est sécrétée par les micronèmes à la surface du parasite et permet au parasite de se déplacer par glissement, en plus de lui permettre d’envahir les cellules cibles49. Une autre protéine importante pour le sporozoïte est la protéine circumsporozoïte (CSP). Il s’agit de la principale protéine de surface du sporozoïte qui, avec la protéine TRAP, est responsable de l’invasion des glandes salivaires en plus de l’adhésion et de l’invasion des hépatocytes50. Tout comme le mérozoïte, le sporozoïte possède un complexe apical composé de micronèmes et de rhoptries, bien qu’aucune granule dense n’ait été observée jusqu’à ce jour51.
En résumé, le parasite Plasmodium est un organisme polymorphique qui s’adapte très bien à ses différents hôtes. Chacun des stades se développe et se transforme en fonction de son environnement, et ce, toujours avec l’objectif final d’assurer la transmission entre l’insecte vecteur et l’hôte humain.

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