Interludium. Aspects computationnels de la Set Theory d’Allen Forte etde la théorie transformationnelle de David Lewin

Interludium. Aspects computationnels de la Set Theory d’Allen Forte etde la
théorie transformationnelle de David Lewin

Action d’un groupe sur un ensemble

Par définition un groupe (G, •) opère sur un ensemble X si il existe une application ACTION de G×X dans X telle que les deux conditions suivantes sont satisfaites : (a) ACTION (a•b, x) = ACTION (a, ACTION (b•x)) pour tout a, b dans G et x dans X. (b) ACTION (e, x) = x pour tout x dans X, où e est l’identité de G. La première propriété est une sorte de condition de compatibilité entre le concept d’action et la loi de groupe. La deuxième propriété exprime le fait que « l’élément identité » de G opère comme « l’action identique » en laissant fixe tout élément de l’ensemble. Deux éléments x, y de l’ensemble X sont conjugués si l’un est l’image de l’autre sous l’action de G sur X, autrement dit s’il y a un élément a dans G tel que y = ACTION (a, x). Comme nous l’avons remarqué, la conjugaison est une relation d’équivalence. Les classes d’équivalence sont aussi appelées orbites. Musicalement, l’action du groupe cyclique sur l’ensemble des entiers de classes de hauteurs permet de définir les classes de transposition des accords. Les orbites par rapport à l’action du groupe dihédral sont les ensembles de classes de hauteurs dans le sens de Forte [pitch-class sets]. Le catalogue des classes équivalences d’accords à une application affine près se réduit à 157 orbites. Et pour conclure, en ce qui concerne les orbites issues de l’action du groupe symétrique Sn sur Z/nZ , le catalogue comprend 77 classes d’équivalence, toujours en incluant l’orbite formée par une seule classe de hauteurs et le total chromatique. Voyons d’abord comment la définition formelle de l’action d’un groupe sur un ensemble, telle que nous l’avons donnée précédemment, s’applique au cas du catalogue d’accords de Vieru/Zalewsky à une transposition près. D’un point de vue mathématique il s’agit donc de considérer l’action du groupe cyclique Z/nZ sur l’ensemble sous-jacent à une telle structure algébrique. Comme nous l’avons déjà mentionné dans la section précédente, le groupe cyclique Z/nZ peut être considéré comme engendré par des opérations plutôt que par des éléments. Si l’on note Tk la transposition de k « unités minimales » (dans la division de l’octave en n parties), pour tout entier k relativement premier avec n, Tk engendre le groupe cyclique Z/nZ. Par définition, étant données deux transpositions Tk et Th, on peut définir la loi de composition « • » de deux transpositions de la façon suivante : Tk • Th = Th+h où l’addition k+h est calculée modulo n. Cette opération a deux propriétés fondamentales par rapport à Z/nZ en tant qu’ensemble : 1. (Tk • Th ) (x) = Tk (Th (x)) pour deux transpositions Tk et Th quelconques et pour tout élément x dans Z/nZ. Autrement dit, transposer un entier de classe de hauteurs par h 139 « demi-tons » et ensuite par k « demi-tons » est équivalent à transposer le même entier par h+k « demi-tons » (modulo n). 2. T0 (x) = Tn (x) = x pour tout x dans Z/nZ, où T0 (ou Tn ) est la transposition identique. En vertu de la définition précédente, on peut conclure que la transposition musicale définit une action au sens mathématique du terme. L’énumération des classes de transposition d’accords est donc équivalente à l’étude des orbites d’accords par rapport à l’action du groupe Z/nZ sur lui-même. 

Enumération et classification des structures musicales

Un premier problème concerne l’énumération de toutes ces orbites pour un tempérament donné. La fonction card de la librairie Zn permet de calculer le nombre de classes de transposition d’un accord ayant k éléments. La figure suivante montre la situation pour n=12 et n=24, c’est-à-dire dans le cas de la division de l’octave en 12 et en 24 parties égales. Il y a, par exemple, 80 hexacordes (k = 6) dans la division de l’octave en 12 parties, alors qu’il y en a plus de 5000 (précisément 5620) dans la division en quarts de tons. Cela donne déjà une bonne idée de la complexité combinatoire engendrée par des grandes valeurs de n. Figure 63 : Nombre de classes de transposition d’accords dans le système tempéré à 12 et à 24 degrés 140 Un premier changement « paradigmatique » s’obtient en remplaçant le groupe cyclique Z/nZ par le groupe dihédral Dn. L’action de ce groupe sur l’ensemble sous-jacent au groupe cyclique Z/nZ est la généralisation formelle de la Set Theory d’Allen Forte. Après la publication de l’ouvrage de référence The Structure of Atonal Music [FORTE 1973], plusieurs implémentations de la Set Theory ont été proposées216. Dans le cas de la librairie Dn, nous avons commencé par adapter en OpenMusic une implémentation en lisp réalisée par Janusz Podrazik. Nous avons par la suite ajouté d’autres outils algébriques, en incluant certaines constructions théoriques qui relèvent de l’approche transformationnelle de David Lewin. Comme dans le cas de l’équivalence à une transposition près, la formalisation algébrique de la Set Theory nous permet d’obtenir un catalogue complet d’ensembles de classes de hauteurs pour toute division de l’octave en n parties égales. La figure suivante représente une relation d’équivalence compatible avec l’action du groupe dihédral sur Z/12Z. Un accord de do majeur est transformé en accord de do mineur par une inversion (par rapport à l’axe qui passe par les points 0 et 6) suivie d’une transposition (d’une quinte). Figure 64 : Equivalence majeur/mineur dans le paradigme Dn 216 Par exemple, voir « The Contemporary Music Analysis Package » réalisé par Peter Castine et discuté dans le texte Set Theory Objets [CASTINE 1994]. Nous discutons aussi quelques aspects de notre implémentation de la Set Theory en OpenMusic dans la section 11

de The Topos of Music [MAZZOLA 2003]

Avec la fonction Dn-card, on peut calculer pour tous n et k le nombre d’ensembles de classes de hauteurs « généralisées » ayant cardinalité k. La figure suivante offre une énumération comparative pour le système tempéré à 12 et à 24 degrés. Figure 65 : Distribution du nombre d’orbites sous l’action de Dn dans le cas de la division de l’octave en 12 et en 24 parties égales Comme dans le cas du groupe cyclique Z/nZ, on peut remarquer la propriété d’invariance de la fonction Dn-card entre les orbites ayant k et n-k éléments, ce qui suggère qu’on peut restreindre la classification aux classes d’équivalence ayant une cardinalité k inférieure ou égale à n/2 sans perte de généralité. Par exemple, dans le cas de la division de l’octave en 12 parties égales on pourrait restreindre la classification aux ensembles de classes de hauteurs ayant au plus 6 éléments. À chaque ensemble de cardinalité k inférieure à 6 correspond un ensemble, le complémentaire, de cardinalité 12-k. Comme on l’a vu, dans le cas du catalogue de la Set Theory, l’ensemble complémentaire n’est pas considéré au sens littéral, mais il est toujours ramené à sa « forme primaire » [prime form]. Pour un ensemble de classes de hauteurs donné, nous avons gardé dans l’implémentation la possibilité d’avoir plusieurs représentations, au-delà de celle proposée par Forte dans son catalogue. Pour cela, on utilise la fonction pc-set qui opère sur un ensemble de classes de hauteurs représenté dans le catalogue de Forte et qui restitue l’ensemble sous trois formes ou types : 3. La représentation par entiers des classes de hauteurs [integer mode], donnée par une collection ordonnée d’entiers entre 0 et 11. 4. Le vecteur d’intervalles [vector mode]. 142 5. La représentation symbolique traditionnelle [pitch mode]. Par convention, 0=C=do, 1=C#=do#=Db=réb, …, 11=B=si.

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