La perception haptique

La perception haptique

Le toucher tout comme le goût est un sens de contact, à distinguer d’autres sens tels que la vision, l’audition ou l’odorat. Cependant, contrairement au goût dont les récepteurs sont localisés, le toucher est une modalité dont les récepteurs sont répartis sur tout le corps. Les recherches en psychologie cognitive ont permis d’identifier deux types de perception tactile : la perception cutanée et la perception haptique (Hatwell, Streri, & Gentaz, 2000).

La perception cutanée

La perception cutanée est associée à un toucher dit « passif » qui résulte de la stimulation d’une partie du corps immobile. Les informations accessibles par la perception cutanée sont assez pauvres et partielles : elles sont uniquement extraites de la déformation mécanique de la peau disponible dans un champ perceptif réduit (Gibson, 1966; Hatwell, 2003a; Katz, 1989; Révész, 1950). Ces informations sont captées par des récepteurs que l’on retrouve dans les différentes couches de la peau. Les recherches ont permis d’en identifier quatre types qui se distinguent du point de vue de leurs propriétés d’adaptation (rapide : récepteurs actifs au début du contact avec le stimulus, lente : récepteurs actifs durant tout le temps de contact avec le stimulus) et de leur champ perceptif (Johnson & Hsiao, 1992). Sur le plan de la capacité d’adaptation les corpuscules de Meissner et de Pacini sont à adaptation rapide tandis que les récepteurs de Merkel et les corpuscules de Ruffini nécessitent un temps d’adaptation plus lent. Les récepteurs à adaptation rapide codent les dimensions temporelles de la stimulation (début et fin) tandis que les récepteurs à adaptation lente permettent d’extraire des informations de type spatial.  En ce qui concerne le champ récepteur, il est réduit et délimité pour les corpuscules de Meissner et les récepteurs de Merkel et plus large et flou pour les corpuscules de Pacini et Ruffini. Parmi ces quatre types de récepteurs, trois auraient un rôle spécifique dansla perception tactile (Johnson & Hsiao, 1992). Les récepteurs de Merkel seraient spécialisés dans le traitement des informations spatiales et de la texture (e.g. pour la lecture du braille) tandis que les corpuscules de Meissner traiteraient principalement le mouvement d’un objet détecté sur la surface de la peau (Blake, Hsiao, & Johnson, 1997). Pour finir, les corpuscules de Pacini traiteraient des propriétés temporelles du stimulus comme les vibrations (Brisben, Hsiao, & Johnson, 1999). Le traitement de la température se fait par des thermorécepteurs qui mesurent les variations de température cutanée (Hensel, 1974). Il en existe deux types : les récepteurs au froid (entre 10 et 35°c) et les récepteurs au chaud (entre 35 et 46°c). En dessous de 10 °C, le froid anesthésie les récepteurs. Au-delà de 46 °C, les neurones nociceptifs (récepteurs à la douleur) prennent le relais. Dans la perception cutanée, le champ perceptif est limité à la zone en contact avec l’objet. Bien que certaines discriminations soient possible avec ce toucher dit « passif », la capacité de perception tactile reste limitée (Gibson, 1966; Katz, 1989; Révész, 1950).

La perception haptique

Pour récolter plus d’informations, des mouvements d’exploration sont nécessaires. En effet, en plus de la déformation mécanique de la peau, ces mouvements permettent de récupérer des informations proprioceptives. La proprioception désigne la perception de la position des différentes parties du corps. Ces informations viennent des muscles, des articulations et des tendons. On parle alors de toucher « actif » ou de perception haptique.  Le terme haptique (du terme anglais haptic, lui-même emprunté au grec) a été introduit pour la première fois en psychologie par Révész (1950) qui met en association des sensations cutanées et proprioceptives. Les régions les plus mobiles et les plus riches en récepteurs sensoriels sont mobilisées pour l’exploration. On observe l’utilisation de la région buccale chez les nourrissons dont le développement moteur est encore fragile mais, peu à peu, l’utilisation du système main-épaule devient dominant (Ruff, Saltarelli, Capozzoli, & Dubiner, 1992) En plus des récepteurs cutanés décrits précédemment, des récepteurs proprioceptifs issus des mouvements d’exploration du système main-épaule sont alors mobilisés. Ces récepteurs sont localisés au niveau des muscles et des tendons (Hatwell et al., 2000). Les récepteurs musculaires sont issus des fuseaux neuromusculaires et récupèrent principalement de l’information sur l’état du muscle (en particulier sa longueur et la vitesse de changement de cette longueur). Les récepteurs situés au niveau des tendons sont appelés les organes tendineux de Golgi. Ils permettent de traiter les informations concernant la tension du muscle et ses variations dans le temps. Les informations extraites par les récepteurs cutanés et proprioceptifs sont transmises au système nerveux central. La contribution respective des informations cutanées et proprioceptives dansla perception haptique n’est pas encore claire. Ilsemble que la contribution de chaque système dépende de la nature de la tâche. Une tâche dans laquelle le stimulus est principalement exploré par la main sur un petit espace (e.g. une forme) impliquerait une contribution équivalente d’informations à la fois cutanées et proprioceptives (Voisin, Lamarre, & Chapman, 2002). Une tâche dans laquelle le stimulus nécessite des mouvements d’explorations plus importants (e.g. une tige) impliquerait une plus grande contribution des informations proprioceptives (Wydoodt, Gentaz, Gaunet, Chêne, & Streri, 2004) . Une tâche qui impliquerait la détection de vibrations nécessiterait une plus grande contribution des informations cutanées. 25 

Les procédures exploratoires

L’utilisation du système haptique implique des processus complexes. Pour appréhender les objets, des mouvements spécifiques doivent être mis en place. Ces mouvements sont caractérisés par la nature et la quantité d’information qu’ils peuvent fournir ainsi que les propriétés pour lesquels ils sont adaptés. Ces mouvements, appelés procédures exploratoires, ont été observés et classifiés par Lederman & Klatzky (1987). Les auteures ont défini six procédures exploratoires distinctes permettant l’accès à différentes propriétés de l’objet (Figure 1). Le mouvement latéral (« lateral motion ») est un mouvement de frottement latéral répétitif le plus souvent utilisé pour percevoir la texture d’un objet. Pour extraire des informations sur la dureté, une pression est appliquée sur la surface d’un objet. Ce mouvement est appelé pression ou « pressure ». Le contact statique (« static contact ») est un contact sans mouvement, utilisé pour déterminer la température de l’objet. Le soupesage (« unsuported holding ») consiste à soulever un objet afin d’extraire des informations sur son poids. L’enveloppement (« enclosure ») implique des mouvements dynamiques de la paume et/ou des doigts sur un objet afin d’extraire des propriétés volumétriques ainsi que des informations sur la forme de l’objet. Enfin, dansla procédure de suivi de contours(« contour following »), un doigt ou plus explorent les contours de l’objet permettant d’extraire des informations spatiales précises concernant sa forme.

Touchers actif et passif

La littérature comparant l’utilisation du toucher passif ou actif est assez divergente (Symmons, Richardson, & Wnillemin, 2004). Selon Klatzky et Lederman (2003), l’emploi et la définition associés aux termes actif et passif se sont révélés variables au fil du temps. De plus, les études portent uniquement sur du matériel bidimensionnel et non sur l’exploration de vrais objets. Selon Symmons et al. (2004), il existe au moins trois dimensions sur lesquelles les études diffèrent. Le mouvement : dans certaines études les chercheurs considèrent que le toucher passif correspond au fait de placer son doigt ou sa main sur un objet fixe sans bouger alors que le toucher actif correspond au fait de bouger son doigt ou sa main sur la surface de l’objet. On compare alors la perception cutanée à la perception haptique. La séquentialité : dans certaines études les auteurs reprennent l’idée d’un toucher passif sans aucun mouvement ni de l’objet ni du participant. Cependant, pour des formes ne pouvant pas être présentées en totalité sous la pulpe du doigt, certains chercheurs proposent de poser l’objet sur la main. Dans la condition active, les participants explorent les contours de la forme avec leur index. Dans la condition passive, la forme globale de l’objet est en contact avec la peau. On compare alors la perception séquentielle à la perception globale. L’intentionnalité : dans certaines études, les auteurs considèrent que le toucher est passif lorsque le doigt du participant est guidé ou que l’objet est déplacé sous le doigt pour explorer la forme. Le toucher est actif lorsque le participant met en place des mouvements d’exploration volontaire. On étude alors l’effet de la mise en place volontaire de mouvements d’exploration sur la perception tactile.

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