Le texte de théâtre au cycle 3. Quels enjeux ? Quelles pratiques ?

Le texte de théâtre au cycle 3. Quels enjeux ? Quelles pratiques ?

THÉÂTRE ET LITTÉRATURE

Les enfants n’aiment pas (ou plus) lire entend-on souvent. La lecture aurait cédé face à l’attractivité grandissante du monde de l’image, des films et autres jeux vidéo. J’ai moimême, au début de cette première année d’enseignement, la représentation d’une culture littéraire relativement pauvre chez la plupart des jeunes élèves, et surtout l’idée qu’ils ne développent que peu d’intérêt pour la littérature, vue comme « une chose du passé ». Cependant, dès le début de l’année, je suis assez surprise, et ce dans le bon sens. Ma classe de CM2 est inscrite au prix de littérature jeunesse des Incorruptibles, association dont l’objectif est de « susciter l’envie et le désir de lire des plus jeunes à travers des actions lecture autour d’une sélection de qualité8 ». Pour être Incorruptibles, les jeunes lecteurs s’engagent « à lire les ouvrages qui ont été sélectionnés, se forger une opinion personnelle sur chacun des livres, et enfin voter pour leur livre préféré » afin de décerner un prix à l’un des sept romans « jeunesse » de la sélection (sélection CM2/6è pour ce qui nous concerne). Très rapidement, les livres reçus en classe circulent. Les élèves recherchent tel ou tel titre, attendant parfois impatiemment qu’il soit libre… Il y a du désir et de l’attente. Donc, la plupart de mes élèves lisent, et pour certains avec une certaine avidité. Que lisent-ils ? Des romans qui leur sont destinés, et qui mettent en scène des héros leur ressemblant ou qui interrogent des thèmes qui leur sont proches (la famille, l’adolescence, l’école, l’amitié, l’amour…) ou encore des récits d’aventures fantastiques. J’observe en effet chez certains, parallèlement à ces lectures de romans sélectionnés par les Incorruptibles, un grand intérêt pour des ouvrages à destination des jeunes relevant d’une veine « SF », que quelques-uns parmi mes élèves dévorent les uns après les autres Cependant, si beaucoup de mes jeunes élèves semblent acquis à la lecture de romans « jeunesse » contemporains, c’est-à-dire à une littérature qui s’adresse directement à eux, comment les amener à s’ouvrir au « reste » de la littérature, notamment aux textes classiques ? Quels moyens pourraient permettre de leur faire accroître leur champ de lecture ? Autrement dit, comment faire grandir le désir de lire et le goût pour la littérature ? 

  De la nécessité de faire entendre la littérature

 J’ai donc envie dès le début de l’année d’accroître le désir de lecture et le champ de lecture de mes élèves préadolescents, envie de les aider à acquérir cette culture commune si nécessaire et si nourrissante. Axer mon travail sur l’acculturation et le développement du « goût de lire » suppose la mise en place de séances de littérature motivantes pour les élèves. La première pratique qui fut réellement convaincante, c’est simplement celle la lecture magistrale. Si le théâtre est un art de la transmission, la lecture oralisée, proche du travail du conteur, en est un premier pas essentiel9 . La pratique de la lecture (à voix haute/magistrale) permet un accès au sens plus aisé, la voix agit comme médiatrice du texte, elle cherche à le fait entendre, vivre, vibrer. J’ouvre généralement les séances de littérature par la lecture d’un chapitre ou d’un extrait du texte à l’étude, ce qui a pour effet de capter l’attention des élèves. Pourtant si aptes au bavardage et parfois même à la dispersion, ils sont rapidement captés, voire captivés. L’expérience se répète, les textes changent (il s’agit des textes étudiés en lecture longue, à savoir 35 kilos d’espoir, d’Anna Gavalda, Tirez pas sur le scarabée, de Paul Shipton, L’horloger de l’aube, d’Yvan Heurté, Le petit chaperon rouge, de Joël Pommerat, mais aussi de lectures offertes, Le Chat de Tigali, de Didier Daeninckx, Le feuilleton de Thésée, adapté par Muriel Szac), et pourtant c’est toujours vérifié : ils aiment, tous, qu’on leur lise des histoires. J’y mets du cœur, « lecture magistrale très expressive » peut-on lire dans un des rapports de visite de ma tutrice. Je cherche à créer ce fameux horizon d’attente essentiel pour motiver la lecture. Il y a, certes, de multiples raisons de lire. L’une, essentielle pour ce qui concerne la littérature, a évidemment à voir avec le désir et le plaisir.Ces lectures magistrales provoquent un vif engouement et elles vont aussi aider au travail de compréhension sur les textes en question. Il s’agit alors pour moi de chercher à transférer cette compétence aux élèves, non pas avec l’ambition d’en faire des comédiens, mais afin de leur permettre de disposer de cette entrée supplémentaire dans un texte : la lecture oralisée, celle-ci étant déjà selon moi un acte théâtral. « (…) [L]’élève ignore souvent qu’il dispose d’un outil aux pouvoirs étonnants mais souvent inaperçus : sa voix. Celle-ci peut lui permettre de traduire des émotions variées aussi bien que des informations. Pourtant, la diction des textes est parfois délaissée en classe. (…) notre souci [est] d’attirer leur attention sur le fait que les intonations donnent de la vie à un texte.10 » Cependant, comme il est conseillé de ne pas demander un élève de lire oralement un texte qu’il découvre pour la première fois car « une lecture à voix haute est un acte difficile, même pour un lecteur expert. Elle suppose de sa part un entrainement régulier (pose de la voix, rythme de la lecture, jeu des intonations) et une préparation approfondie. La lecture à haute voix implique une appropriation précise du texte (et donc un travail d’explication préalable qui fait partie de la préparation) qui débouche sur des choix d’interprétation11 », je renonce pendant un temps à cette intuition de travailler sur l’acte fondamental de « lire et dire » le texte en amont de toute étude. J’y reviendrai. Il s’agit tout de même de faire travailler les élèves sur cet outil qu’est la voix, et je vais d’abord simplement explorer le créneau de poésie (Français / Langage oral), pour lequel l’élève doit être entrainé à « un travail régulier de récitation –mémorisation et diction, sur des textes en proses et des poèmes12 », et à « dire sans erreur et de manière expressive des textes en prose ou des poèmes13 ». Mon ambition par-delà ces séances est toujours d’ouvrir le champ de lecture de mes élèves, et il faut pour cela leur faire rencontrer des œuvres. La pratique du théâtre peut-elle aider mes élèves à comprendre des textes, et surtout des textes classiques, dramatiques ou non, et cette pratique peut-elle leur donner envie et de lire d’autres textes classiques ?

Table des matières

INTRODUCTION
1. THÉÂTRE ET LITTERATURE
1.1. De la nécessité de faire entendre la littérature
1.2. La fréquentation de textes dramatiques classiques : pratique théâtrale
1.3. Théâtraliser la poésie : faire vivre la langue
1.4. Lecture longue d’un texte de théâtre contemporain
2. THÉÂTRE ET LANGAGE ORAL
2.1. Le plaisir de dire
2.2. Eléments pour une grille de pratique et d’analyse de l’oral
2.2.1. Critères de l’oralit
2.2.2. Lire pour un public : la question de l’adresse
2.2.3. « Mettre le ton » : la difficile question de l’intention
2.3. Le texte matériau : pratique de la lecture à voix haute
2.3.1. Lire avant de comprendre : la fiction, c’est la langue.
2.3.2. La parole action
3. THÉÂTRE ET ATTITUDE(S)
3.1. Fondation du groupe classe
3.2. Théâtre et éducation
3.3. Élèves en difficulté et élèves à besoins particuliers
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHI
ANNEXES
Annexe 1 Extrait travaillé du Bourgeois gentilhomme, Molière
Annexe 2 Extrait travaillé du monologue de l’Avare, Molière
Annexe 3 Extrait travaillé du poème « Sur une barricade… », Victor Hugo
Annexe 4 Dessins produits par les élèves / « Sur une barricade… »
Annexe 5 Propositions de mise en scène / « Sur une barricade… »
Annexe 6 Grille d’évaluation
Annexe 7 Extrait du Petit chaperon rouge, Joël Pommerat (AQT)
Annexe 8 Fiche de préparation AQT
Annexe 9 Productions d’écrit : dialogues de théâtre
Annexe 10 Extrait travaillé en APC : Parler pour ne rien dire, Raymond Devos
Annexe 11 Extrait travaillé en APC : You spique angliche ?, René de Obaldia
Annexe 12 Écrits « bilans » des élèves des APC

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