Facteurs limitants de la prise en charge par compléments nutritionnels oraux

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Des pratiques en accord avec les recommandations malgré une mauvaise connaissance de celles-ci…grâce à l’expertise des généralistes

On a pu voir qu’en dépit d’une mauvaise connaissance des recommandations de la HAS, les pratiques des médecins sont très similaires à ces dernières. Cela s’explique par l’expertise de chacun, qu’elle ait été acquise au cours de l’enseignement universitaire ou bien qu’il s’agisse d’une formation continue.
Seul le plus jeune des médecins interviewés a le souvenir d’un cours universitaire, mené par l’équipe de nutrition du Centre Hospitalo-Universitaire régional, avec diffusion du guide pratique de nutrition clinique Nutristeps. Cela témoigne du développement relativement récent de l’intérêt porté à cette pathologie et de l’essor de la gériatrie. En effet, les autres médecins ne se souviennent pas d’avoir bénéficié de cours sur le sujet. M1, titulaire d’un Diplôme Universitaire de gériatrie, souligne que le sujet de la dénutrition « était abordé sans plus » au cours des enseignements spécifiques.
Les lacunes secondaires au manque d’enseignement magistral ont pu être comblées pour certains, par un compagnonnage au cours de stages hospitaliers dans des services de gériatrie et de moyen séjour. M3 a bénéficié au cours de son internat d’un enseignement organisé dans le service de gériatrie par un médecin endocrino-gériatre. M1, après l’obtention du DU, a exercé en tant que praticien hospitalier dans un service de gériatrie ce qui l’a sensibilisé et familiarisé avec la prise en charge de la dénutrition.
La place de la formation continue est également importante dans l’expertise des généralistes. Un des médecins a été invité à une soirée de formation sur le thème de la dénutrition, sponsorisée par un laboratoire pharmaceutique. M1 a assisté à une présentation orale sur la prescription des compléments nutritionnels dans le cadre particulier des affections oncologiques. Le développement des groupes d’échange de pratique a également un rôle croissant dans l’acquisition des connaissances. Il s’agit d’une méthode d’apprentissage qui existe depuis les années soixante. L’objectif est de réunir le même groupe de généralistes à intervalles de temps réguliers. Ils peuvent alors exposer, à travers un cas rencontré au cours de leur activité, une thématique qui les interpelle et pour laquelle ils souhaitent améliorer leur prise en charge. L’émulation de groupe permet de s’enrichir des connaissances des autres et de soulever de nouvelles questions conduisant à des recherches ciblées qui pourront être partagées lors d’une prochaine séance. La moitié des participants à l’étude font partie de groupes d’échange de pratiques. M7, nouvellement installée, regrette l’inexistence d’un tel groupe dans son périmètre d’exercice. Les échanges de savoir se font également avec les gériatres, via des invitations à leurs formations continues. Pour M4, ces rencontres inter-spécialités s’intègrent dans un projet de pôle de santé, dont l’une des cibles de soins est la personne âgée (dépistage et prise en charge de la dénutrition, évaluation gérontologique avant une opération ou une prise en charge oncologique).
C. La prise en charge de la dénutrition
Les différents types de prise en charge de la dénutrition ont été abordés spontanément au cours des différents entretiens. M5 et M8 rappellent les règles hygiéno-diététiques qui constituent la base d’une alimentation adaptée. M5 souligne que parfois un accompagnement au repas peut suffire à restaurer des apports corrects aussi bien en cas d’autonomie limitée, que dans celui d’une personne isolée ou dépressive. Il s’appuie également sur les portages de plateaux repas à domicile. L’enrichissement protéique des repas, grâce à la poudre de protéines, est cité par plus de la moitié des médecins mais ne fait pas partie de leurs habitudes de prescription. Difficultés d’approvisionnement en poudre de protéine, nausées, nécessité de préparation spécifique des repas sont pour eux autant de sources d’échecs pour ce type de prise en charge.
Les compléments nutritionnels oraux, même s’ils ne sont pas toujours prescrits fréquemment, sont plutôt plébiscités par les généralistes interviewés. Les principaux avantages mis en avant par les généralistes sont leur teneur protéique et leur diversité en formes et en gouts, alliés à une disponibilité rapide dans la plupart des pharmacies. Ils sont parfois utilisés d’emblée en cas de signes cliniques et/ou biologiques de dénutrition, ou au décours d’un événement aigu marquant un tournant dans l’état de santé de la personne âgée. Prescrire un complément nutritionnel, pour M3 et M7, c’est aussi une façon de faire prendre conscience au patient de la gravité de son état nutritionnel et des risques encourus : le complément nutritionnel est un médicament à part entière. Le Cetornan® est souvent cité en co-prescription des compléments oraux, pas de façon isolée. M7 se questionne sur ses indications spécifiques et M2 sait qu’il ne s’agit pas d’un complément alimentaire à proprement parler ; mais en le prescrivant en plus d’un complément, leurs pratiques restent conformes aux recommandations.
A travers le discours des médecins, on perçoit nettement un clivage entre les patients pris en charge à domicile et ceux résidant en EHPAD. Au domicile, la principale difficulté est liée à l’isolement fréquent des personnes âgées. Une diminution de l’appétit, parfois liée à un syndrome dépressif sous-jacent, peut conduire à une diminution des apports et à un manque d’observance du traitement instauré. Une autonomie altérée peut compromettre la préparation et la prise des repas. L’implication des familles dans la prise en charge de leur parent s’avère parfois primordiale. La mise en place d’un portage de repas, ou d’une auxiliaire de vie, constituent des moyens alternatifs pour pallier à la solitude de certaines personnes âgées. Comme le souligne M8, il s’agit parfois d’une limitation du maintien à domicile. En EHPAD, structures médicalisées dédiées à l’accueil des personnes âgées dépendantes, le personnel soignant peut dépister et diagnostiquer précocement la dénutrition. Certains ont été sensibilisés au cours de formations continues également. La prise en charge est, elle aussi, facilitée. Un enrichissement de l’alimentation peut être géré par le personnel de cuisine. Les soignants ont parfois une autonomie relative pour délivrer des compléments alimentaires, selon des protocoles internes ou sous le contrôle des médecins coordonnateurs. La présence quotidienne des aides-soignantes et infirmières permet aussi une évaluation de l’observance (prise effective des compléments et surveillance régulière du poids).
Seul un des médecins (M5) ayant participé à ce travail a des à priori négatifs sur les compléments nutritionnels oraux permettant de recueillir un point de vue totalement différent. Pour lui, leur prescription peut être un premier pas vers une perte d’autonomie et une dépendance irréversible, confortant la personne âgée dans l’idée qu’elle ne peut plus s’assumer elle-même et la poussant à demander de plus en plus d’aides. A la relecture des divers entretiens, aucun des autres médecins interrogés ne partageait son point de vue.
M5 et M6 trouvent l’usage des compléments en soins palliatifs intéressant, parfois à la demande des familles ou face à un désarroi personnel relatif aux situations de fin de vie. Leur utilisation dans ce contexte particulier n’est pas recommandée par la HAS. Ce type de prescription soulève, en dehors de l’écart aux recommandations collégiales, des problèmes éthiques.
Concernant la prescription de compléments à visée préventive, avant une intervention programmée, elle semble devenir une pratique relativement courante parmi les généralistes. M3 a déjà repoussé un geste chirurgical chez un patient dénutri pour supplémenter sa carence protéique afin de diminuer le risque de complications post-opératoires. Pour M4, cette démarche s’intègre dans un projet de pôle de santé pluridisciplinaire.
Trois médecins font remarquer que les patients sortant d’hospitalisation ont souvent une ordonnance comportant des compléments nutritionnels, permettant d’initier la prise en charge au domicile.

Table des matières

INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODE
A. La méthode qualitative..
I. Présentation de la méthode qualitative
II. L’entretien semi-dirigé
III. Le guide d’entretien
I. Critères d’inclusion
II. Critères d’exclusion
III. Choix des médecins
IV. Recrutement
C. Réalisation des entretiens
I. Contexte
II. Le déroulement des entretiens
D. La retranscription
E. L’analyse des données
I. L’analyse thématique
II. La grille d’analyse
III. Le découpage des données
F. Saturation des données
RESULTATS
A. Population étudiée
I. Répartition géographique
II. Démographie
III. Formation et activité professionnelle
B. Analyse du verbatim
I. Le diagnostic de dénutrition
II. L’expertise des médecins généralistes
III. Les critères de choix pour la prescription de compléments oraux
IV. La prescription des compléments nutritionnels oraux
V. Evaluation de l’observance à un traitement par compléments alimentaires
VI. Les limites de prescriptions des compléments alimentaires
VII. Des interrogations persistantes
DISCUSSION
A. Pratiques des médecins vs recommandations HAS 2007.
B. Des pratiques en accord avec les recommandations malgré une mauvaise connaissance
de celles-ci…grâce à l’expertise des généralistes.
C. La prise en charge de la dénutrition
D. Facteurs limitants de la prise en charge par compléments nutritionnels oraux
E. Les difficultés de l’exercice libéral
F. Des questions persistantes…
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1 : RECOMMANDATIONS DE LA HAS 2007
ANNEXE 2 : LE MINI NUTRITIONNAL ASSESMENT TEST
VERBATIM

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