Lien entre l’estime de soi et les visées de l’école 

Lien entre l’estime de soi et les visées de l’école

L’estime de soi correspond à la valeur ou au jugement que l’on porte sur soi et sur ses actions. Elle influence l’équilibre psychologique de l’individu et son développement. Ainsi, en premier lieu, nous tenons à prendre connaissance de l’intérêt porté pour ce concept au sein du cadre législatif propre au Service de l’enseignement, afin de connaître la place qui lui est accordée.

Comme nous l’avons spécifié précédemment, notre travail est axé sur l’estime de soi d’écoliers du degré primaire du canton du Valais. Par conséquent, nous avons cherché à relier le concept de l’estime de soi traité dans notre recherche aux exigences émises par la loi valaisanne. En la consultant, nous avons pu constater que la loi sur l’instruction publique datée de 1962, rédigée par le Grand Conseil du canton du Valais et toujours en vigueur de nos jours, fait mention des points suivants: En ce qui concerne le but de l’enseignement, l’article 34 du second chapitre de loi, consacré à l’école primaire, rapporte : « L’école primaire assure l’éducation morale, intellectuelle et physique des écoliers et leur donne les connaissances élémentaires utiles pour des études ultérieures et pour la vie pratique ».

Quant au troisième chapitre de la loi, porté sur l’enseignement secondaire, celui-ci fait mention du but et des moyens suivants : « Le cycle d’orientation offre à l’élève la possibilité : a) de parfaire son éducation et son instruction générales, afin de contribuer à son épanouissement personnel et de le préparer à assumer ses responsabilités au sein de la société » .

De part ces articles, nous distinguons des visées différentes de l’enseignement, érigées en fonction du degré d’enseignement. En effet, le troisième chapitre, qui concerne les élèves du cycle d’orientation, intègre la dimension d’épanouissement personnel de l’élève dans sa perspective d’éducation et de formation. Cette dimension peut être mise en lien avec le thème central de notre travail, l’estime de soi, car l’épanouissement personnel dépend de la valeur que l’enfant s’attribue. Contrairement au but de l’enseignement du cycle d’orientation, la dimension d’un développement personnel n’est pas clairement explicitée au degré primaire, et la notion d’estime de soi n’apparaît pas comme une composante directe des visées éducatives du canton. L’accent est porté sur l’éducation morale, soit les valeurs, le respect, les contraintes de la vie sociale ou encore la liberté personnelle, et sur l’éducation intellectuelle et physique qui correspondent au développement de compétences à la fois théoriques et pratiques réutilisables pour l’avenir, alors que le développement sur le plan individuel, émotionnel ou encore affectif de l’enfant n’est pas spécifiquement retenu, voire secondaire.

Bien que nous soyons dans une société en constante évolution, nous pouvons remarquer que, d’un point de vue légal, les visées ou les buts de l’enseignement n’ont pas été sujet à des modifications au cours de ces dernières années, et que le développement de l’estime de soi des enfants du primaire est loin d’être considéré comme une priorité éducative. Néanmoins, avec l’arrivée du PER, le nouveau Plan d’Etudes Romand, appliqué de nos jours dans la partie francophone du Valais notamment, la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse Romande et du Tessin (CIIP, 2003) a mentionné parmi les différents objectifs et les différentes finalités, la transmission des valeurs sociales et des missions d’éducation par l’école publique. Celles-ci traversent entre autres « le développement de la personnalité équilibrée de l’élève, du sens de la responsabilité et de la capacité de discernement » (p.14). De plus, la déclaration fait également état de l’acquisition et du développement de compétences et de capacités générales, parmi lesquelles figurent la réflexion et la démarche critique. La réflexion consiste à « développer chez l’élève sa capacité à analyser, à gérer et à améliorer ses démarches d’apprentissage, ainsi qu’à formuler des projets personnels de formation » (p.13). La démarche critique, quant à elle, « permet de prendre du recul sur les faits et les informations, tout autant que ses propres actions » (p.13). Nous pouvons constater que ces éléments-ci tiennent compte du développement personnel de l’élève et, sans qu’il l’ait été exprimé mot à mot, au développement de son estime de soi.

D’un point de vue national, et contrairement à la loi valaisanne sur l’instruction publique, des articles de loi d’autres cantons romands, comme ceux de Genève (1940), du Jura (1990) ou de Vaud (2011) spécifient « l’aide au développement équilibré de la personnalité de l’élève », « la formation de la personnalité de l’enfant» ou encore « la formation du jugement et de la personnalité de l’élève, la connaissance de soi-même et du monde qui l’entoure »  comme objectifs et finalités de l’enseignement, degrés primaires compris.

Au-delà des frontières nationales, le concept de l’estime de soi a pris une telle importance, que sa valorisation en est parfois même devenue un objectif pédagogique. Par exemple, aux Etats-Unis d’Amérique, l’association nationale pour l’estime de soi NASE (National Association for Self-esteem) fondée en 1986, et le groupe de travail californien sur la promotion de l’estime de soi et la responsabilité personnelle et sociale (The California Task Force to promote self-esteem and personal and social responsibility) fondé en 1987, participent aux statuts de certains programmes éducatifs. Ces institutions visent notamment à promouvoir l’enrichissement de l’estime de soi de ses partenaires (Maintier & Alaphilippe, 2007).

Comme le soulignent Maintier et Alaphilippe (2007), nous pouvons faire le constat suivant : Les orientations pédagogiques de ces dernières décennies, qu’elles soient européennes, américaines ou canadiennes, nous incitent à penser que les visées des éducateurs ne doivent plus seulement considérer la transmission de connaissances, mais également prendre en compte la dimension psychologique individuelle de l’élève. (p.115)

Etat de la recherche sur l’estime de soi et la réussite scolaire

Le concept d’estime de soi a souvent fait l’objet de travaux scientifiques au cours des dernières années. Certains d’entre eux, basés sur la méthode du questionnaire, ont de même mis en lien le concept d’estime de soi à celui des apprentissages, à des degrés scolaires différents. Les questionnaires d’auto-évaluation de soi que nous pouvons rencontrer dans la recherche, sont variés. Parmi les plus courants figure l’échelle d’estime de soi de Rosenberg ou encore l’échelle toulousaine d’estime de soi. Dans le milieu de l’enfance et de l’adolescence, le S.P.P.A (Self-Perception Profile for Adolescent) de Harter, soit le questionnaire multidimensionnel d’évaluation de soi adressé aux adolescents, ainsi que le S.P.P.C (Self-Perception Profile for Children) de la même auteure, adressé cette fois-ci à des enfants de 7 à 12 ans, sont également fréquents. Il arrive de même que les questionnaires distribués dans certaines recherches soient la construction de plusieurs instruments d’évaluation de l’estime de soi déjà existants.

De nombreux chercheurs qui ont mis en lien l’estime de soi et la réussite scolaire, ont constaté un lien solide entre ces deux concepts. Pour André (2005), des corrélations réciproques entre estime de soi et résultats scolaires ont aussi été démontrées. « Plus finement, il semble qu’une bonne estime de soi permette à l’enfant confronté à des difficultés d’adopter des stratégies de résolution de problèmes adaptées […]. Tandis qu’une estime de soi déficiente est souvent associée à des stratégies inverses : repli sur soi ou réticence à parler de ses soucis, autocritique excessive ou déni des difficultés » (p.28). Dans sa recherche, Bawa (2007) a également montré que les élèves qui possèdent une meilleure estime de soi ont des taux de réussite scolaire plus élevés que ceux de leurs camarades ayant une estime de soi inférieure. Il fait également mention de plusieurs chercheurs ayant obtenu des résultats allant dans cette même direction. Parmi eux sont cités Bloom (1979), Crohn (1983), Gerardi (1990) ou encore Wiggins, Schatz et West (1994), qui soutiennent que plus l’estime de soi de l’apprenant est valorisée, plus sa réussite scolaire est favorisée (cités par Bawa, 2007).

Cependant, d’autres chercheurs ont obtenu et démontré des résultats contradictoires à ceux des chercheurs mentionnés ci-dessus. En effet, les résultats qu’ils ont obtenus affichent une absence de lien entre l’estime de soi et la réussite scolaire des élèves. Mecca, Smelser et Vasconcellos (1989), qui ont fait mention d’études empiriques de nature corrélationnelle démontrant des influences positives de l’estime de soi sur la réussite scolaire, évoquent aussi des études aux résultats inverses. Ils nous apprennent de même que l’association entre l’estime de soi et la réussite scolaire peut être biaisée par d’autres facteurs, comme les capacités intellectuelles. Autrement dit, il peut y avoir des différences dans les capacités intellectuelles entre les élèves et non pas dans leur estime de soi, qui peuvent, à elles seules, provoquer des variations dans les résultats scolaires, et donc dans leur réussite. L’estime de soi revient donc à être considérée comme un sous-produit des capacités intellectuelles des apprenants, qui n’a finalement peu, voire pas d’incidence sur leurs résultats. Schunk (1991, cité par Martinot, 2001), quant à lui, évoque un autre facteur qui découle de l’estime de soi et qui joue également un rôle déterminant sur la réussite scolaire de l’élève : la motivation. Quant à Weiner et Sierad (1975, cités par Mecca, Smelser & Vasconcellos, 1989), ils relèvent qu’il n’y a pas de lien entre l’estime de soi et la réussite scolaire et ils justifient cette tendance par l’influence de facteurs causals. En effet, ils ont démontré que la prise d’un médicament à effet placebo avant la passation d’un examen avait négativement influencé les résultats obtenus par les étudiants dotés d’une forte estime de soi et positivement influencé les résultats de ceux qui avaient une faible estime. Les premiers ont associé leurs mauvais résultats aux effets provoqués par le médicament sans faire mention de leurs incapacités, alors que les seconds ont été stimulés par la prise du médicament et ils ont obtenu un résultat plus élevé que d’habitude. Helmke et Van Acken (1995, cités par Famose & Guérin, 2002) ont aussi relevé l’absence de lien entre l’estime de soi et la réussite scolaire. Au travers de la littérature scientifique, nous pouvons faire le constat suivant : Si l’école contribue à l’édification du soi, réciproquement, une faible estime de soi peut entraîner des résultats scolaires médiocres […]. Toutefois, les résultats dans le domaine sont loin d’être univoques. De piètres performances scolaires ne se répercutent pas toujours négativement sur l’estime de soi […], de même qu’une forte estime de soi ne va pas toujours de pair avec des performances scolaires élevées. (Maintier & Alaphilippe, 2007, p.115)  .

L’estime de soi, qui peut donc dépendre de plusieurs facteurs, reste un sujet complexe. Nous avons pu remarquer que, bien qu’il y ait une relation entre elles, estime de soi et réussite scolaire ne prennent pas forcément des chemins similaires. Par conséquent, il est d’autant plus intéressant d’approfondir ce sujet auprès d’élèves de 8ème année HarmoS du canton de Valais, pour prendre connaissance de la situation actuelle.

Table des matières

Introduction
Première partie : cadre de la recherche 
1. Problématique
1.1 Lien entre l’estime de soi et les visées de l’école
1.2 Etat de la recherche sur l’estime de soi et la réussite scolaire
1.3 Orientation de notre recherche
2. Cadre conceptuel
2.1 L’estime de soi
2.1.1 Le soi : définitions
2.1.2 L’estime de soi : définitions
2.1.3 Estime de soi, confiance en soi, amour de soi, acceptation de soi, … quelles
différences ?
2.1.4 Les composantes de l’estime de soi
2.1.5 L’estime de soi : son origine et son développement
2.1.5.1 … jusqu’à l’âge de 12 ans
2.1.5.2 … durant la période de l’adolescence
2.1.6 L’estime de soi des enfants selon le genre
2.1.7 L’estime de soi de l’enfant et l’apprentissage
2.2 La réussite scolaire
2.2.1 La réussite scolaire : définitions
2.2.1.1 La réussite scolaire versus la réussite éducative
2.2.1.2 La réussite scolaire, en passant par l’évaluation
2.2.1.3 L’évaluation, un instrument de mesure
3. Questions de recherche et hypothèses de réponse
4. Méthode de recherche
4.1 Le choix de la méthode : le questionnaire
4.1.1 Le questionnaire adressé aux élèves de 8H
4.1.1.1 La structure du questionnaire
4.1.1.2 L’attribution des points
4.1.2 Le questionnaire adressé aux enseignants titulaires
4.2 Le recueil des données
4.3 L’échantillon
Deuxième partie : partie empirique
5. Analyse des données et résultats
5.1 Question 1 – lien entre l’estime de soi et la réussite scolaire
5.1.1 Rappel de la question de recherche
5.1.2 Procédure et analyse
5.1.3 Interprétation des résultats globaux
5.1.4 Retour sur l’hypothèse
5.1.5 Procédure et analyse des résultats spécifiques
5.1.6 Interprétation des résultats spécifiques
5.1.7 Retour sur l’hypothèse
5.2 Question 2 – l’estime de soi du domaine scolaire
5.2.1 Rappel de la question de recherche
5.2.2 Procédure et analyse
5.2.3 Interprétation des résultats
5.2.4 Retour sur l’hypothèse
5.3 Question 3 – l’estime de soi selon le genre
5.3.1 Rappel de la question de recherche
5.3.2 Procédure et analyse
5.3.3 Interprétation des résultats
5.3.4 Retour sur l’hypothèse
5.4 Question 4 – l’estime de soi perçue par l’enseignant
5.4.1 Rappel de la question de recherche
5.4.2 Procédure et analyse
5.4.3 Interprétation des résultats
5.4.4 Retour sur l’hypothèse
Conclusion

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