Physique du séchage des sols et des matériaux de construction

L’eau liquide en présence d’une atmosphère non saturée en vapeur d’eau est hors équilibre. Suivant les situations, nous souhaitons évaporer toute l’eau ou avoir une cinétique très lente pour maintenir l’eau sous phase liquide. Dans toutes ces circonstances, le séchage est une situation intermédiaire, il est donc perçu comme une nuisance. Pour le stockage de grains sec, le séchage est vu comme trop lent, consommateur d’énergie, alors que pour un sol agricole au soleil il sera considéré comme trop rapide et provoquant des fissures. En contrôlant la cinétique de séchage et en comprenant les mécanismes à l’œuvre, il sera possible d’agir sur des leviers spécifiques à chaque application.

Le séchage est une problématique industrielle transverse qui intervient dans de nombreux procédés (matériaux de construction, sols, industrie agroalimentaire, biscuits, crèmes, peintures, fabrication de papier…). Il est ainsi un enjeu critique du point de vue économique par la dépense énergétique associée et du point de vue technique compte tenu de l’impact possible du séchage sur les propriétés finales du matériau (fissures, hétérogénéités de résistance, humidité résiduelle, adhésion…).

Le séchage des matériaux de construction occupe une place importante dans les procédés industriels. Une partie de l’eau réagit et forme un liant qui donne la tenue mécanique au matériau. Mais l’eau est présente en excès pour assurer la fluidité de la pâte et s’évapore. Par exemple, dans la fabrication de plaques de plâtre, le matériau prend en 5 minutes, puis le séchage de l’excès d’eau dure plus de 45 minutes. Nous souhaitons un séchage rapide une fois la réaction chimique terminée. En agriculture, une quantité d’eau inappropriée dans les sols restreint le développement des plantes, en particulier l’évaporation limite la disponibilité en eau et nous souhaitons la ralentir. Une meilleure compréhension des phénomènes physiques de séchage de ces matériaux permettrait d’améliorer les procédés et de limiter les coûts liés au séchage. Le contrôle du séchage doit donc être très précis ; pourtant les techniques pratiques s’appuient souvent sur des méthodes empiriques ou des modèles phénoménologiques. Ceci tient à la complexité du problème, qui met en jeu un couplage entre caractéristiques locales de la structure interne et propriétés de transfert à une échelle macroscopique au sein de matériaux pâteux ou granulaires aux structures très variées et complexes. En effet, les milieux poreux peuvent avoir des propriétés très différentes, des éponges poreuses et déformables aux roches à très faibles perméabilités. Dans cette thèse, nous nous limiterons aux milieux poreux très perméables où les écoulements sont souvent rapides et la pression de l’air dans les pores est égale à la pression atmosphérique. Ces caractéristiques sont fréquentes dans les matériaux de construction (matériaux cimentaires, plâtre) à leur mise en œuvre car la porosité est importante. Ainsi dans les bétons et mortiers frais, les grains de sable forme un squelette poreux saturé par la pâte de ciment qui est un mélange de particules (ciment, fumée de silice), d’adjuvants (polymères) et d’eau. Notre étude permettra de mettre en avant les phénomènes de séchage avant la prise. Pour le plâtre, le réseau de cristaux de gypses formé est très poreux et constitue donc un milieu poreux perméable. La composition des sols est souvent très complexe et les organismes vivants jouent un rôle prépondérant dans sa constitution mais ces milieux sont souvent très perméables. Notre démarche est suffisamment générale pour apporter également un éclairage sur les sols (argileux, sableux).

Le séchage des matériaux poreux est décrit par 2 régimes distincts. Dans un premier temps, le taux de séchage est constant, jusqu’à l’évaporation de la grande majorité de l’eau : généralement environ 80 − 90% de l’eau initiale. Le taux de séchage est fixé par les conditions extérieures (température, humidité, flux d’air). Ensuite le taux de séchage chute brutalement puis tend vers 0 .

Dans la période de séchage constant, l’air dans les pores est rapidement saturé en vapeur d’eau, tout en représentant un volume d’eau liquide négligeable, ce qui limite toute évaporation ultérieure dans le milieu poreux. L’évaporation se fait donc principalement à la surface libre de l’échantillon en contact avec de l’air non saturé en vapeur d’eau, les conditions extérieures peuvent être ramenées à une longueur de diffusion δ et l’écoulement d’eau à une vitesse Ve d’après l’équation 1.3 . L’évaporation de l’eau à la surface correspond à un écoulement constant Ve d’eau liquide dans le réseau poreux, cependant l’air envahit brusquement les pores . Les écoulements associés sont rapides et il est possible de les entendre à l’aide d’une sonde à ultra-sons. Ces événements sont très bien corrélés en moyenne à la perte d’eau .

Les invasions d’air ne font pas rentrer l’air progressivement dans la matrice poreuse, comme le dictent la conservation du volume de pore et la perte de volume d’eau constante. L’eau étant la phase mouillant le solide et l’air la phase non mouillante, il est favorable pour le milieu poreux que l’air occupe d’abord les pores les plus grands, qui comportent plus de volume pour moins de surface démouillée par l’eau. Les invasions permettent aux grands pores de se vider aux profit des petits pores de surface. Ce rééquilibrage capillaire est la force motrice des écoulements dans les milieux poreux pendant le séchage. Initialement l’air n’a pas directement accès à tous les pores. Ainsi lorsqu’un grand pore devient accessible au réseau d’air, celui-ci se vide au profit de plus petits pores préalablement accessibles. Mais les rééquilibrages ne s’arrêtent pas lorsque l’air forme un réseau percolé sur tout l’échantillon . Lorsque le séchage est avancé, les écoulements restent brusques car l’évaporation a lieu à la surface, ce qui tend à former des ménisques de plus en plus courbés au niveau des petits pores de la surface. Quand un seuil est franchi, un brusque rééquilibrage capillaire vide des grands pores et resature les petits.

Table des matières

Introduction
1 État des connaissances
1.1 Généralités
1.1.1 Evaporation
1.1.2 Ecoulement dans un milieu poreux non saturé
1.1.3 Pression capillaire
1.1.4 Solution ionique et suspensions de particules
1.1.4.1 Diffusion
1.1.4.2 Transport
1.1.5 Séchage isotherme
1.1.6 Nombres adimensionnés
1.2 Observation des matériaux réels
1.3 Séchage des milieux poreux saturés d’un liquide pur
1.3.1 Mise en évidence des mécanismes de séchage dans les matériaux poreux
1.3.1.1 Deux régimes de séchage
1.3.1.2 Entrée de l’air et rééquilibrages capillaires
1.3.1.3 Front sec
1.3.2 Importance de la microstructure dans les tubes capillaires
1.3.2.1 Tube cylindrique
1.3.2.2 Tube à section polygonale
1.4 Phénomène de transport lors du séchage
1.4.1 Ions dissous
1.4.2 Suspensions de particules
1.5 Séchage de pâtes
1.5.1 Séchage de gels déformables
1.5.2 Séchage des pâtes en milieux poreux
1.6 Objectif de thèse
2 Matériel et Méthodes
2.1 Matériaux utilisés
2.1.1 Suspensions de particules non déformables
2.1.1.1 Particules rigides
2.1.1.2 Caractérisation des suspensions
2.1.2 Suspensions de particules molles
2.1.2.1 Particules molles
2.1.2.2 Caractérisation des suspensions
2.2 Installations expérimentales
2.2.1 Expériences de séchage d’un milieu poreux
2.2.1.1 Contrôle des conditions de séchage
2.2.1.2 Séchage de milieux poreux 3D dans l’IRM
2.2.1.3 Tube capillaire avec billes de verre
2.2.2 Expériences de séchage en milieux poreux modèles
2.2.2.1 Tube capillaire
2.2.2.2 Imagerie et mesure de masse
2.2.2.3 Microscope confocal
2.3 Séquences IRM
2.3.1 Signal RMN des protons
2.3.1.1 Principe de la Résonance Magnétique Nucléaire
2.3.1.2 Mesure de la teneur en eau globale
2.3.2 Mesure du profil de saturation
2.3.2.1 Echo de spin
2.3.2.2 Imagerie 1D
2.3.3 Mesure du profil de concentration en particules
2.3.3.1 Temps de relaxation et fraction volumique en particules
2.3.3.2 Profil de temps de relaxation
2.4 Imagerie par Synchrotron X
Conclusion

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