L’île de Mayotte, archipel des Comores (France)

L’archipel des Comores est situé dans le canal de Mozambique, à mi-chemin entre le continent Africain et Madagascar. Orienté selon un axe NW-SE, il est composé de quatre îles principales : Grande Comore, Moheli, Anjouan et Mayotte . Cette dernière est un département français depuis 2011 .

Mayotte est localisée à l’extrémité Est de l’archipel, entre les latitudes 12°36’S et 13°06’S et les longitudes 44°54’E et 45°18’E. D’une superficie totale de 374 km², elle est formée de deux îles principales : Grande Terre et Petite Terre. Elle se trouve au milieu d’un vaste lagon (1100 km²) délimité par une barrière récifale de 160 km de long. Mayotte présente l’activité volcanique la plus ancienne au sein de l’archipel, elle se trouve à un stade d’évolution avancé caractérisé par une forte érosion et une subsidence active depuis environ 1,5 Ma (Nehlig et al., 2013).

Les magmas des Comores sont habituellement classés parmi les OIB (Ocean Island Basalts) associés à un volcanisme de point chaud. Cependant, l’archipel montre des particularités qui l’éloignent du modèle classique des OIB. D’une part, la nature océanique ou continentale du socle sous les Comores reste encore débattue (Flower et Strong, 1969 ; Rabinowitz et al., 1983 ; …), d’autant que l’archipel se situe entre deux blocs continentaux (Afrique, Madagascar). D’autre part, l’origine même du magmatisme au sein de l’archipel des Comores n’est pas bien contrainte. Si certains l’attribuent à un modèle de point chaud classique (Hajash et Armstrong, 1972 ; Emerick et Duncan, 1982), l’incohérence sur l’âge des îles en fonction de leur position géographique et l’existence d’une tectonique régionale active qui pourrait influencer le magmatisme des Comores conduit d’autres auteurs à remettre en question la contribution d’un point chaud (Nougier et al., 1986).

L’étude géochimique de l’île de Mayotte repose essentiellement sur les études de Späth (1996) et Debeuf (2004). La base de données disponible est assez fragmentaire. Notre étude, basée sur de nouvelles données pétrologiques et géochimiques (éléments majeurs et en trace, isotopes du Sr, Nd et Pb), permet de compléter la base de données utile à la compréhension de l’île. L’objectif est de caractériser plus précisément les laves de Mayotte d’un point de vue pétrologique et géochimique. Les travaux réalisés dans le cadre du stage de Master 1 (Pelleter, 2012) ont permis, entre autres, de mettre en évidence la présence de mélilitites à olivine sur l’île. La compréhension de la genèse de ce type de roches peut permettre d’apporter des informations complémentaires sur l’origine des laves de Mayotte et fait donc l’objet d’une étude détaillée dans le cadre de ce stage.

Formation du canal de Mozambique 

L’archipel des Comores se situe dans le canal de Mozambique. Ce dernier s’est formé en plusieurs étapes.

Malod et al. (1991) ont étudié différents bassins sédimentaires continentaux situés en Afrique de l’Est et sur la côte occidentale de Madagascar.  Certains d’entre-eux ont été interprétés comme ayant été formés au cours d’une phase d’extension NW-SE du Permien supérieur au Jurassique inférieur. Cette phase de rifting (dit du Karoo) a conduit à la séparation du bloc Indomalgache et du supercontinent Gondwana.

Les bassins océaniques de Somalie et du Mozambique s’ouvrent du Jurassique moyen au Crétacé supérieur selon une direction N-S comme l’indiquent certaines anomalies magnétiques (Rabinowitz et al., 1983). Ces bassins sont reliés par une zone faillée transformante située à l’emplacement de la ride de Davie, une chaîne de monts sous-marins longue de plus de 1000 km (Malod et al., 1991).

La séparation de l’Inde et de Madagascar suivie de l’extension de la ride centrale indienne induit un épisode de compression dans le canal de Mozambique durant l’Eocène. La ride de Davie, comprenant des portions du socle africain et des formations calco-gréseuses, subit alors une fracturation et un raccourcissement et est fortement érodée (Leclaire et al., 1989).

Depuis le Miocène moyen, une nouvelle phase extensive de direction W-E affecte le canal de Mozambique. Elle est notamment mise en évidence par des données sismiques (Bertil et Regnoult, 1998). Ce même régime extensif de direction W-E se retrouve au niveau du rift estAfricain et Madagascar.

Il existe un débat concernant la nature exacte de la croûte sous-jacente à l’archipel des Comores. Plusieurs hypothèses ont été proposées.

Croûte de nature océanique
Rabinowitz et al. (1983) s’appuient sur des données géophysiques pour suggérer que la majorité de la partie orientale du bassin des Comores appartienne à la Jurassic Magnetic Quiet Zone, qui serait donc de nature océanique. Quant au secteur occidental, même s’ils ne parviennent pas à corréler ses anomalies magnétiques à une échelle de temps, ils l’interprètent également comme une croûte de nature océanique.

Croûte de nature continentale
La découverte d’enclaves sédimentaires d’origine continentale (grès, quartzite, arkose, …) dans des laves de l’archipel a conduit certains auteurs à suspecter l’existence d’un socle de nature continentale sous les Comores (Flower et Strong, 1969). Besnard (1997) a également décrit un massif de quartzite s’étendant sur une surface de 17,5 ha au centre de l’île d’Anjouan dont la mise en place reste difficile à expliquer.

Croûte transitionnelle océan-continent
Nougier et al., (1986) suggèrent que l’archipel est situé près d’une marge continentale à la transition entre une croûte océanique et une croûte continentale. Desgrolard (1996) et Debeuf (2004) qui ont, eux aussi, décrit des enclaves sédimentaires pour les îles de la Grande Comore et de Mayotte, respectivement, penchent en faveur d’une croûte majoritairement océanique et avancent trois hypothèses pour expliquer l’origine des enclaves :

(1) on retrouve des formations du socle Africain (gneiss, arkose, grès noir) associés au rifting Karoo en couverture sédimentaire sur la marge est-africaine et sur le craton malgache. Ces mêmes formations ont pu contribuer à une sédimentation gréseuse précoce sur la croûte océanique du bassin des Comores ;
(2) Leclaire et al. (1989) ont décrit une phase compressive dans le canal de Mozambique au cours de l’Eocène provoquant la surrection et une érosion intense de la ride de Davie. Celle-ci, n’étant située qu’à 150 km à l’ouest de l’archipel des Comores, pourrait être la source des sédiments gréseux présents au fond du bassin des Comores ;
(3) le massif de quartzite de grande envergure au centre de l’île d’Anjouan pourrait être interprété comme un fragment de socle continental résiduel de la séparation de Madagascar et du continent Africain remonté à la faveur de mouvements tectoniques verticaux.

Origine du magmatisme des Comores

Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer l’origine du magmatisme de l’archipel des Comores.

Ride d’accrétion lente
Upton (1982) propose que les îles de l’archipel représentent la partie émergée d’une ride d’accrétion lente.

Modèle de point chaud
Ce modèle s’appuie sur des données géochronologiques K-Ar acquises par Hajash et Armstrong (1972) et Emerick et Duncan (1982). Ces auteurs s’accordent pour dire que la répartition géographique des îles et l’accroissement des âges depuis la Grande Comore jusque Mayotte seraient dus à la migration de la plaque Somalienne au-dessus d’un point chaud situé actuellement sous la Grande Comore.

Réactivation périodique de fractures lithosphériques anciennes et profondes
Nougier et al. (1986) qui ont réalisé de nouvelles datations K-Ar pour les îles de Moheli et Anjouan remettent en question le modèle du point chaud. Ces auteurs évoquent une activité volcanique synchrone pour toute les îles de l’archipel (excepté Grande Comore ?) durant le Miocène supérieur et le Pliocène avec une crise commune il y a 500 000 ans. Ils attribuent l’origine de ce magmatisme à la réactivation périodique d’anciennes et profondes fractures lithosphériques parallèles à la ride de Davie (N165°).

Table des matières

Introduction
1. Contexte géologique
1.1 – Formation du canal de Mozambique
1.2 – Origine du magmatisme des Comores
1.3 – État des connaissances sur Mayotte
2. Techniques analytiques
2.1 – Échantillonnage et démarche analytique
2.2 – Analyses pétrologiques
2.3 – Analyses géochimiques
2.3.1 – Mesures par ICP-AES
2.3.2 – Mesures par ICP-MS
2.3.3 – Mesures isotopiques
3. Pétrologie et géochimie des magmas mahorais
3.1 – Nomenclature des roches de Mayotte
3.2 – Description pétrographique et minéralogique
3.2.1 – Cumulats
3.2.2 – Basaltes alcalins, basanites et ankaramites
3.2.3 – Mélilitite à olivine
3.2.4 – Néphélinites
3.2.5 – Téphrites, téphri-phonolites et phonolites
3.2.6 – Ponces et tufs
3.3 – Variations géochimiques
3.3.1 – Éléments majeurs
3.3.2 – Éléments en trace
3.3.3 – Isotopes
4. Discussion
4.1 – Altération, accumulation et fractionnement dans les roches de Mayotte
4.1.1 – Altération
4.1.2 – Accumulation
4.1.3 – Fractionnement
4.2 – Signification des mélilitites à olivine et des roches à mélilite
4.2.1 – Caractéristiques
4.2.2 – Genèse des mélilitites à olivine
4.3 – Caractérisation de la source des laves des Comores
Conclusion générale 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *