Du bâti ancien au bâti contemporain : un bouleversement des logiques constructives

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Sensibilité des matériaux bio-sourcés à l’humidité

Lors de l’étude à l’échelle de la paroi, la sensibilité des matériaux bio-sourcés à l’humidité implique également une attention particulière concernant les risques d’un contact prolongé à de hautes humidités. En effet, des conditions défavorables entrainent des risques de condensation superficielle et interstitielle qui pourraient provoquer une dégradation microbienne progressive ainsi qu’une dégradation des propriétés mécaniques des tissus végétaux. Une description plus détaillée des risques de développements microbiens est donnée Chapitre 6.
Lorsque la mise en œuvre de ces matériaux nécessite un apport d’eau conséquent, leur capacité à stocker l’humidité a alors des conséquences sur le temps de séchage. Cette particularité peut générer un fort apport d’humidité dans l’air ambiant et au sein de la paroi pendant la période de séchage.

Caractérisation à l’échelle du matériau

Plusieurs auteurs soulignent la complexité d’avoir une caractérisation fiable des matériaux bio-sourcés (Latif et al. 2014; Mougel 2012). Celle-ci s’explique de par certaines particularités des isolants bio-sourcés (hétérogénéité, anisotropie, perméabilité à l’air et forte hygroscopicité), la spécificité de la structure végétale (gonflement avec l’humidité, fragilité) et l’influence de la teneur en eau sur les propriétés de transfert.
(Latif et al. 2014) relèvent que la forte hétérogénéité des mélanges chaux-chanvre se reflète dans les écarts-types élevés obtenus sur les résultats de caractérisation du matériau notamment sur la perméabilité à la vapeur rendant difficile l’obtention de valeurs permettant de définir précisément la performance hygrothermique d’un matériau. L’hétérogénéité du matériau peut découler de la mise en œuvre, par exemple, pour le béton de chanvre appliqué par projection, les premières particules projetées ont tendance à être plus compactées que les dernières (Pierre and Colinart 2004). De plus, selon la technique utilisée, une orientation privilégiée des fibres peut apparaitre dans le matériau.
L’accès à la microstructure de ces matériaux est également complexe du fait de la fragilité des cellules végétales. La mesure de la porosité par intrusion de mercure risque par exemple de dégrader et donc de modifier la structure porale. La porosimétrie au mercure est un moyen largement utilisé pour accéder à la distribution des diamètres de pores d’un milieu poreux. Le mercure est introduit progressivement dans le réseau poreux initialement vide. Le mercure étant un liquide non-mouillant au contact de la majorité des matériaux, il ne pénètre pas spontanément dans les pores sous l’action des forces capillaires et il est nécessaire d’appliquer une pression supérieure à la pression capillaire pour le forcer à pénétrer dans les pores de l’échantillon. Or, pour une composante végétale l’angle de mouillage peut être plus difficile à déterminer et de plus les traces d’eau résiduelle dans le matériau peuvent modifier l’emplacement des pics de la distribution porale. Or, un séchage à une température trop élevée risque d’endommager la structure de la particule végétale. Il est donc recommandé de ne pas dépasser 90°C pour le préconditionnement du matériau avant mesure.
De façon générale, l’étalement de la distribution porale des agrégats végétaux oblige à combiner plusieurs techniques de caractérisation pour avoir accès à toute la gamme de la porosité (Amziane, Arnaud, and Challamel 2013). A haute humidité, les cellules végétales peuvent être soumises à un gonflement, modifiant leur capacité d’absorption en augmentant la surface disponible pour l’adsorption (Latif et al. 2014).
L’importante perméabilité à l’air de certains isolants et la dépendance entre les propriétés hygrothermiques et la teneur en eau questionnent la validité de tests de caractérisation pourtant largement utilisés. (Duforestel 2015) observe que l’essai à la coupelle, qui est un essai normalisé (NF EN ISO 12572-2001), sous-estime probablement la perméabilité à la vapeur réelle des échantillons dans le cas de matériaux peu denses et très perméables à l’air. En effet ce test ne prend pas en compte la variation de la pression totale et les transferts par advection sont alors négligés (Berger et al. 2017).
Pour prendre en compte les performances hygrothermiques des matériaux bio-sourcés, il est nécessaire de considérer également leur comportement hygrothermique en régime dynamique. Le transfert de masse a un impact significatif sur le transfert de chaleur pour ces matériaux en corrélation avec les chaleurs latente et de sorption (Amziane and Collet 2017).
Or, les propriétés des matériaux sont majoritairement obtenues au travers de méthodes stationnaires. Ces méthodes ne sont pas adaptées à l’étude de l’influence de la teneur en eau sur les propriétés. Dans le cas de l’étude de la conductivité thermique, le gradient de température inhérent au test de la plaque chaude gardée crée également un gradient d’humidité au sein du matériau, mais la vitesse de migration de la vapeur n’est pas en adéquation avec la durée de l’essai (Clarke and Yaneske 2009). En réponse, des méthodes quasi stationnaires et des méthodes inverses sont actuellement développées (Rouchier et al. 2017).
Le test de la capacité de tampon hygrique (Moisture Buffer Value) est un test réalisé sous sollicitations dynamiques. Peu utilisé jusqu’alors sur les matériaux de construction courants, il se révèle une façon de valoriser le caractère hygroscopique des matériaux bio-sourcés et donc leur performance hygrothermique.

Etude à l’échelle de la paroi et du bâtiment

La majorité des tests présentés précédemment est réalisée à l’échelle du matériau. En réalité, les matériaux bio-sourcés, principalement lorsqu’ils sont utilisés pour l’isolation, sont placés au sein d’une paroi multi-couches. La combinaison de plusieurs matériaux ainsi que les différents types de sollicitations peuvent entrainer des réponses hygrothermiques différentes.
Reprenant le principe d’un système multi-couches, (Latif et al. 2015) étudie l’influence d’une couche de finition sur un mélange chaux-chanvre démontrant l’importance de celle-ci sur la capacité de tampon hygrique. Celui-ci montre que l’ajout d’une plaque de plâtre sur un mélange chaux-chanvre diminue par deux sa capacité de tampon hygrique lors du test du MBV.
L’étude à l’échelle de la paroi permet d’étudier le matériau intégré à une paroi multi-couches. En effet, l’ordre des matériaux au sein de la paroi, mais également la nature de l’interface jouent un rôle majeur dans les transferts de chaleur et de masse (De Freitas, Abrantes, and Crausse 1996).
Cette échelle permet également d’étudier la réponse de la paroi soumise à des sollicitations dynamiques côté extérieur (soit contrôlées lorsque la paroi appartient à une cellule expérimentale en laboratoire, soit libres en climat réel) et côté intérieur par les charges de chauffe et d’humidité si le bâti est occupé. Dans le cas d’une étude in-situ hors du cadre d’un laboratoire, l’étude du comportement dynamique des parois représente un cas de rénovation réaliste, où les caractéristiques de la paroi (hétérogénéité, propriétés hygrothermiques des matériaux) ne sont pas connues.
Parmi les difficultés relevées pour mener une instrumentation de cette envergure, on notera la durée importante nécessaire pour obtenir des mesures de qualité ainsi que la précision des capteurs. L’humidité relative est un paramètre particulièrement difficile à mesurer avec précision, la majorité des capteurs affiche une erreur de 5% et une forte déviance dans les hautes humidités rendant difficile l’obtention de mesures de qualité.
De plus, l’accumulation d’humidité au sein de la paroi se produit sur des échelles de temps se comptant sur plusieurs années. Les relevées des teneurs en eau devraient donc s’échelonner sur 3 à 5 ans afin de valider la durabilité d’une paroi suite à une rénovation thermique.

Modéliser les transferts couplés au sein des matériaux bio-sourcés

La modélisation des transferts couplés permet d’étudier la réponse hygrothermique de parois soumises à des sollicitations dynamiques. Dans notre cas d’étude, les transferts de masse ne peuvent être négligés au vu de la sensibilité à l’humidité des différents matériaux utilisés. Les simulations permettent d’élargir l’étude grâce à la variété de cas pouvant être étudiés mais également d’évaluer la durabilité de la paroi, en réalisant, plus facilement que pour l’instrumentation in-situ, des études sur de longues périodes de temps.

Table des matières

Introduction générale
CHAPITRE 1 : Contexte politique, économique et social
1. Introduction
2. Rénover le bâti ancien
2.1. Du bâti ancien au bâti contemporain : un bouleversement des logiques constructives
2.2. Une réglementation thermique différente
2.3. Particularité de la rénovation en milieu urbain
3. Utiliser les isolants bio-sourcés
3.1. Un matériau soutenable
3.2. Confort et santé
3.3. Blocage de la filière
4. Mettre en place un Living Lab pour dépasser les blocages
4.1. Le Living Lab pour répondre à la complexité
4.2. Les limites du Living Lab mis en place à Cahors
5. Conclusion
6. Références
CHAPITRE 2 : Contexte scientifique et méthodologie
1. Introduction
2. Particularités physiques des matériaux bio-sourcés
2.1. Un milieu poreux
2.2. Influence sur les propriétés hygrothermiques
2.3. Sensibilité des matériaux bio-sourcés à l’humidité
3. Caractérisation à l’échelle du matériau
4. Etude à l’échelle de la paroi et du bâtiment
5. Modéliser les transferts couplés au sein des matériaux bio-sourcés
6. Méthodologie adoptée dans le cadre de la thèse
7. Conclusion
8. Références
CHAPITRE 3 : Dispositifs expérimentaux
1. Introduction
2. Caractérisation des matériaux
2.1. Composition et choix des matériaux
2.2. Propriétés microstructurales
2.3. Propriétés thermo-physiques
2.4. Propriétés hydriques.
2.5. Conclusion
3. Instrumentation in-situ
3.1. Cas d’étude
3.2. Suivi à long terme
3.3. Résultats
4. Conclusion du chapitre
5. Références
CHAPITRE 4 : Influence de la morphologie urbaine
1. Introduction
2. Caractérisation de la morphologie et de la climatologie urbaine
2.1. Morphologie urbaine
2.2. Modification des conditions aux limites par le microclimat urbain
2.3. Définition d’indicateurs
3. Méthodologie associée et validation des outils numériques utilisés
3.1. Analyse en composantes principales
3.2. Association EnergyPlus-ArcGIS
4. Résultats et analyses
4.1. Etude du tissu urbain
4.2. Résultats
5. Conclusion
6. Références
CHAPITRE 5 : Transferts de chaleur et de masse
1. Introduction
2. Transferts de chaleur et de masse dans les milieux poreux
2.1. Mécanismes de transfert d’humidité et de stockage dans les matériaux
2.2. Mécanismes de transfert de chaleur
3. Sélection d’un outil de simulation hygrothermique
3.1. Présentation du modèle DELPHIN 5
3.2. Validation et vérification du modèle
4. Cas d’étude: Caractéristiques des parois
4.1. Description des parois
4.2. Présentation des matériaux
4.3. Hypothèses du modèle et choix de simplification
4.4. Conditions aux limites
4.5. Configurations étudiées
5. Résultats et discussion
5.1. Comparaison des configurations [REF] et [RAD.M]
5.2. Comparaison des configurations [RAD.M] et [F.OBST]
5.3. Comparaison des configurations [WDR_ville] et [WDR_fact3]
5.4. Influence du coefficient de convection massique [COEF.M]
5.5. Comparaison de chacune des configurations pour la paroi Ouest
6. Conclusion
7. Références
CHAPITRE 6 : Durabilité de la paroi
1. Introduction
2. Croissance de moisissures et évaluation du risque
3. Choix du modèle, de l’indicateur et des paramètres
3.1. Modèle VTT
3.2. Choix des différents indicateurs
4. Résultats et analyse
4.1. Identifications des variables représentatives
4.2. Facteur de risques en fonction de l’orientation et de la typologie de la paroi
4.3. Cartographie des résultats
5. Conclusion
6. Références
CONCLUSION
Conclusions des chapitres
Perspectives de recherche.

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