LA RENAISSANCE DU SUBJONCTIF

LA RENAISSANCE DU SUBJONCTIF

Origine L’étymologie de bi- est obscure

A notre connaissance c’est Freiman1021 qui a le plus approfondi ce point. Il a cherché les origines possibles de bi-, mais aucune ne lui a paru convenir. On ne peut l’apparenter à bē, « sans », puisque cette préposition existe aussi sous une forme plus ancienne abē (encore employée en judéo-persan). Freiman écarte aussi tout rapprochement avec l’avestique bōit (particule employée comme réponse à des questions ou pour l’emphase1022), ainsi qu’une quelconque parenté avec la racine indo-européenne *bhū-, « être », « devenir » 1023 . En moyen perse, alors qu’il est toujours noté par l’araméogramme BR’, bē recouvre différentes natures et différents emplois1024. Il s’agit en réalité de trois morphèmes homonymes. L’un est la conjonction adversative « mais », un deuxième est une préposition de sens directionnel, « vers ». Ces deux mots existent encore en judéo- persan1025 et dans le Qor’ān-e Qods1026. C’est le troisième morphème qui nous intéresse ici : le préverbe bē, présent dès les inscriptions moyen-perses1027. Mais bē n’est pas un préfixe1028. Le préverbe bē fonctionne comme les autres préverbes, même s’il est plus fréquent qu’eux1029. Comme eux, il exclut les autres préverbes1030. Il est employé avec divers temps et divers modes1031 . Le préverbe bē porte deux valeurs distinctes. Dans des emplois, notamment avec les verbes de déplacement, il garde son sens premier de « hors de » 1032, sens que l’on retrouve dans son composé bērōn, « dehors » (bērūn en persan). La seconde valeur n’est pas clairement définie. Certains pensent que ce préverbe marque l’achèvement d’un procès1033, mais sans pour autant le qualifier de perfectif1034. D’autres suggèrent qu’il sert à mettre en valeur le verbe1035. D’autres enfin admettent les deux valeurs1036. Aucune hypothèse n’est réellement satisfaisante : lorsqu’on croit y voir un marquage de l’accomplissement d’une action unique, on s’aperçoit qu’on rencontre le préverbe également dans des phrases où l’action est habituelle1037. Pour sortir de cette impasse, ne devrait-on pas envisager que la valeur de bē ait connu une évolution ? Il est alors tout à fait possible que bē ait d’abord marqué l’achèvement d’une action. Puis, étant donné que marquer une action comme complètement effectuée insiste par là même sur ladite action, le morphème aurait pu tendre à insister sur toute action d’un verbe marqué, qu’elle soit achevée ou non1038 .

 

Forme 

Prononciations

Certains de nos textes, HM et TE, présentent des vocalisations du morphème bi-. Dans HM, toutes les vocalisations notent des allomorphes de bi- : avec un zamme pour un /u/ dans 41 occurrences, et avec un fathe (/a/) dans 2. Seule une occurrence1040 est notée par un kasre (/i/), c’est-à-dire avec le phonème attendu : bimu r’na d, « il fait mourir » (HM 194, 10). Si le copiste a jugé bon de le noter ici, est-ce parce que l’environnement vocalique pouvait laisser penser à l’allomorphe bu- ? On pourrait le croire en voyant le zamme (/u/) qui suit et qui aurait pu colorer la voyelle de bi- en bu-. Cependant lorsqu’on regarde les exemples de vocalisation en /u/, on constate que les voyelles qui suivent ce busont très diverses, et il est difficile de justifier que toutes aient pu avoir une influence sur notre morphème. Ainsi le /ā/ de bubāyad, « il faut » (HM 26, 5 et 136, 5), peut expliquer le /u/ de l’allomorphe. Mais que dire alors de ce même bu- dans bubīnad, « il voit » (HM 125, 16 et 126, 5), ou de bumīrad, « il meurt » (HM 194, 7), où le /ī/ de la syllabe suivante ne peut expliquer que bi- devienne bu1041 ? A cela, si l’on ajoute tous les exemples de Lazard1042, pour /bu/ comme pour /ba/, il semblerait qu’il n’y ait pas de loi précise réglant la présence de ces allomorphes. On ne s’étonnera donc pas de trouver dans la même page deux vocalisations différentes avec le verbe māndan, « rester » : bamānad (HM 175, 6) et bumānad (HM 175, 15). On peut rapprocher ces flottements de ceux que l’on repère dans le timbre des voyelles d’anaptyxe, que ce même texte HM présente en grand nombre1043 . Dans TE, le morphème est vocalisé à 7 reprises (6 dans TE1 , 1 dans TE2 ) ; 4 apparaissent dans une traduction de l’hébreu dont 1 dans le second dialecte (TE2 188, 22). Cette vocalisation se fait toujours avec un ḥirik : bi y. Que le morphème soit écrit avec un yod pourrait laisser penser qu’il est à lire bī. Néanmoins, comme il apparaît uniquement avec un bet, accompagné d’un ḥirik en TE1 140, 14 (w-b i rwbnwm, « et je balaie »), on peut supposer que le morphème est à lire bi- en judéo-persan également1044. Le yod final serait seulement dû au simple usage qu’on a de l’écrire détaché du verbe, et non à l’indication d’une voyelle longue. En outre, on peut mettre la notation du yod sur le compte d’un phénomène de mater lectionis1045. Ce serait en effet le cas dans JP1 où, bien que le morphème soit toujours écrit attaché, il est noté avec yod (ou vāv pour une occurrence). 

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