NECESSAIRE CORRELATION ENTRE LE PRIVE ET LE PUBLIC CHEZ L’HOMME

NECESSAIRE CORRELATION ENTRE LE PRIVE ET LE PUBLIC CHEZ L’HOMME

L’homme et le citoyen

Pour qu’une doctrine des droits de l’homme soit reconnue, trois conditions sont nécessaires. Il faut que l’homme soit reconnu comme une réalité et promu comme une valeur, une idéalité ; que cette idéalité acquiert un statut juridique ; que ce statut juridique soit garanti par l’autorité politique. Les sociétés païennes (dont la religion n’est pas monothéiste : christianisme, judaïsme et islamisme) ne connaissent pas l’idée d’humanité dans la mesure où elles divisent l’espèce humaine en citoyens appartenant à telle ou telle cité avec leurs dieux propres, d’un côté, et en ennemis ou barbares, de l’autre. L’idée d’homme n’acquiert sa consistance que dans le cadre du monothéisme qui conçoit l’humanité tout entière comme une réalité unique créée par le même Dieu, sans différence de nature entre les nations.

La Bible propose la conception de la valeur inaliénable de la personne humaine pour autant qu’elle soit créée par Dieu et alliée à lui et que son destin collectif, scellé par la Loi, a un sens transcendant. Le Nouveau Testament ajoute la pensée de la valeur inaliénable de l’individu, pour autant que le salut, à travers la rédemption, soit une affaire singulière. C’est la raison pour laquelle la doctrine de l’homme n’a d’abord reçu qu’un statut théologique. Puis ce sont les légistes et les théoriciens de l’Etat de droit qui ont inscrit l’idée de droit naturel inaliénable à l’intérieur du droit politique. Voyons comment s’est faite cette insertion de la doctrine des droits de l’homme dans le droit.

Chacun connaît la différence qui sépare les droits du citoyen, lesquels déclarent les libertés civiles, des droits de l’homme qui énoncent les droits naturels. Les libertés civiles permettent l’acquisition d’un statut de citoyen : « Dis-moi comment tu penses (liberté d’opinion), dismoi comment tu t’exprimes (liberté d’expression), dis-moi comment tu te réunis et t’associes (liberté de réunion et d’association) et je te dirai comment tu construis ta citoyenneté, ta participation aux affaires de la Cité ». Les libertés civiles sont liées aux libertés de la personne, elles reposent sur la conscience libre et entreprenante d’un sujet.

On a remarqué que les élites, élites aristocratiques ou notabilités, ou tous les groupes qui avaient l’habitude de prendre part à la vie publique jouaient un rôle moteur en matière de liberté civile. Il en va tout autrement pour les droits de l’homme, c’est-à-dire non pas la 52 citoyenneté, mais le statut de la liberté et de sécurité personnelle, le droit pour chacun à sa vie, à l’appropriation de son corps, le droit à la liberté de conscience. Le droit à la sûreté, c’est- à-dire à la sécurité de la vie garantie par la loi, est le premier des droits de l’homme. Le droit à la sûreté a été établi, démontré par le philosophe politique anglais Hobbes dans son célèbre Léviathan. Sa démonstration est d’autant plus intéressante qu’il n’est pas un théoricien libéral, il est pour un État fort.

Hobbes imagine un pacte où les individus renoncent à l’essentiel de leurs droits, aliènent leurs droits au chef de l’État, le puissant Léviathan, afin que celui-ci puisse assurer l’ordre et la sécurité. L’aliénation des droits évoquée par Hobbes est très complète : il s’agit d’abord d’aliéner presque toutes les libertés civiles, liberté d’expression, liberté d’association, etc., mais il s’agit surtout d’aliéner le droit naturel, attribut de la puissance de tout un chacun d’agresser son voisin et de le mettre à mort. Pourtant Hobbes estime (chapitre XIV) qu’il y a un droit inaliénable : le droit à la sûreté. Pourquoi s’agit-il d’un droit inaliénable ? Parce que le désir de conserver sa vie, dans le calcul d’intérêt qui préside à toutes les conduites, est, selon lui, le plus grand de tous les désirs.

C’est, explique Hobbes, une loi découverte par la raison de ne rien faire qui puisse attenter à notre propre vie-la sécurité personnelle- qui est la fin et le but du pacte social : les hommes acceptent de renoncer à la violence sur leurs voisins parce qu’ils souhaitent être en sécurité, donc en paix. Dans l’état de nature, la sûreté n’est qu’une aspiration de l’individu et « l’homme est un loup pour l’homme » : l’état de guerre généralisée menace constamment l’intégrité physique de tout un chacun. En revanche, dans l’état civil, la confiscation par le souverain des actes de guerre, le monopole de l’épée de justice, instaure la sûreté individuelle par la sécurité juridique.

Il n’est pas question pour un individu de ne pas résister si l’on veut s’attaquer à sa vie, et corrélativement le pouvoir ne dispose aucunement d’un droit de vie et de mort sur ses citoyens ou sur ses sujets. Pour que le droit à la sûreté soit garanti, il faut nécessairement que soit institué un certain type d’État, l’État de droit, l’État qui ne dispose pas d’un droit de vie et de mort sur les citoyens-sujets. Telle est donc l’importance de la sûreté : ce droit est fondateur d’un pacte d’alliance entre le citoyen et l’État ; il est également associé à la conception du droit comme loi. Le droit y est garanti par la forme de l’État.

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