CONSEQUENCES DE L’INTRODUCTION D’ATOMES DE FLUOR AU SEIN DE CHAÎNES PEPTIDIQUES

CONSEQUENCES DE L’INTRODUCTION D’ATOMES DE FLUOR AU SEIN DE CHAÎNES PEPTIDIQUES

Généralités sur l’atome de fluor

Electronégativité et force de liaison Avec une électronégativité χ = 4 assignée par Pauling, le fluor est l’élément le plus électronégatif de la table périodique.17 Quand il est lié à un atome de carbone, il forme la plus forte des liaisons en chimie organique. Dans le cas d’une liaison C-F, ceci a notamment pour conséquence la création d’une liaison C-F hautement polarisée avec un moment dipolaire de l’ordre de 1,4 D. Dans les systèmes saturés, la présence d’un atome de fluor provoque un effet inductif où les électrons sont fortement attirés vers l’atome de fluor. Dans les systèmes insaturés, la double liaison est ainsi également polarisée (Figure 1). Figure 1 : Polarisation de la liaison C-F dans les systèmes saturés et insaturés La force de la liaison C-F est ainsi attribuée à l’attraction électronique considérable entre F δet Cδ+ plutôt qu’à un partage d’électrons comme dans le cas de liaisons covalentes classiques.Ainsi, Wiberg et al. 18 utilisent cet argument pour expliquer la diminution de la taille des liaisons C-F du groupe CHnFn plus le nombre d’atomes de fluor augmente (Figure 2). Figure 2 : Distance entre atomes de carbone et de fluor dans le système CHnFn Le cas extrême du tétrafluorométhane CF4 peut être considéré comme un carbone C4δ+ , neutralisé par quatre ions partiels fluor. La densité de charge positive présente sur l’atome de carbone augmente linéairement de 0,5 unité de charge par atome de fluor supplémentaire. Ainsi, chaque atome de fluor est attiré vers un atome de carbone de plus en plus chargé positivement, résultant en une diminution de la longueur des liaisons C-F. Du à cette forte électronégativité, les trois paires d’électrons libres présentes sur l’atome de fluor sont fortement retenues par celui-ci. Ainsi, quand le fluor d’une liaison C-F interagit avec son environnement, il s’agit généralement d’interactions électrostatiques ou dipolaires.12 1.2. Effets stériques et électroniques Concernant sa taille, l’atome de fluor possède un rayon de Van der Walls (1,47 Å) compris entre celui de l’oxygène (1,57 Å) et celui de l’hydrogène (1,20 Å). La substitution d’un atome d’hydrogène ou d’un groupe hydroxyle par un atome de fluor est donc souvent observée en chimie médicinale dans les molécules biologiquement actives car cela n’entraine pas de contrainte stérique trop importante au niveau des sites récepteurs.10 En revanche, l’introduction d’un groupement trifluorométhyle au sein d’une molécule impose un changement stérique bien plus drastique. Son volume de Van der Walls est ainsi similaire à celui d’un groupement éthyle. 19 Cependant, ces deux groupes ont des formes bien différentes, celle du groupement trifluorométhyle se rapprochant plus d’un groupement isopropyle. Les effets purement électroniques peuvent aussi influencer la conformation d’une molécule. L’exemple du 1,2-difluoroéthane illustre ce concept. Alors que nous pourrions nous attendre à une répulsion des deux atomes de fluor, favorisant une conformation anti, le 1,2- difluoroéthane adopte préférentiellement une conformation gauche (Figure 3). 12,17,20 Figure 3 : Représentation de Newman des conformations gauche et anti du 1,2-difluoroéthane O’Hagan12 explique cette préférence du 1,2-difluoroéthane pour la conformation gauche par le phénomène d’hyperconjugaison. Dans le modèle d’hyperconjugaison, le conformère gauche possède deux interactions σC-H —σ*C-F stabilisantes. MacDougall et al. 21 interprètent par ailleurs cet effet du fluor par le phénomène de « liaison C-F courbée ». Les liaisons C-C et C-H sont riches en électrons comparativement aux liaisons C-F, avec des électrons globalement répartis au milieu de la liaison, alors que dans le cas de la liaison C-F polarisée, les électrons sont proches de l’atome de fluor. Dans le cas d’une conformation anti du 1,2-difluoroéthyle (Figure 3), la trajectoire de la densité électronique ne permettrait pas un bon recouvrement des orbitales (Figure 4) alors que dans celui d’une conformation gauche, l’attraction électronique vers les atomes de fluor permet de conserver un bon recouvrement orbitalaire.

Modification du pKa 

Le remplacement d’un atome d’hydrogène par un atome de fluor n’a pas seulement des conséquences stériques ou électroniques mais peut aussi entrainer des modifications importantes du pKa des fonctions voisines. Dans les cas des α-aminoacides où deux coefficients de dissociation pKa peuvent être mesurés, ceux des fonctions amine et acide, ceci est particulièrement observable.23 Plus on introduit d’atomes de fluor en position β d’une alanine, et plus on acidifie les deux fonctions acide et amine. Le Tableau 1 résume ainsi les différences de pKa (pKa) observées par introduction progressive de fluor en position β d’une alanine. Tableau 1 : Différence de Pka observées par ajout de fluor en position β d’une alanine23 Cette perturbation du pKa peut, en dehors de considérations physicochimiques modifier les propriétés pharmacocinétiques et l’affinité de liaison d’agents biologiques pour leur cible. Par ailleurs, cette modulation du pKa peut avoir des conséquences sur la biodisponibilité d’un produit (pourcentage de produit qui atteint la circulation sanguine et noté F) par modification du processus d’absorption.10 En effet, un produit administré par voie orale peut voir sa biodisponibilité diminuée par une mauvaise absorption intestinale ou un métabolisme de premier passage hépatique, contrairement aux produits administrés par voie intra-veineuse (biodisponibilité de 100%). Dans certains cas, une augmentation de la biodisponibilité par voie orale est observée par fluoration de produits pharmaceutiques aminés par diminution de la basicité de cette fonction. Ainsi, dans le cas de drogues antipsychotiques de type 3-piperidinylindole, il a été prouvé que la fluoration en  position γ de l’amine réduisait son pKa de plus d’une unité et augmentait de ce fait sa biodisponibilité de 18% chez le rat et 37% chez le chien (Tableau 2).De plus, comme le composé initial est métabolisé par hydroxylation en position 6 de l’indole, l’incorporation en cette position d’un atome de fluor bloque l’action enzymatique augmentant considérablement la biodisponibilité ainsi que l’affinité d’interaction.  a affinités pour des clones de récepteurs humains 5-HT2A (nM) b Biodisponibilités calculées pour des doses de 0,5-2 mg.kg-1 par injection intraveineuse ou par voie orale Tableau 2 : Basicité et biodisponibilité de dérivés antipsychotiques de type 3-piperidinylindole D’autres exemples sont également décrits dans la littérature, comme dans le cas de composés à visée antimigraineuse sélectifs des récepteurs 5-HT1D. La basicité de la fonction amine est réduite par mono- ou di-fluoration avec comme conséquence une augmentation importante de la biodisponibilité.

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