Analyse transversale de la contribution des projets de développement rural à la sécurité alimentaire

Analyse transversale de la contribution des projets de développement rural à la sécurité alimentaire

INTRODUCTION

La coopération internationale est considérée comme le fer-de-lance du développement à Madagascar. Une de ses formes les plus dynamiques est la coopération décentralisée, liant des collectivités territoriales françaises aux collectivités malgaches. Madagascar fait en effet partie des quatre pays rassemblant plus de 80 % des projets issus de la coopération décentralisée entre des collectivités territoriales françaises et étrangères (CFSI et Cités Unies France, 2010). En 2013, les engagements financiers des collectivités françaises à Madagascar se chiffrent à plus de 8 millions d’euros, répartis dans une douzaine secteurs d’interventions. Les secteurs agriculture, élevage, et pêche (AEP) comptent pour 10 % des montants engagés et sont parmi les plus financés (Ambassade de France à Madagascar, 2014). L’importance accordée aux secteurs AEP prend tout son sens vu la proportion élevée de ménages malgaches qui vivent en milieu rural (près de 75 %) et qui dépendent directement de ces secteurs d’activité. En effet, les secteurs AEP contribuent à hauteur de 28,3 % au PIB de Madagascar et emploient près de 70 % de la population active. Cette contribution au PIB, bien qu’importante, reste toutefois relativement faible vu les potentialités agronomiques impressionnantes de Madagascar. En effet, les caractéristiques pédoclimatiques du pays permettent tous types de cultures, qu’il s’agisse des cultures vivrières, ou des cultures de rente et d’exportation (Badjeck et al., 2013). La Région Atsinanana, située au centre Est de Madagascar, est un bon exemple de cette double potentialité des secteurs AEP. Fleuron de l’exportation malgache, cette Région recèle aussi des capacités peu exploitées pour les cultures maraîchères, la pisciculture, ou encore la riziculture. Le port de Tamatave, principale plateforme d’échange extérieur du pays, ainsi que l’exploitation minière d’Ambatovy lui confèrent de surcroît un important dynamisme économique. Une réalité contradictoire persiste toutefois en Région Atsinanana, car nonobstant les atouts susmentionnés, la Région reste confrontée à de nombreux défis : fragilité des institutions régionales, faible niveau de développement agricole et rural, taux de chômage élevé, manque d’accès aux services sanitaires essentiels, dégradation du patrimoine naturel. Afin de mieux relever ces défis, la Région Atsinanana a développé une coopération avec les anciennes Régions Basse-Normandie, Haute-Normandie et Rhône-Alpes, qui s’est concrétisée par un programme triennal au sein duquel les quatre collectivités travaillent de concert pour leur développement mutuel. Un des axes stratégiques de cette coopération est le développement agricole et rural. 2 Cet axe a été identifié en réponse aux principaux défis du monde rural : faible performance de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, absence d’une véritable politique de développement agricole, pauvreté rédhibitoire, manque d’organisation des filières, difficultés d’accès aux intrants, offre limitée de formation agricole professionnalisante. Mais l’enjeu principal de cet axe stratégique reste avant tout la sécurité alimentaire. En effet, malgré le dynamisme de la Région Atsinanana, sa population ne déroge pas à la forte prépondérance de l’insécurité alimentaire dans le pays, surtout en milieu rural. La crise conjoncturelle de 2008-2013 a notamment entrainé une recrudescence de cette insécurité alimentaire, ayant valu au pays le triste surnom de « paradis de la sous-alimentation chronique » (Châtaignier, 2014). Selon le PAM (2016), Madagascar est le deuxième pays le plus touché par la faim, avec près de 2 millions de personnes concernées. Plusieurs facteurs sont à l’origine de l’insécurité alimentaire, les principaux étant liés aux problèmes de disponibilité et d’accessibilité alimentaires. La Région Atsinanana fait par exemple partie des Régions malgaches où la part des dépenses alimentaires dans les dépenses totales des ménages est la plus élevée (Badjeck et al., 2013). Après deux programmes triennaux de coopération entre les quatre Régions, soit six ans, l’heure est aux bilans. Un nouveau programme de coopération entre la Région Atsinanana et la nouvelle Région Normandie est en cours d’élaboration. La préparation de ce nouveau programme de coopération, au sein duquel la sécurité alimentaire restera un enjeu de taille et pourrait même prendre davantage d’importance, implique de facto une analyse transversale de la contribution des projets de développement agricole et rural réalisés à la sécurisation alimentaire dans la Région Atsinanana. La problématique de cette étude est alors de montrer comment cette analyse transversale peut contribuer à renforcer la stratégie de développement rural du prochain programme de coopération. Cette problématique suscite les questions de recherche suivantes : quels sont les facteurs de l’insécurité alimentaire en Région Atsinanana, et comment se manifeste-t-elle ? De quelle ampleur est la contribution des projets de développement rural à la sécurité alimentaire en Région Atsinanana, et sont-ils en adéquation avec les causes et les caractéristiques de l’insécurité alimentaire ? 

Concepts liés à la sécurité alimentaire 

 La notion de « sécurité alimentaire » 

L’apparition exacte du concept de sécurité alimentaire est difficile à situer, certains auteurs considérant des cas de régulation de l’approvisionnement alimentaire des villes européennes au Moyen-Âge comme les premières formes de politiques de sécurité alimentaire (Tercier et Sottas, 2000), tandis que d’autres situent la naissance du concept dans les années 1940, suite à la Conférence sur l’agriculture et l’alimentation de Hot Springs aux États-Unis en 1943 (Aspe et Bricas, 2012), ou encore après la ratification en 1948 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, donnant naissance à la notion de « droit à l’alimentation » (Goossens, 1997). Depuis, l’évolution du concept de sécurité alimentaire est tributaire des évènements mondiaux liés à l’alimentation, menant parfois à la création d’institutions ou d’organes de lutte contre l’insécurité alimentaire, comme la création du Programme Alimentaire Mondial en 1963 dans le but de venir en aide aux millions de sinistrés d’une série de catastrophes survenues au début des années 1960 dans différentes parties du monde (World Food Programme, 2015). Suivra la création du Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA) en 1974, dont l’objectif était le suivi et la révision des politiques des Nations Unies concernant la sécurité alimentaire, introduisant alors les notions de disponibilité et d’accès physique et économique à l’alimentation (Committee on World Food Security, 2009). Aujourd’hui, la définition de la sécurité alimentaire la plus largement acceptée et utilisée est celle adoptée durant le Sommet Mondial de l’Alimentation qui s’est tenu à Rome en 1996 : « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active » (Sommet Mondial de l’Alimentation, 1996). En décomposant cette définition, quatre facteurs déterminants (ou dimensions) du concept de sécurité alimentaire sont mis en exergue : la disponibilité, l’accessibilité, la qualité, et la stabilité. Ainsi, pour qu’une personne, un ménage, ou une population donnée soit en état de sécurité alimentaire, l’alimentation doit : 1) être disponible en quantités suffisantes, et ce quels que soient les moyens utilisés pour y parvenir (production alimentaire ou recours aux importations) ; 5 2) être accessible de manière physique (par les voies de communication ou les infrastructures de marchés) et économique (grâce à des revenus suffisants) ; 3) avoir une qualité et une utilisation qui répond aux besoins énergétiques (macronutriments), nutritionnels (micronutriments), sanitaires (propreté), et aux préférences (tabous culturels ou religieux) du consommateur ; 4) être stable, c’est-à-dire satisfaire à tout moment les trois conditions susmentionnées en veillant à éviter ou remédier aux menaces qui peuvent empêcher de remplir ces conditions : catastrophes naturelles, flambée des prix, pénuries alimentaires, manque d’éducation en matière de nutrition, etc. Cette définition mentionnée dans la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire a légèrement été révisée par le CSA en 2012, en y ajoutant l’adjectif « social », donnant l’expression « accès physique, social et économique » (Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale, 2012). À l’accessibilité physique et économique s’ajoute donc l’accessibilité sociale, qui implique l’accès à la nourriture d’une population socialement défavorisée (femmes, enfants, minorités ethniques, handicapés, réfugiés de guerre, etc.). 

La notion de « sécurité nutritionnelle » 

Vers le début des années 1990 fut utilisé pour la première fois le terme « sécurité nutritionnelle ». S’appuyant sur les travaux de l’UNICEF, une première définition de la sécurité nutritionnelle a été proposée par l’IFPRI en 1995 : « La sécurité nutritionnelle peut être définie comme un état nutritionnel adéquat, en termes de protéines, d’énergie, de vitamines et de minéraux, de l’ensemble des membres du ménage, et ce à tout moment ». Des définitions plus complètes furent ensuite proposées par la Banque Mondiale et le Mouvement SUN (Scaling Up Nutrition), respectivement en 2006 et 2010. La dernière définition en date de la sécurité nutritionnelle est celle proposée par la FAO en 2012 : « La sécurité nutritionnelle existe lorsque tous les êtres humains, à tout moment, peuvent consommer en quantité suffisante une nourriture de qualité appropriée en termes de variété, de diversité, de teneur en nutriments et de sécurité sanitaire pour satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires et ainsi mener une vie saine et active, tout en bénéficiant d’un environnement sanitaire et de services de santé, d’éducation et de soins adéquats ». La notion de sécurité nutritionnelle renvoie ainsi aux facteurs non alimentaires, mais qui ont un impact important sur le statut nutritionnel de chacun. Il s’agit de l’état de santé individuel, de 6 l’environnement sanitaire, de l’éducation, des services de santé et des « petits soins ». Ainsi, pour être en état de sécurité nutritionnelle, un individu doit : 1) être en sécurité alimentaire ; 2) être en bonne santé, et vivre dans un environnement propre et sain limitant l’incidence des maladies et avoir accès à des services de santé adéquats ; 3) recevoir une éducation lui permettant d’améliorer son niveau de vie, ainsi que des soins et une attention particulière de la part de ses proches.

Table des matières

RÉSUMÉ
INTRODUCTION
1 CONCEPTS ET ÉTAT DE L’ART
CONCEPTS LIÉS À LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
CONCEPTS LIÉS À L’ALIMENTATION ET AU MONDE RURAL MALGACHE
REVUE DE LITTÉRATURE
2 MATÉRIELS ET MÉTHODES
MATÉRIELS
MÉTHODES
3 RÉSULTATS
LES CARACTÉRISTIQUES DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN RÉGION ATSINANANA
LES FACTEURS DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN RÉGION ATSINANANA
CONTRIBUTION DES PROJETS À LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
4 DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
DISCUSSIONS
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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