Les substances chimiques du système agroalimentaire

Les éléments du système agroalimentaire : mobiliser une approche systémique

L’unité d’apprentissage UA1 est consacrée aux éléments du système agroalimentaire. En effet, il est apparu nécessaire d’introduire cette notion comme point de départ auprès des élèves afin de leur permettre de se représenter le contexte dans lequel situer ce nouvel objet d’enseignement. Il s’agit d’une approche systémique, à laquelle ces élèves avaient déjà été confrontés en début d’année scolaire lors de l’étude du système Terre et des interactions entre les différentes sphères. Il a ainsi été possible de réactiver ces connaissances et les habiletés qui avaient été mobilisées ou développées alors. Trois schémas ont été présentés successivement (Annexe 2a, b et c). Le premier avait pour fonction de permettre aux élèves de faire le lien avec la thématique et leurs propres habitudes de consommation, par la reconnaissance des centaines de marques de produits alimentaires avec lesquelles ils sont familiers.

Cette entrée en matière constituait un deuxième élément déclencheur, il a permis aux élèves de poser plusieurs questions pertinentes au sujet du fonctionnement du système agroalimentaire, d’identifier les premiers acteurs concernés, à commencer par la prise de conscience d’être directement concernés ainsi que de constater rapidement la situation de domination de ce marché par une dizaine de compagnies gigantesques. Le deuxième a permis d’élargir la compréhension des interactions avec les autres éléments clés du système agroalimentaire et d’en dresser ensemble une définition (industrie agroindustrielle, distributeurs, etc.), correspondant à “l’amont”, au “centre” et à “l’aval” de la “filière agroalimentaire”. Enfin le troisième permettait de replacer le système agroalimentaire dans un système plus grand encore en remobilisant les connaissances préalables et en visualisant tous les autres acteurs concernés (politiques, médias, etc.). Le concept intégrateur d’interaction que les élèves connaissaient déjà est au coeur de la compréhension du fonctionnement de ce système. Le concept d’échelle a également été sollicité par la mise en rapport du local avec le global. N’ayant pas le temps d’aborder collectivement la question des différents systèmes de production agricole, nous avons distribué aux élèves des définitions qu’ils pouvaient ensuite mobiliser librement lors des phases de préparation aux débats.

Les substances chimiques du système agroalimentaire

L’unité d’apprentissage UA2 avait pour objectif de faire assimiler suffisamment de connaissances et d’informations au sujet des pesticides et des additifs alimentaires aux élèves afin de préparer les débats. Dans le but de permettre cette assimilation, de la rendre plus intéressante et en tenant compte du temps à disposition, nous avons imaginé l’organisation suivante (Annexe 3a): La classe a été divisée en deux parties, l’une ayant pour objectif de traiter des informations au sujet des pesticides (Annexe 3b), l’autre au sujet des additifs alimentaires (Annexe 3c). Chaque partie s’est divisée à nouveau en deux afin de constituer quatre groupes ; l’un représentait les tenants de l’utilisation des pesticides, un autre les opposants et de même concernant les additifs alimentaires. Ces informations, rassemblées lors de la première phase de recherche, sont toutes issues des connaissances factuelles et/ou de prises de positions de différents acteurs concernés par la problématique Santé et alimentation. Elles ont été présentées mélangées aux élèves qui avaient comme première tâche de les rassembler en catégories pertinentes avant de se les approprier comme arguments ou contre-arguments.

Les consignes et les critères d’évaluation ont été clairement indiqués. Chaque groupe a dû se choisir un responsable, garant du bon fonctionnement des opérations, et un “documentaliste” qui avait la tâche de compléter les informations reçues par une recherche sur internet en utilisant directement son Smartphone (tous les élèves de la classe en sont équipés mais seul les documentalistes étaient autorisés à les utiliser). Ces modalités et cette organisation ont rencontré un vif succès. Les élèves étaient très concentrés, chacun ayant une tâche motivante. Chaque groupe a su très vite s’organiser et se distribuer les tâches. La répartition de la classe en quatre groupes rendait nos interventions particulièrement productives auprès de chacun d’eux. Les informations au sujet des principes de précaution et de l’effet cocktail ont été apportées oralement afin que les membres des différents groupes se les approprient pour enrichir leurs arguments ou pour imaginer des contre-arguments les concernant. Cette première phase de préparation des débats a été un vrai succès, l’ambiance à la fois studieuse et motivante, les élèves participatifs et efficaces ont fait preuve d’autonomie et de maturité. Un document écrit était à remettre au terme des deux périodes mais les élèves ayant été particulièrement motivés et ayant exprimé la possibilité de travailler hors classe sur le document à rendre, nous leur avons accordé un délai supplémentaire.

Le débat comme outil d’institutionnalisation et d’éducation à « La référence aux QSV ainsi que la forte relation entre l’EDD et la formation du citoyen placent le débat au premier rang des orientations à mettre en oeuvre » (Audigier, 2011, p. 53). Nous avons vu que notre sujet s’inscrit pleinement dans la problématique de l’enseignement des QSV et des éducations à. Partageant l’affirmation ci-dessus nous avons également opté pour cette forme d’apprentissage. Dans cette optique, nous avons opté pour le modèle proposé par Jeunesse-débat10 qui permet aux élèves de simuler différents rôles et d’assimiler les arguments correspondants. Ce modèle présente également la particularité de mobiliser l’ensemble des élèves en permettant de distribuer les rôles entre intervenants et évaluateurs11, mobilisant ainsi plusieurs habiletés cognitives. Il était également pertinent de proposer une formule que les élèves du Gymnase de Burier connaissent bien car des tournois y sont organisés annuellement. La distribution des rôles, la préparation des évaluateurs et des débattants en fonction de critères précis et le déroulement des débats ont été anticipés et spécifiés dans les consignes de départ (Annexe 5). En résumé une première phase a été dévolue à la répartition des rôles et à l’assimilation des critères d’évaluation et des arguments, une deuxième phase au premier débat autour de la question : Faut-il supprimer l’usage des pesticides dans l’agriculture?

Une troisième phase autour du deuxième débat : Faut-il supprimer l’usage des additifs alimentaires dans la transformation de nos aliments ? Chaque débat a été suivi d’une synthèse des observations des évaluateurs. Les deux débats, en particulier le deuxième, et les évaluations, ont été de grande qualité, les arguments pertinents. Les débattants ont mobilisé plusieurs connaissances, celles qui leur avaient été fournies mais aussi celles qu’ils avaient récoltées. Les débats étaient animés et cohérents. Les élèves ont su évoquer la nécessité de changement et de relativisation (par exemple reconnaître la nocivité de certains additifs tout en acceptant l’utilisation de ceux qui sont inoffensifs, etc.). Avec cette classe, cette organisation et cette planification, il nous semble que nous avons ainsi pu éviter le risque inhérent à ce modèle de débat qui focalise beaucoup sur les performances rhétoriques au détriment de la richesse de l’argumentation, de la reconnaissance de la complexité de la problématique posée et de la recherche d’un consensus ; objectifs communément attribués au débat en tant qu’outil pédagogique et didactique en éducation à la citoyenneté et aux QSV (Fink & Haeberli, 2010 ; Girard & Le Goff, 2010, cité par Audigier, 2011 ; Legardez et Simonneaux, 2006).

Nouvelles représentations ?

Ces nouveaux acquis sont-ils accompagnés d’une évolution des perceptions de nos élèves face à notre problématique ?

La plupart des élèves n’ont pas modifié la perception qu’ils avaient de leur alimentation (question 1.1). Ils la considéraient bonne pour leur santé avant et tout autant après cette séquence d’enseignement, un élève même la perçoit comme étant encore meilleure. Seules cinq élèves estiment désormais que leur alimentation est peut-être moins bonne pour leur santé qu’elles ne l’imaginaient. Nous pouvons faire la même observation concernant l’innocuité des aliments vendus en Suisse (question 1.2). Ces résultats semblent indiquer que, dans la plupart des cas, les nouvelles connaissances acquises n’ont pas modifié cette perception. Cependant, en raison de l’aspect très général de ces deux questions, il nous semble plutôt rassurant que nos élèves ne se sentent pas “en danger” lorsqu’ils s’alimentent, ce qui aurait pu être l’effet d’un enseignement trop dogmatique sur ces questions.

Par contre, le niveau de préoccupation et d’attention des élèves par rapport à la provenance et à la composition (questions 1.3 et 1.4) de leurs aliments s’est radicalement modifié pour la quasi totalité de la classe (85%). Nous pouvons observer deux tendances assez nettes; soit le niveau de préoccupation concernant la provenance et/ou la composition est indiqué comme étant moins élevé à la fin de la séquence qu’au début, soit, au contraire, plus élevé. Selon notre interprétation, la première tendance, majoritaire, démontre une prise de conscience de ce que “cachent” réellement les questions de l’origine et de la composition des aliments. Ainsi ces élèves considéreraient désormais le niveau de leurs préoccupations comme insuffisant par rapport à ce qu’il pourrait ou devrait être, en tenant compte des nouvelles connaissances acquises. Il est intéressant de constater que, dans ce cas de figure, l’estimation du niveau de préoccupation attribué aux parents subit la même chute (questions 1.5 et 1.6). Cette interprétation se justifie puisque ces élèves pensaient se préoccuper pleinement de ces questions avant la séquence, ils se rendent compte désormais que leur attention n’était pas suffisante car un aspect important de la problématique leur échappait. Toute la question est de savoir si cette prise de conscience aboutira, dans un deuxième temps, à une nouvelle pratique ? L’autre tendance démontre de la situation inverse ; les élèves ne se préoccupaient pas ou pas du tout de la provenance et /ou de la composition de leurs aliments, ils estiment que c’est le cas désormais. Par conséquent, le niveau d’attention des parents est alors perçu comme insuffisant.

Table des matières

INTRODUCTION
Description du cadre d’enseignement et structure de la séquence d’enseignement
1. PROBLÉMATIQUE ET CONCEPTS CLÉS
Transposition didactique, types de savoirs et pratiques sociales de référence
Savoirs savants
TD interne et externe
Pratiques sociales de référence
Rapports au savoir
Légitimation d’un savoir émergent
Les questions socialement vives
Les Questions Socialement Vives Agronomiques et Environnementales (QSVAE)
Interdisciplinarité
L’interdisciplinarité comme QSV ?
Approche scientifique
Approche scolaire
Alimentation et santé : un thème d’éducation en vue du développement durable et à la santé
Les finalités des éducations à et le concept de compétence
2. LE QUESTIONNAIRE COMME OUTIL D’ACCÈS AUX REPRÉSENTATIONS
Le concept de représentations sociales
Résultats du questionnaire
Perceptions et attitudes
Alimentation équilibrée
Connaissances en lien avec le système producteur, perception du “bio” et connaissances/perception des pesticides.
Connaissances et perceptions au sujet des additifs alimentaires (questions 4.1 à 4.5)
Connaissances et perceptions au sujet des phtalates (questions 5.1 à 5.5)
Relation avec les concepts d’effet cocktail et de principe de précaution (questions 6.1 à 6.3)
Connaissances au sujet des acteurs (questions 7.1 à 7.7)
Synthèse des résultats
Analyse des connaissances des élèves
Analyse des perceptions des élèves
3. DESCRIPTION DES DIFFÉRENTES UNITÉS D’APPRENTISSAGE
Les éléments du système agroalimentaire : mobiliser une approche systémique
Les substances chimiques du système agroalimentaire
Les acteurs du système agroalimentaire
Le débat comme outil d’institutionnalisation et d’éducation
4. BILAN ET FIN DE LA SÉQUENCE 31 Vers une nouvelle pratique?
Nouveaux acquis ?
Nouvelles représentations ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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