Les erreurs de langage par Jean-Luc Chassel

LES ERREURS DE LANGAGE par Jean-Luc Chassel

ON NE DIT PAS :

– « Le justiciable se demande devant quelle juridiction doit-il faire appel », « Le citoyen ne comprend pas qu’est-ce qu’une constitution. »
Ces phrases ne tiennent pas compte du style indirect, qui impose de dire : Le justiciable se demande devant quelle juridiction il doit faire appel ; le citoyen ne comprend pas ce qu’est une constitution.
•- « Le Code civil et la jurisprudence stipulent que… »
Seuls les contrats stipulent. On doit dire : Le Code civil (ou encore une constitution, une loi, un traité international, etc.) dispose que …. ; et la jurisprudence (ou un jugement, un arrêt, etc.) décide que…
•- « À force d’être pris en otages, la grogne des usagers ne fait que s’accentuer. »
Cette phrase entendue dans un journal télévisé signifie que c’est la grogne des usagers qui est prise en otage ! Il faut dire : À force d’être pris en otages, les usagers manifestent davantage leur grogne.
•- « Il s’avère exact que l’économie de la France est rien moins que dégradée. »
Cette phrase est doublement fautive. D’abord, s’avérer veut dire : se révéler exact ; l’expression s’avérer exact est un pléonasme. D’autre part rien moins veut dire à l’origine : tout sauf, absolument pas ; mais comme personne ne le sait plus, il vaut mieux éviter cette formule ! On dira donc : Il s’avère que l’économie de la France est tout sauf florissante (ou est vraiment dégradée).
•- « Les décisions juridiques visent, sur ce point, à pallier aux imprécisions de la législation. »
On dit : Les décisions judiciaires visent, sur ce point, à pallier les imprécisions de la législation. Si on pallie quelque chose (transitif direct), en revanche on supplée à quelque chose.
•- « Car en effet ce litige ressort de la compétence du juge judiciaire. »
Car en effet est un pléonasme. D’autre part, il ne faut pas confondre le verbe ressortir (terme juridique dérivé de ressort, qui désigne le domaine de compétence d’une juridiction ou d’un organe administratif) et le verbe ressortir (terme du langage courant dérivé de sortir). Ces deux verbes ne se conjuguent pas et ne se construisent pas de la même manière. Il faut dire : En effet ce litige ressortit à la compétence du juge judiciaire.
•- « Malgré ce qu’il argue, le défenseur est condamné aux dépends. »
Malgré que n’est pas correct. Il ne faut pas confondre un défenseur et un défendeur. Quant aux dépens d’une instance, il se rattachent à l’idée de dépense et non de celle de dépendre. On doit donc dire : En dépit de ce qu’il arguait, le défendeur est condamné aux dépens.
La prononciation du verbe arguer pose également un petit problème : le u doit être prononcé et c’est le e qui est muet (comme dans l’anglais to argue, d’ailleurs issu du français).
•- « Quelque soit l’époque, comme l’écrit Monsieur le professeur X dans son manuel, l’administration s’accapare petit à petit des compétences qui font naître une foultitude de problèmes voir de conflits dans ses rapports avec l’autorité législative. Celle-ci finit par donner l’impression de tenir les reines du pouvoir au détriment de celle-là. »
1/ Ne pas confondre quelque et quelle que. Il fallait écrire ici : quelle que soit.
2/ Monsieur ne s’emploie que si l’on s’adresse à la personne et non lorsqu’on parle d’elle (voir ci-dessous : les usages de la correspondance).
3/ Le professeur X a peut-être écrit plusieurs ouvrages ! Il faut donc préciser le titre de celui auquel on fait référence.
4/ Accaparer implique déjà le fait de s’attribuer, de s’emparer de quelque chose : la forme pronominale est donc superflue.
5/ Préférer peu à peu à petit à petit.
6/ Foultitude n’existe pas. Dire multitude
7/ Ne pas confondre le verbe voir et l’adverbe voire !
8/ Celui-ci ou celle-ci se réfèrent toujours à l’élément le plus proche dans la phrase, celui-là ou celle-là à l’élément le plus éloigné. Dans l’incertitude, il vaut mieux dire le premier,… le second…
9/ Le pouvoir n’a de reines que dans une royauté ! Il faut donc orthographier les rênes du pouvoir (un mot dérivé du latin retinere, retenir). Par ailleurs, l’expression rênes du pouvoir constitue ce qu’on appelle une « métaphore » : en effet, le pouvoir n’est pas un cheval, et c’est seulement par une « image » que l’on peut se le figurer guidé par des rênes. L’abus des métaphores peut engendrer l’obscurité ou le ridicule.

L’USAGE DES MAJUSCULES par Jean-Luc Chassel

En dehors des quelques évidences que rappellent tous les grammairiens (nécessité des majuscules au début des phrases, dans la graphie des noms propres, etc.), l’usage des majuscules en français n’a jamais fait l’objet de règles parfaitement rigoureuses. L’Académie française, l’Imprimerie nationale, les dictionnaires Larousse, considérés comme des autorités en la matière, ont cherché à codifier les usages, sans réussir toutefois à dégager des principes simples et cohérents…Que dire aujourd’hui de l’anarchie qui s’est imposée un peu partout, notamment sur l’internet ? Les majuscules se multiplient où elles sont inutiles et font souvent défaut quand elles sont indispensables au regard du sens des mots. Ce phénomène dommageable pour la clarté de l’expression s’explique par divers facteurs :
– l’influence de certaines langues étrangères, comme l’anglais ou l’allemand, qui recourent aux majuscules de façon moins parcimonieuse que le français ;
– la généralisation de l’usage des sigles dans toutes les administrations et entreprises (ex. : UFR SJAP pour unité de formation et de recherche de Sciences juridiques, administratives et politiques !) et des acronymes (ex. : Paribas pour Banque de Paris et des Pays-Bas), qui a tendance à brouiller notre regard sur la graphie des mots ;
– l’effroyable manque de qualification sur les règles et usages de l’écrit dont font preuve aujourd’hui les rédacteurs de sites internet et les professionnels de la communication.
– la disparition des métiers traditionnels de l’imprimerie et de l’édition, typographes, correcteurs et relecteurs, dont la compétence faisait l’honneur de leur profession. Il est déplorable, à ce propos, que certains éditeurs bien connus d’ouvrages universitaires achetés chaque année par des milliers d’étudiants – et réalisant grâce à cela de confortables bénéfices – n’aient plus la déontologie élémentaire de confier leurs textes à un correcteur avant de les mettre sous presse.

En dépit de toutes ces dérives, nous avons jugé utile de vous rappeler ici un choix de règles et vous recommandons instamment de les suivre.

Noms de personnes physiques

Les noms de personnes sont des noms propres et prennent bien sûr une majuscule. Lorsque ces noms commencent par un article détaché, celui-ci prend aussi la capitale sauf lorsqu’il s’agit d’une particule (exemple : le marquis de La Fayette, Jean de La Fontaine).Toutefois, on écrit Du Guesclin, et l’article flamand « van » prend la capitale dans un nom propre (exemple : Vincent Van Gogh), alors que son équivalent allemand « von » n’en prend pas (ex. : Otto von Bismarck).Ces usages sont importants lorsqu’il faut classer ou chercher des noms dans une liste alphabétique, comme dans une bibliographie : Bismarck doit être à la lettre B, Du Guesclin à D, La Fontaine à L, et Van Gogh à V ! Pour les surnoms de personnages historiques, fictifs ou autres, on doit mettre une capitale, sauf à l’article qui peut les précéder (exemple : Philippe le Bel, Jacquou le Croquant).

Noms d’entités

Ils prennent une capitale pour les distinguer du nom commun équivalent ou pour induire un sens particulier. Ainsi écrit-on l’État pour distinguer cette notion du sens commun (condition, situation) que l’on trouve dans des expressions comme : état des personnes, état civil, état d’urgence, etc. Par le même usage, on distingue également le Droit au sens générique et un droit comme espèce(ex : le droit de vie et de mort, les droits de l’Homme). L’expression État de Droit est donc différente de l’état de Droit… mais la plupart des auteurs oublient ici de D de Droit !
On écrit aussi le Parlement, le Gouvernement, la Bourse pour marquer que l’on parle d’une entité, mais la majuscule disparaît lorsque certaines mentions précisent l’espèce : le parlement de la République française, le gouvernement allemand, la bourse du travail d’Aubervilliers (voir également ci-dessous : noms de personnes et d’organes).
Les titres d’ouvrages, d’œuvres artistiques et autres, les grands événements ou périodes historiques prennent aussi la majuscule (exemples : l’Antiquité, le Contrat social, le Penseur de Rodin, le Code civil, les Aztèques).
Les noms de peuples prennent la majuscule (les Français, un Anglais, les Bretons) mais ceux de leur langue n’en prennent pas (le français, l’allemand, le breton). Enfin on écrit sans majuscule les noms désignant l’appartenance religieuse (les juifs, un chrétien, les musulmans, un bouddhiste).

Noms de personnes morales et d’organes

Le premier mot d’un nom de personne morale prend une capitale comme un nom propre (ex. : la Société générale). Celui d’un organe (privé ou public) prend une majuscule lorsqu’il est unique.
En revanche, les organes multiples sont considérés comme des noms communs et seul le nom de lieu qui les suit ou le mot indiquant la spécialisation prend la capitale. Le raisonnement est le même que dans la distinction ci-dessus entre entité et espèce.

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