Les différents rites islamiques pratiqués aux Comores

LA SOCIETE D’ANJOUAN

Organisation sociale, parenté et âge Les Arabo-Persans vont imposer leur système patrilinéaire, mais tout en acceptant l’inflexion matrilinéaire existante avec la résidence conjugale uxorilocale. La noblesse impose sa loi en accaparant toute la richesse du pays et ne laisse aux autochtones que les lourds travaux. On assiste à l’expropriation des terres qui se soldent par des affrontements. Le temps fort de cet accrochage fut marqué par la bataille du Mlima wa haki qui a permis aux Arabes de vaincre Mufalume Agidawe44 . Par cette victoire les Arabes et les chiraziens se rendirent maîtresdes meilleures terres et imposent par la persuasion ou par la force, ou les deux, le droit foncier musulman45. Ces terres deviennent une propriété féodale selon le droit arabe : « L’organisation politique d’Anjouan est essentiellement aristocratique. La royauté est héréditaire en principe, l’héritier du sultan décédé n’est investi de l’autorité royale qu’après avoir été reconnu et proclamé par les nobles, assemblés en kabar. Ces nobles sont également réunis et consultés toutes les fois qu’il s’agit, pour le gouvernement, de prendre une détermination importante. Au-dessous des nobles Arabes vient la masse du peuple, composée des Antalotes et des Malgaches libres ; au dernier échelon, les esclaves, d’origine africaine ou malgache » (Gevrey A. 1997 : 106, cité par Guy Fontaine). Fontaineparle des arrivées massives de Shiraziens qui coïncident avec le développement assez conséquent du commerce triangulaire (Côte est-Afrique, Inde et le Golfe Persique). A ce stade, l’idéologie sunnite de rite chaféite est mise en place. Ce qui engendre une suprématie de la patrilinéarité sur la matrilinéarité. Un changement radical de la société anjouanaise érige un système de classe qui jette les Wamatsaha et les Warumwa au bas de l’échelle. La haute noblesse contrôle tout : «Partie de shiraz au nord-est d’Ormuz au XIIe siècle,… A cette période correspond un grand développement commercial entre la côte est de l’Afrique, l’Inde et le Golfe Persique. *…+ L’islam sunnite chaféite se met alors en place, ce qui impose la patrilinéarité à la matrilinéarité… La société voit naître un véritable système de classe. Les membres possédants (nobles) dirigent la production, la consommation et l’allocation des ressources, laissent aux classes inférieures le travail des exploitations. En s’appropriant les terres, les shiraziens se mirent à construire des villages importants sur les collines dominant plaines et mangroves. Ces villages à fonction défensive étaient fortifiés par des hauts murs de maçonnerie à l’intérieur vivaient les nobles et leurs esclaves domestiques. Les classes inférieures habitaient les hameaux périphériques… (Fontaine G.1998 : 13- 14-15) Chaque société a sa manière de vivre et d’évoluer à travers les siècles. Cette politique culturelle est ancrée dans les mœurs et coutumes qui, quelque fois, diffèrent d’une île à l’autre. Le système de parenté à Anjouan est caractérisé par la filiation cognatique –on appartient également au groupe familial de son père et de sa mère – et par une résidence conjugale uxorimatrilocale. Le père est tenu de fournir une maison à sa fille s’il le peut lors du mariage de celle-ci. Les parcelles villageoises sont donc transmises de mère en filles, et les terres cultivées plus souvent de père en fils bien que les filles en héritent aussi s’il y en a suffisamment. L’absence de testament entrenaient de nombreux conflits entre fratries autour des héritages paternels surtout. Les mariages suivent une règle d’endogamie de famille et surtout de statut social, un homme de l’élite urbaine kabaila pouvant aller épouser où il veut tandis que celui d’origine rurale mmatsaha n’étant pas accepté dans une famille urbaine. Les enfants de ces couples statutairement mixtes sont reclassés chez leur père s’ils sont élevés auprès de lui, où ils acquièrent l’ethos et l’éducation urbaine permettant leur ingération (Blanchy, 1992, 2016). Il existe à Anjouan un système d’âge qui se manifeste surtout lors du mariage.

Les différents rites islamiques pratiqués aux Comores

Les arrivées successives des migrants aux Comores dès le VIIIe siècle ont apporté des rites animistes l’islam, séparément ou mêlés de diverses manières. L’islam pratiqué aux Comores est sunnite de l’école chaféite. Des sharifs, descendants du Prophètes en ligne masculine,en majorité composés de Bâ ‘Alawî d’Hadramawt, développèrent dès le XVIe siècle des liens commerciaux intenses avec l’archipel de Lamu et s’établirent à partir de la fin de ce siècle aux Comores : ils ont formé l’essentiel du groupe des makabaila d’Anjouan. Plusieurs confréries se sont implantées dans l’archipel à des dates différentes. Le plus ancien d’entre eux fut le qadiri ou Kadri, introduit peut être vers la fin du XVIIIe siècle. Une autre confrérie, la plus importante actuellement embrassée par plusieurs adeptes à travers l’archipel fut le shadhuli ou Shadhuli ElYashurutwi (de la branche de yashurutwi), introduite elle aussi au niveau de l’archipel vers le milieu du XIXe siècle. Puis on parle aussi de la confrérie Al-Rifâ’iyya fondée aussi en Irak au XIIe siècle introduite à Anjouan par Ahmad Fundi ainsi que la confrérie Alawiyya introduite par le grand mufti de l’époque Bin Sumayt dont son père Said Ahmad ben Sumayt né en 1861, mort en 1925, l’un des Ulama ou Ouléma les plus influents de Zanzibar. Il y a d’autres aussi qui méritent d’être citées notamment la confrérie Dandarawiyya créée en Egypte au XXe siècle, introduite aux  Comores par le mufti décédé en 1990, Said Muhammad Abdùrrahmane et la confrérie Tidjaniyya dont le fief est à Mirontsy – Anjouan. Nous savons que le Zawiya ou zawia porte deux structures : la mosquée où les adeptes font leurs prières obligatoires (cinq fois par jour) et la partie ou les cheikhs sont enterrés. Tandis que les grands maîtres voient leurs tombeaux transformés en une ou plusieurs mausolées et qui deviennent alors des lieux de pèlerinage. Parmi ces grands maitres qui furent les premiers à introduire et à propager la confrérie dans leurs régions où au sein de leur propre ville et village, une fois décédé, ils sont enterrés dans le zawia (mosquée-zawia). Ainsi leurs plus fidèles disciples érigentun mausolée pour eux. Dans beaucoup de villages comoriens, à travers l’archipel tout entier existent des zawiyas : soit Shadhuli, soit Rifai, soit kadri. L’unedes plus importantes confréries implantées aux Comores, la confrérie Shâdhiliyya comme indique certains documents, est née en Tunisie au XIIIe siècle. Divisée en plusieurs branches, celle de Yashrutiyia fut introduite aux Comores vers 1890 par Abdallah Darwech qui, avant de venir s’installer à Ngazidja, il avait rencontré le chef spirituel en Palestine. Le Cheikh Ali Nourdine Al-Yashruti lui donna le feu vert d’aller prêcher « le twarika ». Installé dans son village d’Itsandra Mdjini, Abdallah Darwech enseignait le concept de la confrérie Shâdhiliyya avec succès. Le flambeau a été repris par une autre personne, le Cheikh El-Ma’arùf, de son vrai nom Said Mohamed ben Cheikh Ahmed, qui, à la fin de XIXe siècle arrivait à propager cette twarika de la branche Yashrutiyia. Il est décédé à Moroni en 1904 et fut enterré dans la zawiya qu’il a construite lui-même : D’autres confréries ont vu le jour aux Comores. Il s’agit de la Qadriyya qui a été fondée avant la Shadhuliyya probablement en Irak et qui est implantée en Grande Comore, Domoni et Ouani à Anjouan. Introduite aux Comores par Cheikh Mohamed Ahmed, mort en 1930 aux Comores. Said Ben Cheikh El Maaruf s’affilia à la confrérie Qadiriya à Zanzibar avant d’embrasser la confrérie shadhili. Cette confrérie trouve son écho à Domoni et à Ngazidja. La confrérie Qadriyya a vu le jour au XIIe, un siècle avant la confrérie shadhili en Irak.

L’éducation religieuse à Anjouan

Deux concepts avaient évoluéparallèlement à Anjouan. Les parents qui refusaient d’envoyer leurs enfants, surtout les filles, à l’école et ceux qui avaient opté d’envoyer leurs enfants à l’école des blancs. Les premiers qui avaient jugé l’école des blancs comme un lieu de débauche, ont envoyé leurs enfants à étudier le Kurani (le Coran) dans les « Mavashiyo » ou « Bangalasho » (Litt. Hangar du livre / l’école coranique).

Les écoles coraniques

L’enseignement coranique fut introduit par les migrants arabo-musulmans aux Comores. Cet enseignement était confisqué par la haute noblesse qui le transmet à leurs propres progénitures. Dans son article, Said Mahamoudou déduit que ce sont les migrants arabo-musulmans qui avaient introduit « le Banga lashiyo », c’est-à-dire l’école coranique, lieu où les parents envoyaient leurs enfants pour apprendre l’Arabe et l’islam (Said Mahamoudou Ya Mkobe 6-7, 2000 : 65) Mais durant la colonisation, les Banga la shiyo (écolescoraniques)ont vule jour timidement, financées par des privés. Après l’indépendance, cet enseignement a pris de l’ampleur dans les collèges et lycées et ont permis une diffusion de l’arabe. Le rapprochement de l’Etat avec le monde arabe, a encore donné un rebond. Ce qui a permis aux étudiants comoriens (toutecatégorie confondue) de partir dans les pays arabes poursuivre leurs études, sachant déjà parler cette langue : l’arabe.

Ecole coranique du temps des sultans

 A travers les grandes villes (Ouani, Domoni, Mutsamudu, Moya), la haute noblesse et les aristocrates contrôlent le savoiret seuls leurs progénitures ont droit à l’apprentissage de « l’Ustaânrab ». On peut affirmer, à travers les différents témoignages des navigateurs (1774 et 1784) que toutes les villes de pierre abritent des écoles coraniques connues sous le nom de « Shoni ou Palashiyo/ plu. Mavashiyo ». Mais avant la création de cette structure, tout apprentissage du principe islamique s’est fait à la mosquée et à Mpangahari ou bien à Bangani l’après-midi, par l’imam des mosquées, les cheikhs des confréries. Ce métier n’est pas attribué à n’importe qui, seule la famille (kabila) noble et ceux qui sont considérés comme demi-nobles y ont accès. Pourquoi ce système ? C’est pour conserver « la pureté du sang ». Cette pratique s’observe aussi au niveau du mariage. Telle famille ne peut jamais aller demander la main d’une fille d’une telle famille. Les fils des nobles ont vécu au sein des milieux cultivés. Ces milieux avaient des compétences non seulement religieuses et culturelles mais aussi politiques et économiques : élevés et formés au milieu de personnes ayant certaines qualités et compétences. Ces enfants devaient les acquérir au moins par imprégnation. Il y a là un double effet cumulatif dans l’acquisition de la culture. Les enfants, bénéficiant de l’éducation et de la compétence de leurs parents 47 , conservent et enrichissent tout au long de leur vie, leur capital culturel et assurer la relève (être Cadi, Imam, Naib, Cheikh). Chaque école qui est absolument autonome, s’organisait autour d’un « Fundi », le maître coranique. Celui-ci définit tout seul son programme d’enseignement, arrête les effectifs et fixe toutes les modalités de fonctionnement de son école. Il est modestement rétribué par les familles et vit sur le produit de ses champs dont l’entretien est fait avec l’aide des élèves. L’apprentissage est basé sur la mémoire (le par cœur). Les élèves n’ont pas le droit de traduire.Il n’y a pas à proprement parler d’horaire de calendrier scolaire, ni d’âge limite, ni d’inspecteur venant contrôler si l’enseignement est conforme à ce qui a été décidé dans les hautes sphères. Le seul contrôle est celui des parents. Deviendra maître coranique, celui ou celle qui aura poussé ses études et qui a une vocation d’y être. L’école ne dispense pas de diplôme. Seulement, une petite fête vient cependant marquer le moment auquel s’est achevé le premier cycle d’une sourate. On voit donc que ce système éducatif n’a rien de rigoureux ni d’administratif ou pédagogique.

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