Evaluation de la sensibilité des vecteurs du paludisme aux insecticides

Mémoire de Diplôme de Master en Biologie Animale
Spécialité : ENTOMOLOGIE

Evaluation de la sensibilité des vecteurs du paludisme aux insecticides

Généralités sur les vecteurs du paludisme 

Les moustiques ou Culicidae sont des Arthropodes, de l’ordre des Diptera et sous ordre des Nematocera. Les moustiques, regroupés en trois sous-familles (Toxorhynchitinae, Anophelinae et Culicinae), constituent la plus importante famille de vecteurs d’agents pathogènes et seuls les Anophelinae avec le genre Anopheles transmettent le paludisme humain (Gillies et al., 1968) Figure 1: Systématique des culicidae Source : (Diedhiou, 2007) Il existe environ 500 espèces d’anophèles dont une cinquantaine est capable de transmettre le paludisme à l’homme. Mais dans la pratique, seules 20 espèces assurent l’essentiel de la transmission dans le monde (Pages et al., 2007). Chacune d’elles présente des 3 caractéristiques éco-géographiques qui lui sont propres et qui déterminent l’épidémiologie locale de la maladie ainsi que sa biodiversité (Mouchet, 1999). Ainsi, la répartition du paludisme dépend en partie des caractéristiques intrinsèques du vecteur (compétence vectorielle) et de sa capacité vectorielle qui permettent de distinguer différentes zones épidémiologiques telles que les zones d’anophèlisme sans paludisme, en raison de leur incompétence à transmettre. En outre le faciès épidémiologique peut être également défini par le type de transmission, lequel dépend des caractères du vecteur, son environnement et de la fréquence des rencontres homme-vecteur ( IFMT, 2007). Au Sénégal, une vingtaine d’espèces anophèliennes ont été décrites, parmi lesquelles seules quatre (An. coluzzii, An. arabiensis et An. funestus) jouent un rôle de vecteurs majeurs, trois (An. nili, An. pharoensis et An. melas) un rôle de vecteurs secondaires ou focaux et le reste (comme An. rufipes et An. ziemanni) ne joue aucun rôle dans la transmission de la maladie en raison de leur faible anthropophilie et/ou longévité ( Diagne et al., 1994 ; Niang et al., 2014).

 Bio-écologie des moustiques 

 Cycle de développement 

Les moustiques sont des insectes holométaboles. Leur cycle de développement (fig. 2) est marqué par une phase pré-imaginale aquatique (œufs, larves, nymphes) et une phase adulte terrestre (Diabate, 1999) – Œufs : Une ponte d’anophèle est composée habituellement de 50 à 300 œufs. Pondus isolément sur la surface de l’eau par la femelle au vol, ceux-ci sont de couleur blanche à la ponte puis brunissent. Ils sont de forme allongée d’un 1/2 millimètre de longueur et munis de deux flotteurs latéraux (Carnevale et al., 2009). – Larves : Les larves d’anophèles se reconnaissent des larves d’autres insectes aquatiques par l’absence, entre autres, de pattes et par un thorax relativement gros. Morphologiquement, le corps de la larve (fig. 4) est composé de trois parties : la tête, le thorax et l’abdomen. Au cours de son développement, la larve subit 3 mues et passe ainsi par 4 stades larvaires morphologiquement comparables ; la mue qui survient entre chaque stade permet l’accroissement de la taille de la larve avant que la nouvelle cuticule ne durcisse. Au stade IV la larve d’anophèle mesure environ 12 à 15 mm (Carnevale et al., 2009). – Nymphes : La dernière phase aquatique intervient à la fin du 4éme stade larvaire. La cuticule des larves se fend dorsalement et laisse s’échapper une nymphe. Celle-ci est 4 très mobile, ne se nourrit pas et respire à travers deux trompettes situées sur le céphalothorax. Pendant la période nymphale, l’insecte subit de profonds remaniements morphologiques et l’adulte est préformé à la fin de ce stade. L’émergence des adultes intervient au bout de 48 heures et a lieu en général la nuit (Diabate, 1999). – Adulte : La biologie de l’adulte est orientée avant tout vers la fonction de reproduction, qui requiert à la fois des comportements et une nutrition appropriés. Le tégument de la femelle durcit 12 à 24 heures après l’émergence pendant que les organes de reproduction évoluent vers la maturité sexuelle. Le temps nécessaire pour atteindre celle-ci est de 3 jours chez le mâle. Mâles et femelles volent alors et vont à la recherche d’un repas de jus sucré (nectar des fleurs, fruits en décomposition etc.). Ce repas doit leur permettre de couvrir leurs besoins énergétiques. A ce stade de leur développement, la plupart des moustiques essaiment au crépuscule afin de copuler. En général ce sont les mâles qui forment les essaims et les femelles s’y introduisent pour choisir un partenaire et se faire féconder (Diabate, 1999). 

 La lutte anti-vectorielle et les insecticides dans la lutte anti-vectorielle 

 lutte anti-vectorielle

 La lutte anti-vectorielle (LAV) est l’une des principales approches de lutte antipaludique qui cible les vecteurs dans le but de les détruire, de réduire leur densité et/ou longévité avec pour principal objectif la diminution de l’incidence palustre par l’abaissement des taux de transmission (OMS, 2006) La LAV est l’une des méthodes de prévention les plus utilisées pour la lutte antipaludique. Elle comprend trois principales approches stratégiques. La première est la diminution du contact homme-/vecteur par l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide, l’amélioration des habitats et enfin l’utilisation des répulsifs et spirales anti-moustiques. La deuxième se veut adulticide visant à réduire la longévité des moustiques adultes avec la pulvérisation intra domiciliaire à effet rémanent (PID), l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide et enfin la pulvérisation intra domiciliaire d’insecticide à effet rémanent. La troisième a pour vocation la réduction de la densité des vecteurs et est principalement dirigée contre les larves grâce à des mesures de luttes physiques (modifications ou aménagements environnementaux), chimiques (traitements larvicides) et/ou biologiques (Utilisant des bactéries et champignons entomo-pathogènes et poissons larvivores) (OMS, 2014). Elle peut aussi être dirigée contre les populations adultes dans des situations d’urgence comme les épidémies avec la pulvérisation spatiale d’insecticide. 

 Lutte chimique : Insecticides et modes d’action

 La lutte anti-vectorielle utilisant des produits chimiques s’appuie actuellement sur quatre classes d’insecticides homologuées par le WHOPES, que sont les pyréthrinoïdes, les organochlorés, les organophosphorés et les carbamate (OMS, 2012). Les pyréthrinoïdes et le DDT agissent en interférant sur les canaux sodiques du système nerveux central et périphérique. Ils ouvrent et maintiennent ouverts ces canaux, ce qui entraîne une excitation continue des nerfs, la paralysie puis la mort de l’insecte. Ils ont aussi un effet irritant, provoquant un mécanisme d’excito-répulsion aboutissant à une hyperactivité, une immobilisation rapide, l’inhibition de la nutrition, des durées d’atterrissage plus brèves et la désorientation du vol, ce qui réduit la capacité des insectes vecteurs à piquer. Les organophosphorés et les carbamates, quant à eux, agissent en inhibant la cholinestérase, empêchant la métabolisation de l’acétylcholine, un neurotransmetteur, et entraînant une surstimulation neuromusculaire aboutissant à la mort de l’insecte (OMS, 2014). 

Résistance aux insecticides

 La résistance est définie comme « l’apparition au sein d’une souche, de la faculté de tolérer des doses de substances toxiques qui exerceraient un effet létal sur la majorité des individus composant une population normale de la même espèce » (WHO, 1957). Depuis sa première description dans les années 50s, le nombre d’insectes résistants ne cesse d’augmenter et la résistance continue de se rependre touchant désormais près des deux tiers des pays où la transmission persiste. Elle concerne toutes les principales espèces de vecteurs et toutes les classes d’insecticides (OMS, 2012). D’un point de vue opérationnel, elle correspond à la situation dans laquelle les vecteurs ne sont plus tués par la dose létale standard d’un insecticide, ou quand ils arrivent à éviter le contact avec celui-ci pouvant se traduire en un échec opérationnel. Les facteurs induisant l’émergence de la résistance sont nombreux et le mécanisme impliqué chez un organisme dépend de la pression exercée et du mode d’action de l’insecticide utilisé (OMS, 2014)

 Principaux mécanismes de résistance

 Résistance métabolique

 La résistance métabolique provient d’une modification des systèmes enzymatiques qui détoxifie naturellement les substances étrangères dans l’organisme de l’insecte;. elle apparaît quand, du fait d’une activité intensifiée ou modifiée d’un système enzymatique, l’insecticide est détruite ou excrétée beaucoup plus rapidement que d’ordinaire, ce qui l’empêche d’atteindre le site d’action auquel il est destiné (OMS, 2012). En d’autres termes, c’est une modification des voies métaboliques de l’insecte de manière à détoxifier l’insecticide ou à éviter que le composé appliqué ne soit métabolisé en sa forme toxique. Il existe trois grandes classes d’enzymes qui sont impliquées dans la détoxification des insecticides. Il s’agit des glutathion-S-transférases (GST), des oxydases à fonction mixte (MFO) et des estérases (OMS, 2014). 

Résistance par modification du site cible

 La résistance par modification du site cible se produit quand le site sur lequel un insecticide agit est modifié chez une souche résistante, de sorte que l’insecticide n’arrive plus à se fixer efficacement et que l’insecte ne soit donc plus affecté, ou est moyennement affecté par le produit. Ce mécanisme de résistance, plus connu sous le nom de mutation Kdr, est en jeu au 7 niveau des canaux sodium voltage dépendant (CNaVdp) se traduisant par l’altération structurelle de ceux-ci résultant à la réduction de leur affinité vis-à-vis du DDT et des Pyréthrinoïdes (OMS, 2014). D’autres mutations du même genre, affectant soit l’acétylcholinestérase codé par le gène Ace1r , soit le récepteur de l’acide Gamma-aminobutyrique (GABA) codé par le gène rdl, induisent respectivement la résistance aux Organophosphorés et Carbamates d’une part et aux cyclodiènes et lindane (organochlorés) et au Fipronil (phénylpyrazoles) (OMS, 2012).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1 Généralités sur les vecteurs du paludisme
I.2 Bio-écologie des moustiques
I.2.1 Cycle de développement
I.3 La lutte anti-vectorielle et les insecticides dans la lutte anti-vectorielle
I.3.1 lutte anti-vectorielle
I.3.2 Lutte chimique : Insecticides et modes d’actions
I.4 Résistance aux insecticides
I.4.1 Principaux mécanismes de résistance
I.4.2 Détermination de la sensibilité des vecteurs aux insecticides
CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODES
II.1 Présentation de la zone d’étude
II.2 Choix des sites d’étude
II.3 Echantillonnage et traitement des larves
II.3.1 Echantillonnage des larves
II.3.2 Elevage des moustiques collectés en insectarium
II.4 Etude de la sensibilité aux insecticides des populations vectorielles
II.4.1 Test de sensibilité avec des papiers imprégnés
II.4.2 Principe du test de papier
II.4.3 Matériels du test
II.4.4 Procédure du test de sensibilité avec papiers imprégnés
II.4.5 Critères de validation du test et interprétation des résultats
II.5 Teste de sensibilité avec les bouteilles CDC
II.5.1 Principe du test CDC
II.5.2 Matériel du test CDC
II.5.3 Procédure du test de sensibilité avec la bouteille CDC
II.5.4 Critères de validation du test et interprétation des résultats
II.6 Traitement des échantillons au laboratoire
II.6.1 Extraction de l’ADN génomique des moustiques par la méthode CTAB 2%.
II.6.2 Amplification par PCR
II.6.3 Visualisation des produits de la PCR
II.6.4 Identification moléculaire du complexe Gambiae
II.6.5 Recherche de gène kdr
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSIONS .
III.1 Résultats des tests de sensibilité aux insecticides avec papiers imprégnés
III.2 Sensibilité aux insecticides des populations d’An. gambiae s.l. avec la méthode des papiers imprégnés
III.3 Résultats des tests de sensibilité aux insecticides avec les bouteilles CDC
III.4 Analyse moléculaire
III.4.1 Détection de la mutation Kdr-Ouest
III.4.2 Identification moléculaire des espèces du complexe Anopheles gambiae
III.5 Discussion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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