L’AICT quelles dynamiques spatiales

 L’AICT quelles dynamiques spatiales

Le nombre de collectivités territoriales françaises engagées à l’international, la quantité et la diversité de leurs projets ainsi que la variété de leurs territoires d’intervention sont caractéristiques de l’action internationale française qui n’aurait « pas d’égal dans le monde115 ». Pour comprendre cette affirmation, il s’agira dans un premier temps d’observer ce phénomène partenarial à travers ses territoires d’origine (collectivités françaises engagées : les échelons, leur répartition géographique) et ses territoires de destination (les collectivités partenaires dans le monde et les facteurs de ces mises en relation). Nous verrons ensuite le fait que, comme pour d’autres politiques publiques traditionnelles, la question de la coordination des actions internationales est régulièrement soulevée par l’État au vue de leur caractère dispersé, principale critique qui leur est formulée. Ainsi, pour s’inscrire dans une démarche de complémentarité et suivre les orientations données par l’État, les collectivités territoriales peuvent choisir de se regrouper sur des critères géographiques ou thématiques. C’est la mutualisation de l’AICT.

Une large répartition spatiale de l’AICT en France et dans le monde

Afin de percevoir l’ampleur des initiatives internationales des collectivités territoriales françaises sur les plans quantitatifs et qualitatifs, nous proposerons ici trois angles d’analyse. Dans un premier temps, il s’agira d’identifier les territoires français « émetteurs » de l’action internationale à partir de données précises à savoir le nombre de collectivités territoriales actives à l’international dans chaque Région française, ainsi que le volume de projets en cours. Ensuite, nous aborderons cette dynamique à travers la question de l’échelon territorial de chaque collectivité (Villes, structures intercommunales, Départements et Régions) afin de comprendre la répartition de cette compétence et ses conséquences dans un contexte de débat sur ce que certains appellent le « mille-feuille territorial ». Pour finir, nous localiserons les partenaires internationaux de ces collectivités territoriales et les facteurs de cette mise en relation116 .

– Des collectivités territoriales engagées dans toutes les Régions de France métropolitaine

En 2013, l’AICT est mise en œuvre par plus de 4 822 collectivités territoriales françaises. Réparties dans les 22 Régions de France métropolitaine, celles-ci coopèrent avec plus de 10 355 collectivités locales partenaires dans 148 pays117 . La figure 7 indique la répartition Régionale de l’Action Internationale des Collectivités Territoriales métropolitaines. Pour chaque Région figure le nombre de collectivités territoriales (Villes, Départements, EPCI et Conseil Régional) porteuses de partenariats en Europe ou à l’international. Figure 7 : Répartition géographique du nombre de collectivités territoriales de France métropolitaine engagées à l’international. Source : Carte réalisée par l’auteur à partir des données 2013 issues de l’atlas de la coopération décentralisée du Ministère des Affaires Étrangères Certains territoires régionaux semblent plus actifs que d’autres dans le domaine international au regard du nombre de collectivités engagées. Par ordre décroissant, les Régions les plus fortement engagées sont la Région Rhône-Alpes (460 collectivités mobilisées), suivie de près par la Région Ilede-France (451), la Région Bretagne (369), les Pays de la Loire (327), la Région Basse-Normandie (273), la Région Aquitaine (265), la Région PACA (247), la Région Nord-Pas-de-Calais (243) la Région Centre (241) et la Région Bourgogne (220). Le profil international de ces territoires est lié à leurs contextes géographiques, historiques et démographiques. On observe par exemple que les deux territoires régionaux les plus dynamiques, l’Ile-de-France et la Région Rhône-Alpes sont également les plus peuplés (respectivement 11,91 et 6,34 millions d’habitants). Elles ont toutes les deux une histoire industrielle autour du textile, de la construction électrique et automobile, ou encore de la métallurgie, liée à une tradition migratoire forte. Il est ainsi fréquent que l’action internationale développée par les collectivités territoriales fasse écho à la présence de diasporas sur les territoires (nous verrons de quelle manière s’organise cette stratégie dans le chapitre 11). Le dynamisme international de la Région Ile-de-France s’explique, au-delà de son histoire industrielle, par sa situation de Région-capitale. Premier territoire de France en termes démographique, économique et associatif, qui accueille de grands sièges sociaux internationaux d’entreprises, mais également des universités, grandes écoles et centres de recherche, l’Ile-de-France est également la première destination touristique mondiale et l’une des premières portes d’entrée sur l’Europe. Pour ce qui est de la Région Rhône-Alpes, sa localisation géographique et sa position de carrefour entre le Nord et le Sud de l’Europe explique la longue tradition d’échanges internationaux de la Région. Sa dynamique internationale est également liée à ses caractéristiques naturelles et son développement économique qui en font un territoire d’accueil d’événements internationaux notamment sur le plan sportif (la Région a notamment accueilli les Jeux Olympiques de 1924, de 1968, de 1992 ainsi que d’autres compétitions à l’échelle internationale). Le dynamisme international du Conseil régional sur ce territoire est également un facteur important. Celui-ci joue un rôle d’impulsion et d’accompagnement (technique, financier, etc.) favorisant à la fois l’engagement des collectivités territoriales (Villes, Départements, EPCI) et le développement des projets. En-dehors de l’Action Internationale des Collectivités Territoriales, la Région est également caractérisée par l’importante activité des ONG (dont les deux tiers ont leur siège dans la Région) et des associations de solidarité internationale et par le poids de ce secteur au niveau de la création d’emploi118 . Après cette analyse du dynamisme Régional de l’AICT à travers le nombre de collectivités territoriales mobilisées, la figure 8 apporte des informations complémentaires sur le nombre et le type de projets menés par celles-ci. 

Des Communes aux Régions françaises 

tous les échelons de collectivités territoriales sont concernés L’action internationale, compétence facultative, peut être mise en œuvre de manière volontariste par tous les échelons de collectivités territoriales. La figure 11 révèle l’ampleur de l’engagement international, du point de vue du nombre de partenariats dans le monde, des Conseils régionaux, des Conseils généraux, des Villes de plus de 30 000 habitants et des structures intercommunales de plus de 150 000 habitants. On constate, tout d’abord, à travers ces différentes cartes une corrélation entre la répartition géographique des grands pôles urbains et le dynamisme de l’AICT au niveau national. Ainsi, la totalité des Villes métropolitaines de plus de 50 000 habitants mènent des partenariats à l’international. C’est également le cas de l’ensemble des Conseils régionaux et de plus de 80 Conseils généraux. 62 Lorsqu’elle existe, la délégation de la compétence internationale aux structures intercommunales n’empêche pas les communes de continuer à développer des partenariats dans le monde (dans des zones géographiques proches ou différentes), entraînant parfois une perte de lisibilité sur les actions de chaque niveau de collectivité. Ces quatre cartes éclairent ce phénomène de façon claire : il est classique que sur le même territoire régional, la compétence internationale soit mise en œuvre par les quatre niveaux administratifs. Prenons l’exemple de la Région Rhône-Alpes qui apparait dans cette carte et les précédentes comme l’une des plus dynamiques à l’international. A côté du Conseil régional, les huit Conseils généraux (Ain, Ardèche, Drome, Haute-Savoie, Isère, Loire, Rhône, Savoie), 26 structures intercommunales et plus de 420 communes119, toutes tailles confondues, mènent leurs propres actions internationales. Cette répartition est encadrée par la loi Thiollière stipulant que les thématiques des actions menées doivent s’inscrire en cohérence avec les compétences de chaque échelon administratif. Malgré cela, comme pour d’autres politiques publiques territoriales, la question de « mille-feuille administratif et territorial » et de la juste répartition des compétences entre les collectivités se pose de manière récurrente face à une action internationale qui peut être qualifiée de dispersée. C’est l’un des reproches adressé à l’AICT dont le caractère atomisé réduirait l’efficacité. Nous reviendrons sur ce phénomène dans les pages suivantes en étudiant le mouvement de mutualisation de l’action internationale entre ces échelons. La réflexion sur l’échelle de mise en œuvre de l’action internationale renvoie donc également à la question des méthodes et des moyens financiers des collectivités territoriales. Tous les territoires n’ayant pas la même capacité d’intervention, les Régions et les Départements, qui disposent de services administratifs importants, peuvent être considérés comme étant les échelles les plus pertinentes pour mener une action internationale. Cette « force de frappe » leur permet par exemple d’accéder aux fonds de soutien à la coopération décentralisée mis en place par le Ministère des Affaires Étrangères, avant les communes et les intercommunalités120. Celles-ci, qui n’ont en effet pas toujours de service en capacité de monter des dossiers et dont les agents dédiés aux relations internationales partagent souvent leurs temps sur d’autres missions, y ont moins facilement accès. Ces aspects interrogent le lien entre la capacité financière des collectivités territoriales et leur légitimité d’intervention. Les petites communes ne disposant pas des moyens financiers suffisants pour agir de manière « efficace », cette compétence devrait, selon certains, être laissée aux intercommunalités ou aux échelons supérieurs de Collectivité Territoriale (Départements, Régions) 121 . Cette analyse semble réductrice. D’une part, elle s’inscrit dans une vision strictement solidaire à travers une projection sur les impacts des actions de solidarité internationale dans les pays « bénéficiaires » en sous estimant l’intérêt que peut avoir l’AICT sur les territoires quelques soient leurs échelles. D’autre part, l’AICT mobilise de manière importante les petites communes qui peuvent en faire un outil territorial stratégique comme nous l’illustrerons dans le chapitre 7.

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