La notion d’intérêt local de l’action internationale des collectivités territoriales

Communication, adhésion et participation citoyennes les limites d’une politique publique encore peu accessible

La notion d’intérêt local de l’action internationale des collectivités territoriales sous-entend l’existence d’un lien entre les actions mises en œuvre et les habitants. Pour les collectivités territoriales, c’est souvent à ce niveau que le « bât blesse ». Cette partie nous permettra d’analyser dans un premier temps le niveau de la communication publique de l’AICT et son rôle en termes d’impacts sur les territoires. Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) de la République Française affirme que « le débat public de la mondialisation est dans l’impasse ». Dans son rapport intitulé « Pour une mondialisation plus juste », ce dernier insiste sur les questions de sensibilisation et de dialogue pour renforcer la confiance et mobiliser en faveur du changement233. L’abstraction, observée à l’échelle nationale sur les questions internationales, notamment liée aux termes manipulés qui ne « parlent à personne »234, est-elle également une réalité locale ? Outil de ce que le CESE appelle la « mondialisation sociale », l’Action Internationale des Collectivités Territoriales est-elle confrontée aux mêmes blocages ? La notion de gouvernance induit la participation de divers intérêts aux systèmes de décisions publiques qui régissent les collectivités territoriales..

Cette participation sous-entend donc que les acteurs en question soient associés à la définition et à la mise en œuvre des politiques publiques, en l’occurrence des politiques internationales. En période de crise, la communication et la participation citoyenne sur une politique publique menée hors du territoire ne sont pas anodines. Elles renvoient à la question de l’intérêt local. Aussi, nous tenterons d’identifier, au-delà de son potentiel important en termes de mobilisation d’acteurs, le degré d’accessibilité de l’Action Internationale des Collectivités Territoriales. En dehors d’un cercle de « convaincus » (élus, professionnels et associations spécialisées), celle-ci est-elle connue du grand public ? Existe-t-il des espaces de débat public dans le domaine ? Existerait-il un lien entre les limites actuelles de la légitimité de l’AICT et son degré de participation citoyenne?

La communication territoriale, au-delà de son caractère informationnel, répond à une obligation de service public. Maître de conférences en sciences de la communication, Hélène Cardy la définit comme attachée à un territoire et servant une communauté d’hommes afin de faire valoir au mieux les enjeux nationaux à l’échelle locale. La communication territoriale entretient une proximité avec les destinataires auxquels ses supports s’adressent. Guidée par le sens du service public, elle agit dans le sens de la démocratie locale236. Ses principaux enjeux sont l’adhésion, la mobilisation, la lisibilité de la décision prise par les décideurs politiques, l’animation des territoires et la mise en valeur de l’action collective.

On comprend ici le défi qu’elle représente sur les projets menés dans le cadre de l’Action Internationale des Collectivités Territoriales, bien que « communication et relations internationales n’aient pas vocation immédiate à faire bon ménage »237. Dans leur article intitulé « Electeurs, contribuables partenaires : l’aide au développement face au public des pays riches », Henri Bernard Solignac Lecomte et Ida Mc Donnel rappellent, en s’appuyant sur l’échelle étatique, l’importance de la sensibilisation de l’opinion publique dans les actions de coopération internationale. Ils identifient le public comme un partenaire de fait dès lors que celles-ci sont à la fois financées par ses impôts et gérées et mise en œuvre par des représentants élus238. On retrouve la notion de « contribuable- actionnaires » des politiques publiques internationales développée par Olivier Ray et Jean-Michel Severino évoquée en introduction239.

Il est souvent reproché à l’État la faiblesse de sa communication publique sur les questions de coopération internationale. Celle-ci fait l’objet de rapports annuels et de déclarations officielles mais reste « une grande absente » de l’information aux citoyens et des débats publics. Cette absence s’expliquerait en partie par le fait que les citoyens français ne sont, contrairement à d’autres politiques publiques, considérés ni comme des bénéficiaires, ni comme des éléments actifs de la politique française de coopération internationale. Leur engagement et leur adhésion ne semblent pas prioritaires240. Comment ce constat se décline-t-il à l’échelle territoriale ? La diversité de l’AICT n’est pas toujours connue des habitants et des acteurs du territoire241. Au sujet de la coopération décentralisée française en Afrique, Antoine Joly estime qu’ « elle a sans doute peu fait parler d’elle, éparpillée qu’elle est en centaines d’actions qui touchent aussi bien des capitales que des petits hameaux que ce soit en France ou en Afrique […] ». Il évoque des apports « sans bruit, ni gloire242 ». Ce qu’il renvoie à de la discrétion ne doit pas occulter un fait avéré. Les collectivités territoriales ne communiquent encore que faiblement et peu efficacement sur les actions qu’elles mènent à l’international. Ce constat interroge la perception des décideurs locaux sur leur intérêt local. Leur frilosité à l’heure de communiquer sur les actions qu’ils mènent à l’international est ainsi considérée comme l’un des principaux freins aux impacts de la coopération décentralisée sur les territoires243. On peut effectivement penser que « si l’on ne sait pas communiquer, c’est que l’on ne sait pas vraiment à quoi tout cela sert244 ».

 

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