La prévision des crues éclair méditerranéennes

Apport des modèles météorologiques de résolution kilométrique pour la prévision des crues rapides méditerranéennes

Modélisation météorologique et hydrologique 

Pour parvenir à prévoir les phénomènes de crue, il faut pouvoir estimer les différents éléments du bilan hydrique (Fig. 1.1). Si les modèles météorologiques peuvent nous fournir la valeur des pluies, les modèles hydrologiques se chargent de la prévision des débits (et donc du ruissellement), mais doivent également être considérés l’évapotranspiration, le stockage de l’eau dans le sol,… Dans ce chapitre, on se propose de passer en revue les types d’outils utilisés pour représenter ces divers termes dans le cadre d’applications hydrologiques uniquement.

 Les précipitations : modèles météorologiques 

Longtemps les hydrologues n’ont travaillé qu’avec des précipitations observées. Le premier instrument permettant de mesurer la pluie étant le pluviomètre, les hydrologues n’avaient accès qu’à des mesures ponctuelles et ont donc dû développer des méthodes de spatialisation des précipitations allant de la simple moyenne sur un bassin versant à des méthodes plus sophistiquées comme le krigeage par exemple (Delhomme, 1978 ; Creutin et al., 1980 ; Lebel et Laborde, 2006 ; etc.). L’arrivée des radars météorologiques a permis d’améliorer considérablement la connaissance de la répartition spatiale des précipitations. La problématique pour les hydrologues étaient alors de corriger les données radar qui, ne fournissant qu’une mesure de réflectivité des pluies dans l’atmosphère, imposent des traitements particuliers pour accéder à la précipitation à la surface. La partie 2.1.2 détaille les incertitudes qui peuvent être liées à ces observations. Concernant l’aspect prévision, les premiers pas ont été faits via des méthodes d’extrapolation permettant de couvrir quelques heures d’échéance. (Extrapolation de lames d’eau radar pour la prévision immédiate, Du Vachat et al., 1995 ; Golding, 1998 ; Pierce et al., 2000) Mais l’anticipation des crues au delà du temps de concentration du bassin versant considéré implique l’utilisation de modèles météorologiques (Melone et al., 2005 ; Claudet et Bouvier, 2005). Les précipitations en surface font partie des variables dites diagnostiques des modèles météorologiques : elles sont déduites des variables dont le modèle décrit explicitement l’évo.Les précipitations : modèles météorologiques Précipitations Evaporation maritime Interception Evaporation sur sol nu Ruissellement en surface Infiltration Condensation Eaux souterraines Atmosphère Océan Surface continentale Lacs Rivière Transpiration Ruissellement de sub-surface FIG. 1.1: Bilan hydrologique sur une surface continentale lution, appelées variables pronostiques. Ces dernières, pour les modèles de grande échelle, sont la pression P, la température T, la densité de l’air ρ, le contenu en vapeur d’eau de l’air q et les composantes du vent horizontal u, v. Les équations utilisées pour simuler l’évolution temporelle de ces variables sont : – les équations de Navier-Stockes reliant la quantité de mouvement, les forces de pression et de Coriolis selon les trois dimensions, – la loi des gaz parfaits reliant pression et température, – l’approximation hydrostatique qui fait l’hypothèse que sur la verticale, la force de gravité est en équilibre avec le bilan des forces de pression, – l’équation de continuité de masse qui relie la variation de la masse dans un volume d’air et sa forme dans le temps, – l’équation de composition qui relie le contenu vapeur d’en eau de l’air et sa variation dans l’espace. L’approximation hydrostatique, implique que la vitesse verticale n’est plus une variable du modèle mais peut être déduite des mouvements horizontaux en tenant compte de la conservation de la masse. Si cette approximation est valable dans une large gamme d’échelle, elle devient bancale à des résolutions de quelques kilomètres. Au traitement numérique des équations primitives (partie dynamique du modèle), vient se greffer la partie dite physique, c’est-à-dire la gestion des bilans en eau, en énergie et en quantité de mouvement à l’intérieur de la maille du modèle. Ces processus physiques entrant en jeu dans l’évolution de l’atmosphère de manière prépondérante sont traités différemment selon la résolution du modèle. Dans un modèle global où la dimension horizontale de la grille est d’une vingtaine de kilomètres, on ne pourra pas représenter explicitement les cellules orageuses. Au contraire dans un modèle à quelques kilomètres de résolution, ce même nuage sera résolu par les équations pronostiques du modèle. Les processus physiques ne pouvant être explicités dans un modèle sont dits « sous maille ». On utilise une paramétrisation, Chapitre1. Modélisation météorologique et hydrologique 13 c’est-à-dire un schéma empirique ou une équation descriptive, pour les décrire. En outre, la complexité des interactions dans l’atmosphère est telle que des approximations sont indispensables. On peut classifier ces modèles de prévision météorologique par le domaine qu’ils couvrent et leur résolution spatio-temporelle. Les modèles globaux, couvrant l’intégralité du globe, comme ARPEGE (Courtier et Geleyn, 1988) de Météo-France, IFS (Integrated Forecasting system) du CEPMMT (Centre Européen de Prévision Météorologique à Moyen Terme), le GFS (Global Forecast System) du NCEP (National Center of Environmental Prediction) de la NOAA, atteignent actuellement des résolutions de l’ordre de la quinzaine de kilomètres. D’autres modèles sont dits à aire limitée (ALADIN (Bubnova et al., 1993), COSMO, http://www.cosmo-model.org//) et peuvent atteindre des résolutions d’un peu moins de 10 km. Les modèles de résolution encore plus forte étaient jusqu’à peu dédiés à la recherche uniquement car les temps de calcul étaient trop longs pour les besoins opérationnels. Depuis quelques années avec l’augmentation de la puissance de calcul, sont apparus en opérationnel des modèles non-hydrostatiques, de résolution horizontale de quelques kilomètres : MM5 (Dudhia, 1993), AROME (Seity et al., 2010), WRF (Weather Research and Forecasting issu d’un partenariat entre le National Center for Atmospheric Research (NCAR) et le NCEP) entre autres. Ces modèles ont aussi une meilleure représentation du cycle de l’eau et des précipitations en particulier. Différentes variables pronostiques microphysiques sont utilisées : la vapeur, les hydrométéores de petite taille dit « nuageux » (quasi non précipitants), les hydrométéores plus gros et précipitants. Le modèle décrit les différentes transformations de l’eau dans le nuage telles que la condensation (resp. liquéfaction) ou l’évaporation (resp. sublimation) entre vapeur et hydrométéores nuageux liquides (resp. solides), ainsi que les processus d’évolution d’une classe d’hydrométéores à une autre (autoconversion, agrégation, givrage, …). 1.2 L’évapotranspiration et le stockage : schémas de surface Les composantes évapotranspiration et stockage d’eau dans le sol sont à l’interface entre l’atmosphère et la surface du sol ou la végétation. Dans les modèles atmosphériques, ces éléments sont essentiels car ils font partie des conditions aux limites. Ils sont traités par une composante appelée schéma de surface, en anglais LSM (Land Surface Model). Historiquement, ils ont été développés pour des modèles météorologiques de circulation générale donc à des résolutions spatio-temporelles lâches, souvent adaptés à des simulations climatiques (Decharme et al., 2006). Dans les premiers LSM, les paramètres de surface comme la rugosité, l’albédo,… étaient prescrits et uniformes et l’évaporation traitée via une résistance aérodynamique. La végétation a ensuite été introduite et on parle alors de SVAT (Soil Végétation Atmosphere Transfer). L’objectif de ces schémas est de résoudre les bilans énergétique et hydrologique sur des colonnes de sol. Ce dernier est en général discrétisé en couches plus ou moins nombreuses. Certains processus sont traités par des paramétrisations sous maille. On peut citer par exemple BATS (Biosphere-Atmosphere Transfer Scheme ; Dickinson et al., 1986), SiB (Simple Biopshere ; Sellers et al., 1986), SiSPAT (Simple Spoil Plant Atmosphere Transfer ; Braud et al., 1995), CLASS (Canadian Land Surface Scheme ; Verseghy, 2000) ou 14  Les écoulements : modèles hydrologiques DHSVM (Distributed Hydrology Soil Vegetation Model ; Wigmosta et al., 2000). Le schéma de surface ISBA (Interaction Sol-Biosphère-Atmosphère ; Noilhan et Planton, 1989), décrit dans le chapitre 3, fait partie de cette catégorie. Actuellement, ces schémas de surface sont intégrés à des modèles à résolution spatiotemporelle plus fine. Suivant les modèles, de nouveaux processus sont pris en compte : le cycle du carbone (pour la végétation) comme dans ISBA-A-GS (Calvet et al., 1998) ou encore le changement de phase de l’eau (Boone et al., 2000) et le transport de l’eau dans le sol (pour le cycle hydrologique). 

 Les écoulements : modèles hydrologiques 

On ne traite ici que des modèles servant à la simulation des débits des rivières à partir de précipitations, également appelés modèles « pluie-débit » (en anglais modèles RR pour rainfall-runoff). Il existe également des modèles hydrauliques qui déduisent le débit à l’exutoire d’un bassin à partir des débits observés plus en amont, ainsi que des modèles dédiés à la prévision des inondations des terres par les rivières. On peut classer les modèles hydrologiques selon différents critères. Un premier critère est la prise en compte ou non de la physique des phénomènes (Marchandise, 2007). – Les modèles dits empiriques, basés sur l’analyse statistique, ne prennent pas en compte les processus physiques. Ils se basent sur de longues séries de données pour obtenir une relation pluie-débit à l’échelle d’un bassin versant. On peut y classer les modèles GR (Génie Rural ; Edijatno et Michel, 1989 ; Makhlouf, 1994), les modèles régressifs, les réseaux de neurones (Hsu et al., 1995) ou encore le modèle SCS (Soil Conservation Service) de l’USDA (US Department of Agriculture). – Les modèles conceptuels reposent sur une certaine conception du cycle hydrologique (comme leur nom l’indique). Les paramètres utilisés y ont un sens physique représentant les variations propres à un phénomène. Généralement, ils décomposent le cycle hydrologique en réservoirs, telles que précipitation, fusion de la neige, infiltration, évaporation, écoulement superficiel, stockage, etc. (Nash, 1959 ; Michel, 1983 ) – Les modèles à base physique modélisent les lois régissant la mécanique des fluides ou les écoulements de l’eau dans le sol. Ces modèles à base physique sont en général construits en deux parties : une fonction de production du ruissellement qui prévoit la part de la pluie qui va contribuer au débit de la rivière et une fonction de transfert (ou routage) qui conduit l’eau ruisselée jusqu’à la rivière. Selon le bassin versant étudié, les modèles hydrologiques ne représentent qu’un type de phénomène de ruissellement. – Le ruissellement de type Dunne est majoritaire pour les modèles représentant une nappe contributive (famille TOPMODEL). – Le processus hortonien est privilégié par d’autres modèles comme MARINE (Modélisation de l’Anticipation du Ruissellement et des Inondations pour des évéNements Extrêmes ; Estupina-Borrell et al., 2006) ou comme la fonction de production du système ALHTAIR (ALarme Hydrologique Territoriale Automatisée par Indicateur de Risque ; Ayral et al., 2005). Ces différentes fonctions de productions peuvent coexister comme dans le modèle hydrologique MERCEDES (Maillage Elémentaire Régulier Carré pour l’Etude Des Ecoulements Superficiels) (Bouvier et al., 1994) implémenté sur la plateforme ATHYS (ATelier Hydrologique Spatialisé, http://www.athys-soft.org). Un autre critère de classement concerne la description spatiale des bassins versants considérés (Beven, 2001). – Les modèles globaux cherchent à reproduire le comportement du bassin versant dans son ensemble et donc manipulent des valeurs moyennées sur le bassin versant (pluie, ruissellement,…). Ils ont l’avantage de leur simplicité et donc de leur généralité d’application. – Par opposition, d’autres modèles sont distribués : le bassin versant est discrétisé en plusieurs éléments. Ces éléments peuvent être de type sous-bassins versants, de type mailles d’une grille régulière (à l’image de la maille des modèles météorologiques) ou de type mailles irrégulières quand elles respectent, par exemple, les contours topographiques. Ces modèles distribués sont souvent basés sur des Systèmes d’Informations Géographiques (SIG) qui leur fournissent les informations topographiques, pédologiques, d’occupation du sol, etc. Les intensités pluvieuses et les autres forçages météorologiques sont également prescrits sur ces éléments. En ce qui concerne l’échelle de prescription des états initiaux des sols, l’échelle de résolution des équations et celle de spécifications de leurs paramètres, on distingue deux types de modèles distribués : – les modèles distribués maillés où la maille est l’échelle où sont résolues les équations de conservation des bilans. Un ensemble d’équations supplémentaire est nécessaire pour permettre de relier numériquement les mailles les unes aux autres pour la résolution des bilans. Ces modèles sont les plus proches de l’approche réductionniste. Ils sont en général couteux en temps de calcul. – les modèles distribués non maillés où certaines mailles sont regroupées selon différentes approches. La famille des TOPMODELs utilisée dans cette thèse fait partie de ces modèles. Certaines mailles dont le contenu en eau de sub-surface sera le même à tout moment (selon les hypothèses du modèle) sont regroupées d’un point de vue numérique : une seule résolution des équations est alors suffisante pour l’ensemble de ces mailles regroupées. Les indices permettant de décider du regroupement d’une maille avec une autre sont nommés « indices de similarité hydrologique ». Leur définition est plus ou moins complexe selon les simplifications effectuées par le modèle. Ces modèles sont en général très efficaces en temps de calcul. 

Les couplages hydrométéorologiques 

Les différents outils de modélisation abordés dans ce chapitre traitent une partie du cycle hydrologique. Les progrès dont chaque type de modèle a bénéficié ont été possibles à la fois grâce à une compréhension accrue des processus en jeu et à des puissances de calcul toujours augmentées. Mais qu’en-est il des interfaces entre ces différents outils ? Entre modèle météorologique et schéma de surface, le couplage est assez naturel (Avissar, 1995 ; Entekhabi et al., 1996) vu qu’un LSM modélise les interactions atmosphère/sol/végétation qui sont déterminantes pour la connaissance des flux d’eau et d’énergie dans la couche limite atmosphérique.

 Couplages entre modèles météorologiques et hydrologiques

 Un des premiers problèmes dans ce domaine est celui des échelles spatio-temporelles traitées par les différents modèles. La taille des bassins versants que l’on souhaite étudier en plus de conditionner le choix du modèle hydrologique, contraint les caractéristiques du modèle météorologique. Les rapports d’échelle hydrologique vs météorologique (Fig. 3) sont à prendre en considération. Pour la simulation de crues rapides, la majorité des modèles hydrologiques sont des modèles spatialisés qui donnent des résultats d’autant meilleurs que la connaissance de la répartition spatiale de la pluie est connue finement. C’est pour cela que l’utilisation de modèles météorologiques a été longtemps freinée par la résolution spatiale de ces derniers, beaucoup trop lâche pour des modèles hydrologiques dédiés à la prévision de crues rapides (Dance et Zou, 2010). En effet longtemps, les modèles opérationnels de prévision du temps étaient soit des modèles globaux de résolution horizontale entre 20 et 50 km soit des modèles à aire limitée de mailles de l’ordre de 10 km. En outre, l’horizon de prévision des modèles météorologiques (surtout ceux opérationnels) étaient trop tardif pour une application dédiée aux crues rapides nécessitant une prévision à 2 ou 3 heures d’échéance au minimum. Ces modèles de grande échelle sous-estiment également les cumuls de précipitation extrêmes. Des techniques de désagrégation ou de descente en échelle statistiques, ont été ainsi mises en œuvre pour obtenir des champs de pluie exploitables par les modèles hydrologiques (voir le paragraphe 2.2). Les premiers essais d’utilisation plus directe de pluies prévues par des modèles météorologiques n’ont pu se faire qu’avec des modèles atmosphériques de recherche à maille fine (Benoit et al., 2003 ; Jasper et Kaufmann, 2003 ; Ludwig et al., 2003 ; Chancibault et al., 2006a). La nouvelle génération de modèles atmosphériques, devenus opérationnels dans le temps de cette thèse, propose une résolution horizontale de 1 à 3 km (COSMO-2km à MeteoSwiss (Doms et Schâttler, 1999), AROME à Météo-France (Seity et al., 2010), Unified Model du Met Office à 1km). Les prévisions de précipitation ont des caractéristiques, tant en intensité qu’en structure, comparables aux lames d’eau radar et leur utilisation en entrée directe d’un modèle hydrologique devient donc possible. La notion de couplage peut être différente selon les auteurs. Une première approche est ce que l’on appelle couplage  » 1W  » pour  » one-way « . Il s’agit en réalité d’utiliser les sorties directes d’un modèle météorologique en entrée d’un modèle hydrologique comme cela a été fait par Benoit et al. (2003), Jasper et Kaufmann (2003), Ludwig et al. (2003), Chancibault et al. (2006a) entre autres. On est donc plutôt en mode  » forçage  » et il n’y a pas de rétroaction sur le modèle atmosphérique. Pour réaliser des couplages  » 2W  » ou  » two-ways « , l’intermédiaire naturel est la composante SVAT du modèle météorologique. Aussi trouve-t-on de nombreux couplages entre schémas de surface et modèle hydrologique, nous nous y attarderons plus loin. Mais peu d’études (Walko et al., 2000 ; Seuffert et al., 2002) parviennent à l’étape de la rétroaction sur l’atmosphère et donc à un couplage complet. 

 Couplages SVAT/modèles hydrologiques 

Un premier mode de couplage consiste simplement à utiliser le ruissellement produit par le schéma de surface et à le transférer à l’exutoire d’un bassin versant : c’est alors unique- Chapitre1. Modélisation météorologique et hydrologique 17 ment la fonction de transfert hydrologique qui est utilisée. C’est le cas dans des applications comme : – SIM (SAFRAN-ISBA-MODCOU, Habets et al., 2008) où le schéma de surface ISBA produit des flux de ruissellement de surface et de drainage du sol profond qui sont transférés vers le modèle hydrogéologique MODCOU qui calcule le transfert de l’eau vers la rivière et dans la rivière. – VIC (Variable Infiltration Capacity) de l’université de Washington où les flux produits par le schéma de surface de Liang (1994) sont routés via un module de transfert de Lohmann et al. (1996). – LISFLOOD du Joint Research Center est distribué sur l’Europe à une résolution horizontale de 5 km. Il comprend un schéma de surface simulant le cycle de l’eau, ainsi qu’un modèle hydrologique utilisant les équations de l’onde cinématique. Il est notamment utilisé dans le cadre du système européen d’alerte des crues EFAS (European Flood Alert System, Thielen et al. (2007), http://natural-hazards.jrc.it/). – MESH (Modélisation Environnementale Communautaire – Surface et Hydrologie) d’Environnement Canada (Pietroniro et al., 2007) permet de coupler un LSM de type force-restore, ISBA ou CLASS (Verseghy, 2000) avec un modèle hydrologique WATFLOOD (Kouwen et al., 1993). Il existe aussi des plateformes de modélisation qui permettent de coupler des modules représentant des processus relevant des SVATs à des modules hydrologiques. Dans le cas des crues méditerranéennes, la plateforme LIQUID (Viallet et al., 2006) permet, entre autres, de prendre en compte l’hétérogénéité des hydrosystèmes pour la prévision des débits et des différents termes du bilan hydrique (Dehotin et Braud, 2008). Une autre méthode est d’introduire dans le schéma de surface une production de ruissellement basée sur une modélisation hydrologique (Warrach et al., 2002, Stieglitz et al., 2005, Koster et al., 2000, Ducharne et al., 2000). De nombreuses études tentent de prendre en compte la variabilité du ruissellement en fonction de la topographie par des approches type TOPMODEL (Famiglietti et Wood, 1994a avec TOPLATS ; Beven et Quinn, 1997 avec TOPUP ; Chen et Kumar, 2001 ; Niu et Yang, 2003 ; etc). Plusieurs études ont concerné le schéma de surface ISBA et TOPMODEL (Habets et Saulnier, 2001 ; Decharme et Douville, 2006) pour des études sur la composante lente du cycle hydrologique. L’apport d’une paramétrisation de type TOPMODEL pour le ruissellement sous maille a été ainsi évalué. Une problématique pour ces couplages est la différence entre la grille régulière des schémas de surface (héritée des modèles atmosphériques) et l’approche en bassin versant des modèles hydrologiques. De ces structures différentes découle une variable « eau » différente : les SVAT fonctionnent en général à partir de contenus volumiques en eau des sols alors qu’un modèle hydrologique comme TOPMODEL utilise des déficits par rapport à l’état saturé. Les différents couplages développés par le passé ne concernent pas forcément des échelles spatio-temporelles fines appropriées aux crues rapides. Une première étude exploratoire a été menées par Pellenq (2002) et Pellenq et al. (2003) couplant le schéma ISBA à TOPMODEL à ces échelles. Les limites identifiées dans cette étude ont permis de concevoir une nouvelle version du couplage entre ISBA et TOPMODEL pour la prévi-sion des crues rapides méditerranéennes au sein d’une collaboration entre le CNRM et le LTHE. La version la plus aboutie de ce système est présentée plus amplement dans la partie II. Finalement, il est possible d’enchaîner les différents modèles pour réaliser une prévision hydrométéorologique. Mais aussi performants soient-ils, les modèles seront toujours entachés d’erreurs. Qu’en est-il de l’incertitude aux différents niveaux de cette chaîne ? Chapitre 2 Les incertitudes dans la prévision des crues rapides. La figure 2.1 présente de manière schématique les différents éléments d’une chaîne hydrométéorologique. Des erreurs affectent les différents maillons de cette chaîne si bien que la prévision des débits est affectée par une cascade d’incertitudes qui se cumulent au fur et à mesure de leur propagation dans la chaîne. Dans ce chapitre, on se propose de détailler ces différentes sources d’incertitude. 

 Incertitudes sur les pluies observées

 D’abord les champs de précipitations utilisés pour forcer tout modèle hydrologique sont entachés d’erreurs et ce, qu’ils proviennent d’un modèle atmosphérique ou d’un moyen d’observation. 

 Les données de pluies mesurées par pluviomètre 

Les pluies relevées par les pluviomètres sont souvent considérées comme étant la référence en matière de données pluviométriques. Leur acquisition peut se faire en temps réel (en général pour les réseaux de mesures opérationnels) ou différé. Mais la mesure issue d’un pluviomètre n’est pas parfaite (pluviomètre bouché, vent fort au moment de la mesure,…). Ces problèmes peuvent être fortement réduits d’abord par une bonne maintenance du réseau d’observation (à la fois préventive et curative) et par des processus de contrôles de qualité élaborés. Aussi, le « Guide des instruments et des observations météorologiques » de l’OMM recommande de traiter les données brutes a posteriori via des procédures de contrôle tels des filtres sur les données aberrantes, des contrôles de cohérence spatio-temporelle, une estimation humaine en cas de perte de la donnée ou de doute sur sa qualité. Les données de pluviomètres peuvent également être vérifiées par comparaison avec d’autres sources de données (sorties de modèles à courte échéance, données radar,…). Ces techniques peuvent s’avérer utiles compte tenu de la forte variabilité spatiale des précipitations. A l’issue de ces différents contrôles, on obtient des estimations quantitatives généralement fiables mais ponctuelles. Pour des applications hydrologiques, la simple estimation de la quantité moyenne de précipitations sur un bassin versant peut déjà être un problème compte tenu de la densité de ces réseaux pluviométriques (Sevruk, 1996).  FIG. 2.1: Schéma d’une chaîne hydrométéorologique. Les champs observés sont figurés par des ellipses, les systèmes de modélisation par des rectangles, les champs de sortie par des trapèzes. Les courbes de gauss situent les diverses sources d’incertitudes. nombreuses applications nécessitent des champs de précipitation spatialisés sur le bassin. Une condition nécessaire est alors de disposer d’un réseau de mesures suffisamment dense pour traduire la variabilité spatiale de la pluie. Il est souvent difficile d’accéder à une densité adéquate surtout en zone montagneuse. Des méthodes mathématiques de spatialisation doivent ensuite être appliquées. Il en existe de nombreuses, plus ou moins évoluées (krigeage, AURELHY(Analyse Utilisant le RElief pour l’HYdrométéorologie) (Benichou et Le Breton, 1986), etc.). Mais elles permettent rarement d’obtenir des champs capables de représenter les forts gradients de précipitation caractéristiques des systèmes convectifs. De plus, elles introduisent une nouvelle source d’incertitude. Aussi, des travaux de génération d’ensembles basés sur des données de pluviomètres krigées font leur apparition pour tenir compte de l’incertitude (Moulin et al., 2009).

Table des matières

Introduction générale
I La prévision des crues éclair méditerranéennes
1 Modélisation météorologique et hydrologique
1.1 Les précipitations : modèles météorologiques
1.2 L’évapotranspiration et le stockage : schémas de surface
1.3 Les écoulements : modèles hydrologiques
1.4 Les couplages hydrométéorologiques
1.4.1 Couplages entre modèles météorologiques et hydrologiques
1.4.2 Couplages SVAT/modèles hydrologiques
2 Les incertitudes dans la prévision des crues rapides
2.1 Incertitudes sur les pluies observées
2.1.1 Les données de pluies mesurées par pluviomètre
2.1.2 Les données radar
2.1.3 Les données satellitaires
2.2 Incertitudes sur les pluies prévues
2.3 Incertitudes sur les conditions initiales d’humidité des sols
2.3.1 Mesures d’humidité des sols
2.3.2 Humidité des sols simulée et analyse d’humidité du sol
2.4 Incertitudes de la modélisation hydrologique .
2.4.1 Etalonnage des modèles hydrologiques
2.4.2 Equifinalité et estimation des incertitudes en prévision hydrologique
2.5 Prévisions d’ensemble hydrologiques
II Le système couplé ISBA/TOPMODEL
3 Le modèle de surface ISBA
3.1 La plateforme SURFEX
3.2 Principe général d’ISBA
3.2.1 Variables nécessaires au forçage et variables pronostiques
3.2.2 Caractéristiques physiographiques
3.3 Bilan d’énergie
3.4 Bilan en eau
3.4.1 Précipitations efficaces et interception
3.4.2 Evolution du contenu en eau liquide du sol
3.4.3 Evapotranspiration
3.4.4 Drainage
3.4.5 Ruissellement de surface
3.5 Version avec profil exponentiel de conductivité hydraulique à saturation
3.6 La chaîne SIM
4 Le modèle hydrologique TOPMODEL
4.1 Principe général
4.2 Fonction de production
4.3 Fonction de transfert
4.4 Version adaptée au contexte de l’hydrologie des régions méditerranéennes
5 Description du couplage
5.1 Adaptation de la redistribution latérale TOPMODEL .
5.2 Génération des écoulements
5.3 Fonction de transfert
5.4 Domaine ISBA et bassins versants
5.5 Calibration d’ISBA-TOPMODEL
5.5.1 De la nécessité de calibrer ISBA-TOPMODEL
5.5.2 Méthode utilisée pour l’étalonnage
5.6 Principales conclusions de l’évaluation
6 Apport du couplage
III Couplage à la prévision atmosphérique à l’échelle convective
7 Les modèles météorologiques Méso-NH et AROME
7.1 Le modèle Méso-NH
7.2 Le modèle AROME
8 Evaluation de simulations atmosphériques à haute résolution (projet PREVIEW)
9 Evaluation d’un système de prévision numérique du temps à l’échelle convective
9.1 Description des cas de crues survenues à l’automne   dans les Cévennes
9.2 Configuration de l’expérimentation
9.3 Evaluation pour le cas d’octobre
9.3.1 Simulations à partir des pluies observées
9.3.2 Simulations à partir des prévisions AROME
9.3.3 Utilisation d’autres réseaux AROME
9.4 Evaluation pour le cas de novembre 08
9.4.1 Simulations à partir des pluies observées
9.4.2 Simulations à partir des prévisions AROME
9.4.3 Utilisations d’autres réseaux AROME
9.5 Conclusions
IV Vers une prévision d’ensemble des crues rapides
Utilisation d’une prévision météorologique d’ensemble à l’échelle convective
.1 La Prévision d’Ensemble ARPEGE
.2 Les ensembles de prévision atmosphérique à l’échelle convective
.3 Evaluation des lames d’eau sur les bassins cévenols
.4 Réponses hydrologiques
.4.1 Evaluation qualitative
.4.2 Evaluation objective
.4.3 Conclusion
Une climatologie des erreurs de prévision des pluies par AROME
.1 Méthode d’évaluation
.2 Résultats de l’évaluation
.3 Conclusions
Introduction de perturbations dans les champs de pluie prévus pour générer une prévision d’ensemble des débits
.1 Résumé de l’article à soumettre à NHESS
.2 Résultats complémentaires et sensibilité
.2.1 Evaluation des champs de pluie PERT-RAIN
.2.2 Evaluation objective des débits
Conclusions et perspectives
Références
A Vérification des prévisions
A.1 Comment comparer observations et prévisions ?
A.2 Vérification de prévisions déterministes
A.2.1 Statistiques continus
A.2.2 Scores catégoriels
A.3 Vérification de prévisions d’ensemble
A.3.1 Moyenne et dispersion
A.3.2 Statistiques probabilistes
A.3.3 Représentations graphiques
B Couplage du schéma de surface ISBA et du modèle hydrologique TOPMODEL
pour la prévision des crues-éclairs méditerranéennes : description, étalonnage et validation
C Champs de pluies issus des prévisions d’ensemble à l’échelle convective
D Liste des variables
E Glossaire

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