CAUSES DU TABAGISME ET CONSEQUENCES

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Physique et psychique

Chez les adolescents, les premiers symptômes de la dépendance peuvent apparaître rapidement après l’initiation au tabagisme. L’étude DANDY montre que, dans les quatre semaines suivant l’initiation tabagique, 22 % des adolescents rapportent au moins un signe de dépendance (50). Parmi ces derniers, 62 % ressentent ces symptômes de dépendance avant même une consommation quotidienne. Ce passage rapide de l’initiation au tabagisme à la dépendance nécessite donc d’intervenir précocement auprès de cette population.
On distingue schématiquement deux types de dépendance:
• La dépendance physiologique : l’organisme assimile à son propre fonctionnement la présence d’un produit développant des troubles physiques parfois graves en cas de manque (non présence du produit dans l’organisme), l’ensemble de ces troubles constituant ce qu’on appelle le syndrome de sevrage. La dépendance physique résulte des mécanismes d’adaptation de l’organisme à une consommation prolongée et peut s’accompagner d’une accoutumance, c’est-à-dire la nécessité d’augmenter les doses pour éprouver un même effet.
• La dépendance psychique, qui se subdivise en deux sous-groupes :
– La dépendance psychologique définie par le désir insistant et persistant de consommer qui peut parfois se traduire par des manifestations psychosomatiques (véritables douleurs physiques sans cause physiologique). La dépendance psychologique est bien plus liée aux caractéristiques des individus (états affectifs, styles de vie) qu’au produit lui-même.
– La dépendance comportementale qui correspond à des stimulations générées par les habitudes ou l’environnement, facteur de rechute.

A l’échelle moléculaire

La pharmacocinétique et la pharmacodynamie de la nicotine sont à prendre en considération afin de mieux comprendre les mécanismes de la dépendance La plupart des études se sont intéressées à la nicotine parce qu’elle est le principal alcaloïde du tabac, représentant 90 à 95 % du contenu total en alcaloïdes. Les alcaloïdes sont synthétisés dans les racines de tabac puis sont transportés dans les feuilles selon un gradient de concentration. La nicotine est plus concentrée dans les feuilles du sommet de la plante que dans les feuilles basses. Il y a des différences de contenu en alcaloïdes selon les variétés de plants de tabac. Le mélange de différentes variétés est d’ailleurs un moyen de contrôler le contenu en nicotine des produits tabagiques. Le contenu en alcaloïdes dépend aussi de la façon dont le tabac est traité après la récolte. Les tabacs blonds utilisés dans les cigarettes sont séchés par un flux d’air chaud dans des conditions hygrométriques contrôlées (flue-curing). Un tel traitement produit une fumée de tabac acide (pH 5-6). Les tabacs bruns utilisés dans les cigarettes européennes ou pour les tabacs à pipe ou à cigare, sont séchés au soleil ou à l’air libre (air-curing) après avoir subi une fermentation, dont le rôle est de baisser le contenu en alcaloïdes, naturellement plus élevé dans les tabacs bruns que dans les tabacs blonds. Ce traitement rend la fumée plus alcaline (pH 6-7 pour les cigarettes, pH 8 pour le tabac à pipe ou à cigare). La nicotine est une amine tertiaire composée d’un cycle pyrimidique et d’un cycle pyrrolidinique. Le stéréo-isomère naturel est la L-nicotine, qui est pharmacologiquement de 5 à 100 fois plus active (suivant le type d’activité spécifique) que l’isomère (52). Ce dernier est présent en faible quantité dans la fumée de tabac (jusqu’à 10 % du contenu en nicotine de la fumée), mais est absent du tabac lui-même, indiquant qu’une racémisation partielle se produit lors de la combustion.
En dehors de la nicotine, il existe de nombreux alcaloïdes du tabac présentant une parenté structurelle avec elle et qui pourraient avoir une importance pharmacologique non négligeable. Ces alcaloïdes mineurs représentent 8 à 12 % du contenu total en alcaloïdes : la nornicotine (N. tomentosa) ou l’anabasine (N. glauca) (53). La nornicotine et l’anabasine ont des propriétés pharmacologiques qualitativement similaires à celles de la nicotine. De plus, certains de ces alcaloïdes mineurs pourraient influencer les effets de la nicotine, mais à l’heure actuelle, il n’y a pas eu d’étude sur les effets pharmacologiques des alcaloïdes mineurs du tabac chez l’homme.

Pharmacocinétique de la nicotine

Le devenir de la nicotine dans l’organisme va directement influencer le comportement du fumeur et participer à la dépendance.L’absorption de la nicotine à travers les membranes cellulaires est dépendante du pH. En milieu acide, la nicotine est sous forme ionisée et ne passe pas facilement les membranes. À pH physiologique (pH = 7,4), environ 31 % de la nicotine est sous forme non ionisée et traverse aisément et rapidement les membranes. La façon dont le tabac est traité après récolte puis utilisé peut induire des différences considérables dans la vitesse et l’importance de l’absorption de la nicotine. Les utilisations rituelles (magicoreligieuses) telles que la chique, le léchage, l’absorption sous forme de boisson, ou l’administration rectale de dérivés du tabac, reposent sur une absorption gastro-intestinale de la nicotine (53). En milieu alcalin, la nicotine est rapidement absorbée à travers les muqueuses buccale et nasale en raison de la finesse de leur épithélium et de leur abondante irrigation sanguine. L’utilisation de ces voies d’administration (tabac à chiquer, prise) produit des nicotinémies significatives, car elles évitent l’effet du premier passage hépatique (54). La nicotine déglutie est absorbée au niveau de l’intestin grêle. Après absorption par le système porte, la nicotine subit le métabolisme hépatique présystémique, de sorte que sa biodisponibilité est relativement faible (30-40 %). C’est pourquoi il estimportant d’éviter le plus possible de déglutir sa salive lorsque l’on utilise une forme orale de substitution nicotinique.Le pH de la fumée de tabac à pipe ou à cigare est alcalin, c’est pourquoi les fumeurs primaires de pipe ou de cigare (qui n’ont jamais fumé de cigarettes) n’ont pas besoin d’inhaler la fumée pour obtenir des nicotinémies conséquentes (55). Le pH de la fumée de tabac blond, trouvé dans la majorité des cigarettes consommées actuellement, est acide. Contrastant avec le tabac à pipe ou à cigare, cette fumée ne permet qu’une faible absorption buccale, même si elle est retenue plus longtemps dans la bouche. L’inhalation est donc nécessaire pour permettre à la nicotine d’être absorbée par l’énorme surface de l’épithélium alvéolaire. Dans les poumons, la nicotine est rapidement absorbée par la circulation systémique. Cette absorption est facilitée car le flux sanguin des capillaires pulmonaires est élevé. Chaque minute, la totalité du volume sanguin passe par ces vaisseaux. La nicotinémie augmente rapidement lors de la consommation d’une cigarette, et atteint un pic plasmatique à la fin de celle-ci. Ainsi, la nicotine absorbée à partir de la fumée de tabac se distribue rapidement dans divers organes, dont le cerveau.La cinétique d’absorption de la nicotine peut être examinée en détail en utilisant les données pharmacocinétiques et la technique mathématique de la déconvolution (56). Cette procédure implique une administration intraveineuse de nicotine pour déterminer sa cinétique d’élimination, puis la mesure de la nicotinémie après absorption de nicotine par la fumée de cigarette ou par un autre mode d’administration. En utilisant les concentrations plasmatiques après n’importe quel mode d’administration et la fonction représentant la courbe d’élimination calculée après la dose intraveineuse, cette technique permet d’estimer la vitesse d’absorption de la nicotine à tout instant. Cette méthode montre que la nicotine est absorbée très rapidement à partir de la fumée de cigarette, et que cette absorption est terminée à la fin de la consommation de celle-ci. Au contraire, l’absorption à partir de produits non fumés (chique, prise,
gomme à la nicotine) subit un certain délai et atteint un pic environ 30 minutes après le début de l’administration (figure 10). L’absorption se poursuit pendant plus de 30 minutes après que le produit a été retiré de la bouche. Cette dernière phase reflète probablement l’absorption retardée de la nicotine déglutie (absorption intestinale). Les données individuelles de cette étude montrent que l’absorption de la nicotine varie considérablement en fonction des individus, à la fois en ce qui concerne la vitesse et l’importance de l’absorption.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I. Historique
II. Plante utilisée
II.1. Description
II.2. Culture
II.3. Transformation
II.4. Différents types de tabac non transformé
III. Composants chimiques du tabac
III.1. Éléments présents dans la plante de tabac
III.2. Produits ajoutés par les fabricants
III.3. Substances générées par la combustion du tabac
III.5. Fumée de tabac
III.6. Substances Cancérigènes
IV. Différentes présentations du tabac
IV.1. Tabac fumé
IV.1.1. Cigarette
IV.1.2. Tabac à rouler
IV.1.3. Cigare et pipe
IV.1.4. Narguilé ou chicha
IV.1.5. Bidies
IV.2. Tabac non fumé
V. Nouvelle forme : la cigarette électronique
DEUXIEME PARTIE : CAUSES DU TABAGISME ET CONSEQUENCES
I. Déterminants de l’initiation au tabagisme
I.1. Facteurs psychosociaux
I.2. Facteurs sociaux
I.2.1. Statut socioéconomique (SSE)
I.2.2. Appartenance ethnique ou socio-culturelle
I.2.3. Entourage
I.2.4. Événements indésirables de l’enfance (EIE)
I.2.5. Rôle du marketing et du cinéma
I.3. Facilité d’accès
II. Facteurs de la dépendance
II.1. Facteurs sociaux
II.1.1. Caractéristiques sociodémographiques
II.1.2. Tabagisme dans l’entourage proche
II.2. Facteurs individuels
II.2.1. Facteurs psychologiques et comportementaux
II.2.2. Facteurs génétiques
III. Conséquences
III.1. Physique et psychique
III.2. A l’échelle moléculaire
III.2.1. Pharmacocinétique de la nicotine
III.2.2. Exposition chronique à la nicotine
III.2.3. Pharmacodynamie de la nicotine
III.2.3.1. Nicotine et dépendance
III.2.3.2. Tolérance
III.2.4. Propriétés des récepteurs nicotiniques
TROISIEME PARTIE : SEVRAGE AU TABAC
I. Principes généraux
II. Syndrome de manque
III. Bénéfices de l’arrêt du tabac
IV. Prise en charge du sevrage tabagique
IV.1. Avant le traitement
IV.1.1. Tests de repérage
IV.1.2. Test de Fagerström
IV.1.3. Test de Horn
IV.1.4. Motivation
IV1.5. Facteurs prédictifs à l’arrêt du tabac
IV.2. Traitement
IV.2.1. Traitements de première intention
IV.2.1.1. Accompagnement par un professionnel de santé
IV.2.1.2. Traitements nicotiniques de substitution
IV.2.1.2.1. Timbres transdermiques
IV.2.1.2.2. Formes orales à action rapide
IV.2.1.2.3. Inhaleurs
IV.2.1.2.4. Sprays buccaux
IV.2.1.3. Soutien téléphonique
IV.2.1.4. Outils d’auto-support
IV.2.2. Traitements de seconde intention
IV.2.2.1. Varénicline : CHAMPIX®
IV.2.2.2. Bupropion : ZYBAN LP®
IV.3. Autres méthodes
CONCLUSION
REFERENCES

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