L’amélioration des garanties du contribuable dans la phase de réclamation administrative préalable

Contentieux du recouvrement: comment sortir enfin du labyrinthe?

L’AMELIORATION SENSIBLE DES DROITS ET GARANTIES DU CONTRIBUABLE

Comme l’avait relevé en son temps Victor Haïm, le contribuable apparaît souvent, en matière de contentieux du recouvrement « sinon accessoire, du moins importun »2. Les textes sont particulièrement sévères et il a fallut que la jurisprudence fasse œuvre créatrice pour accorder au contribuable les garanties indispensables dont il bénéficie aujourd’hui. Cette construction continue à présent dans le sens d’un rapprochement certain avec le régime contentieux applicable au contentieux de l’assiette de l’impôt. Cette tendance s’observe aussi bien dans la phase de réclamation administrative préalable (A) que dans la phase juridictionnelle (B).

L’amélioration des garanties du contribuable dans la phase de réclamation administrative préalable

Par deux arrêts de 2012, la Cour de cassation et le Conseil d’état ont permis d’étendre au contentieux du recouvrement le bénéfice de droits et garanties propre au contentieux administratif (1) et au contentieux de l’assiette de l’impôt (2).

L’opposabilité des délais de recours : l’application d’un principe général du contentieux administratif

Les délais de recours en matière de contentieux du recouvrement sont particulièrement sévères : les demandes doivent être présentées dans les deux mois suivant la notification de l’acte de poursuite servant de fondement à la contestation ; l’administration dispose ensuite de deux mois pour statuer sur cette demande et si la réponse implicite ou explicite de cette dernière ne donne pas satisfaction au contribuable, il dispose pour saisir le juge d’un nouveau délai de deux mois à partir soit de la notification de la décision du chef de service soit de l’expiration du délai de deux mois accordé à celui-ci pour prendre sa décision.
Passé ce délai, la requête est considérée comme irrecevable, aucun événement n’étant susceptible de le rouvrir. Face à une telle rigueur, justifiée par « l’impérieuse nécessité » de procéder au recouvrement de l’impôt dans les plus brefs délais, il était particulièrement regrettable de constater que l’article 5 du décret de 19833 ne pouvait s’appliquer en l’espèce. Selon ce texte, les délais de recours ne peuvent courir qu’à compter de la transmission à l’auteur de la demande d’un accusé de réception mentionnant les délais et voies de recours contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par l’Administration. Cette garantie de bonne information du contribuable avait en effet été jugée par le Conseil d’Etat comme inapplicable aux contestations formées contre des actes de poursuites au motif que celles-ci ne présentaient pas le caractère de demandes adressées à l’Administration, au sens de l’article 5 du décret4. Cette solution, conforme à la doctrine en vigueur5 réservait l’application de cette garantie aux demandes formulées par les contribuables en vue d’obtenir une décision de l’administration et non aux contestations relatives à des décisions déjà prises par l’administration. Il est vrai que l’article 5 du décret de 1983 était contenu dans un chapitre relatif à la procédure administrative non contentieuse. L’article 9 du même décret relatif à l’opposabilité des délais de recours contentieux ayant été jugé inapplicable au contentieux fiscal, il fallut attendre l’intervention de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et l’affirmation selon laquelle les recours gracieux ou hiérarchiques étaient visés par l’obligation des mentions et voies de recours pour que la situation finisse enfin par évoluer6. C’est la Cour de cassation qui a la première fait application de ce principe général du contentieux administratif dans un avis Deltour c/ Trésorerie principale de Maubeuge ville, considérant en l’espèce que « s’agissant de titres exécutoires émis par l’État pour le recouvrement d’impôts, taxes, redevances visés par l’article L. 281-1 du livre des procédures fiscales, une telle contestation doit, à peine d’irrecevabilité, être précédée d’un recours gracieux devant l’administration fiscale, sous réserve que le redevable ait été informé du délai de recours, de ses modalités et de son destinataire, ainsi que des dispositions de l’article R 281-5 du même livre ».

La détermination de l’autorité administrative compétente : un rapprochement avec les règles applicables en matière de contentieux d’assiette

Outre ces délais particulièrement sévères, le contribuable doit également se confronter à l’identification de l’autorité compétente pour recevoir sa réclamation. Jusqu’au 1er octobre 2011, il devait ainsi adresser sa demande au trésorier-payeur général si le recouvrement de l’impôt en cause incombait à un comptable du Trésor, au directeur des services fiscaux si le recouvrement incombait à un comptable du Trésor ou au directeur régional des douanes et des droits indirects si le recouvrement incombait à un comptable de la direction générale des douanes et des droits indirects. La jurisprudence administrative atténuait cependant les potentiels effets de cette difficulté en estimant que le comptable saisi à tort était redevable d’une obligation de transmission au chef de service territorialement compétent. La jurisprudence judiciaire ne s’était jusqu’à présent jamais prononcé explicitement sur cette question. L’arrêt du 6 novembre 2012 de la chambre commerciale de la Cour de cassation est déjà en cela tout à fait remarquable. Mais il l’est d’autant plus qu’il met à la charge de l’autorité incompétente une double obligation : celle de transmettre la réclamation aux services compétents et celle d’informer le contribuable de cette transmission. La Cour a en effet considéré que lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière doit la transmettre à celle qui est compétente, en avisant l’intéressé de cette transmission. Elle prend également soin de préciser que le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l’autorité initialement saisie. L’intérêt de cet arrêt réside enfin dans le visa utilisé par le juge. La Cour s’est prononcée en l’espèce sur articles L. 281, R.* 281-1 et R.* 281-4 du LPF qui étaient alors en vigueur et qui disposaient que les contestations relatives au recouvrement devaient « être adressées au trésorier-payeur général si le recouvrement incombe à un comptable du Trésor »16. Ces dispositions ont depuis lors évolué, la fusion de la direction générale des impôts et de la direction de la Comptabilité publique au sein de la direction générale des finances publiques ayant entrainé à cet égard une relative simplification de la procédure. Les oppositions aux poursuites relatives au recouvrement qui incombent à un comptable de la direction générale des finances publiques doivent désormais être adressées au « directeur départemental des finances publiques » ou au « responsable du service à compétence nationale ». Le risque d’erreur liée à une identification erronée du service en charge du recouvrement n’est cependant pas totalement exclu et il demeure indispensable que le contribuable puisse bénéficier de cette garantie de transmission. C’est pourquoi il est intéressant de souligner que le juge s’est également référé aux articles R.* 190-2 du LPF et 20 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. Ces deux textes sont en effet complémentaires. L’article R.* 190-2 du LPF dispose que « toute réclamation concernant l’assiette d’une imposition directe, adressée au service du recouvrement, est transmise par celui-ci au service de l’assiette » et que « toute réclamation concernant le recouvrement d’une imposition directe, adressée au service de l’assiette, est transmise par celui-ci au service du recouvrement ». Si cette disposition met également à la charge du service compétent l’obligation d’aviser l’auteur de la réclamation, il demeure limité aux erreurs de destinataires entre les services d’assiette et de recouvrement. L’article 20 de la loi du 12 avril 2000 est à cet égard complémentaire dans la mesure où il prescrit une obligation de portée générale : « lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l’autorité administrative compétente ». Ainsi, la Cour de cassation « confère pour la première fois à ce principe une portée générale transposable aux oppositions émises sous l’empire des textes consécutifs à la fusion des actuelles anciennes direction générale des impôts et direction générale de la comptabilité publique au sein de la direction générale des finances publiques »18. L’arrêt doit au demeurant être salué à double titre : d’une part en ce qu’il permet de rapprocher la jurisprudence de la Cour de cassation de celle du Conseil d’Etat et d’autre part en ce qu’il contribue à rapprocher les garanties procédurales offertes au contribuable dans le cadre d’un contentieux du recouvrement de celles applicables dans le cadre d’un contentieux de l’assiette.

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