L’approche genre dans la recherche sur le développement agricole

Les questions de genre touchent quasiment tous les aspects de l’agriculture. Partout dans le monde, les femmes constituent une part importante de la population économiquement active engagée dans l’agriculture, en qualité d’exploitantes ou de travailleuses agricoles et jouent un rôle déterminant dans la sécurité alimentaire des ménages (FAO,2007). Depuis la décennie des femmes (1975-1985), déclarée par l’ONU, et les nombreuses conférences internationales qui ont suivi, il est difficile d’ignorer le rôle économique, social et culturel des femmes dans toute société et surtout suite à la Conférence Internationale des Femmes tenue à Pékin, en 1995, l’adoption de l’approche « genre et développement » est rendue officielle. Après cette conférence, les institutions internationales, les organisations gouvernementales et non gouvernementales ont élaboré des stratégies pour mieux tenir compte de la dimension genre dans les projets de développement (OCDE, 1998).

Ces dernières années, la libéralisation du commerce, la mondialisation, les avancées technologiques et autres grandes tendances se sont traduites par des changements importants dans les systèmes agricoles et alimentaires. Ces changements ont eu des répercussions positives, telles que l’ouverture de nouveaux marchés et la création de liens fructueux entre les producteurs et les marchés. Cependant, ils ont aussi créé de nouveaux défis pour les acteurs ruraux qui cherchent à accéder et profiter des marchés locaux, nationaux et mondiaux (FAO, 2013). Les femmes en particulier se heurtent à des difficultés majeures par rapport aux hommes pour accéder aux ressources productives, aux ressources financières et aux différents services de vulgarisation et participer de manière équitable aux chaînes de valeur agroalimentaires.

Définitions et évolutions des différents concepts 

Définitions

Etymologiquement le mot « genre » vient du latin : genus, devenu en ancien français « gendre ». Le mot a d’abord le sens de « catégorie, type, espèce » puis le sens de « sexe ». Le mot a longtemps été majoritairement associé au genre grammatical. En anglais, le mot « gender » est utilisé de manière courante, généralement pour exprimer les différences entre femmes et hommes en insistant sur les différences culturelles plutôt que biologiques (Oxford dictionnaire).

Selon l’ONU (1996), le genre se réfère non pas aux femmes et aux hommes en soi mais aux relations qui existent entre eux. Le genre n’est pas déterminé biologiquement comme étant le résultat de caractéristiques sexuelles mais c’est un facteur social qui est au centre des organisations des sociétés et régit souvent les processus de production et de reproduction, de consommation et de distribution. D’après ce dernière, le genre est intimement lié à tous les aspects de la vie économique et sociale, quotidienne et privée des individus et à ceux de la société qui a assigné à chacun (hommes et femmes) des rôles spécifiques. Par conséquent, lorsqu’on parle de genre, on se réfère au « sexe social » (ONU,1995) construit socialement par la socialisation, et qui induit certains comportements ou certaines attitudes.

Pour la FAO (1995), le genre renvoie aux caractéristiques socioculturelles et historiques qui déterminent comment les hommes et les femmes interagissent et repartissent leurs rôles respectifs. L’OMS définit le genre comme suit : « le genre sert à évoquer les rôles qui sont déterminés socialement, les comportements, les activités et les attributs qu’une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes ». Ces rôles et responsabilités sont donc déterminés d’un point de vue social et culturel et peuvent différer d’une communauté à une autre, d’un pays à un autre (AFARD,2003). D’un côté, le genre se concentre sur la manière dont on attribue à des comportements et des rôles spécifiques une signification en matière de genre, sur la manière dont on divise le travail pour exprimer symboliquement les disparités entre les genres et sur la manière dont diverses structures sociales, incorporent des valeurs ou confèrent des avantages liés aux genres (Myra Marx Ferree, 1990). D’un autre côté, Jean Potuchek (1992), une sociologue Britannique : définit le genre, non pas en tant que rôle individuel appris dès l’enfance et relativement stable par la suite, mais en tant que système d’inégalités qui se crée et se recrée dans l’expérience quotidienne.

Ainsi, le genre est le processus d’évaluation des implications, pour les femmes et les hommes, dans toute action planifiée, y compris la législation, les politiques ou les programmes, dans tous les domaines et à tous les niveaux. Il s´agit d´une stratégie visant à faire des préoccupations et expériences, aussi bien des femmes que des hommes, une dimension intégrante de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation des politiques et des programmes dans toutes les sphères politiques, économiques et sociales, afin que les femmes et les hommes bénéficient des mêmes avantages et que l’inégalité ne soit pas perpétuée (Angelica Senders, 2012). Le but est de parvenir à l’égalité des sexes.

Evolutions des différents concepts genre 

Le genre est l’objet d’un champ d’études en sciences sociales. Ce concept est apparu dans les années 1950 dans les milieux psychiatriques et médicaux, aux États-Unis. A cette époque il a été évoqué comme une théorie, une idéologie. Le terme « genre » (gender) par le psychologue et sexologue John Money (1955) dans un article où il introduit le concept de « rôle de genre » est utilisé pour désigner tout ce que dit ou fait un individu pour se dévoiler, ayant respectivement, le statut de garçon ou d’homme ou bien de fille ou de femme. En 1964, les psychanalystes Robert Stoller et Ralph Greenson créent le concept d’« identité de genre » pour désigner le sentiment qu’on a d’appartenir à un sexe particulier, s’expriment cliniquement par la conscience d’être un homme ou un mâle par distinction d’être une femme ou une femelle.

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À partir des années 1970, le genre étant un concept est fréquemment utilisé par les féministes pour démontrer que les inégalités entre femmes et hommes sont issues de facteurs sociaux, culturels et économiques plutôt que biologiques. De ce fait, le genre est un concept qui a été imaginé par les féministes afin de rendre compte des relations différenciées et inégalitaires qu’entretiennent les hommes et les femmes dans nos sociétés.

Pendant la révolution de l’intégration de la femme dans le développement, le genre, selon Ann Oakley (1972), une sociologue britannique, renvoie à la distinction culturelle entre les rôles sociaux, les attributs psychologiques et les identités des hommes et des femmes. On peut alors dire que le genre se réfère aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes que construit la société au sein d’une culture ou dans un espace donné. Pour l’historien Joan W. Scott (1988), le genre est un élément constitutif de rapports sociaux fondés sur des différences perçues entre les sexes mais, également une façon de signifier les rapports de pouvoir. C’est aussi un concept généralement mobilisé dans un objectif politique pour combattre les inégalités entre les personnes, notamment celles existantes entre hommes et femmes.

Vers 1990, le concept genre a été adopté par la communauté scientifique internationale, ainsi que par des grands organismes comme l’ONU, l’Union Européenne et par la plupart des ONG. Il est un outil d’échange entre le monde de la recherche, les pouvoirs publics et la société civile. Dans ce sens, le sociologue Éric Fassin (1974) insiste sur le fait que le genre est un concept.

Selon l’UNESCO le « genre » (issu de l’anglais gender) est un concept sociologique. Il se traduit en français par : « rapports sociaux des sexes » ou encore « rapports socialement et culturellement construits entre femmes et hommes ». Le concept genre renvoie à une analyse des statuts, des rôles sociaux et des relations entre les hommes et les femmes. En tant que concept, le genre analyse les rapports de pouvoirs entre les femmes et les hommes basés sur l’assignation des rôles socialement construits en fonction du sexe.

Evolution de l’approche genre selon les concepts

En tant qu’objectif, le genre promeut des droits formels et réels égaux pour les femmes et les hommes, l’amélioration de l’accès aux espaces d’expression et de pouvoir, au capital humain incorporé tel que la santé, éducation et aux facteurs de production. Pour atteindre ses objectifs, une méthodologie d’approche genre a été avancé qui implique une démarche résolument participative, créant les meilleures conditions pour une participation réelle des femmes. Ainsi, l’approche genre comprend la prévention et la répression des violences fondées sur le sexe, un partage équitable des ressources et des responsabilités, ainsi qu’un développement humain plus complet et durable pour tous et toutes.

L’approche genre permet aussi d’analyser les rapports hommes-femmes à l’aide d’outils sociologiques et historiques (D. Hervás, 2016).

Selon l’ONU(1995), l’approche genre, prend en compte différents rôles sociaux et la façon dont ces rôles sont assumés par les femmes et les hommes : activités reproductives (soins aux enfants, tâches domestiques, alimentation, collecte d’eau et de bois…) ; activités productives (activités économiques ou génératrices de revenus) ; activités communautaires (entretien d’équipements, vie sociale/collective, soins aux personnes âgées…) ;activités politiques (participation à la prise de décision à tous les niveaux).

Dans un contexte de développement, l’approche « Genre et développement » a été adoptée à la Conférence de Pékin. Elle consiste à prendre en compte la répartition des rôles et des activités des femmes et des hommes dans chaque contexte et dans chaque société pour tendre vers un équilibre des rapports de pouvoir entre les sexes. (ONU,1995) Par conséquent, elle se focalise sur les relations entre les hommes et les femmes comme objet, sur les relations inégales comme problème, sur le développement soutenable et équitable comme objectif et sur le pouvoir des groupes désavantagés (Moser, 1993 ; Razavi et Miller, 1995).

Selon Dagenais et Piché (1994), cette approche se fonde essentiellement sur le postulat que les femmes ont toujours fait partie des processus de développement. Ils mettent l’accent sur la relation entre les femmes et les processus de développement plutôt que seulement sur les stratégies d’intégration des femmes au développement. Pour Madagascar, promouvoir le concept et l’approche genre dans les actions de développement en essayant d’une part, d’apporter un changement qualitatif dans les relations femmes-hommes et d’autre part, d’impulser une nouvelle dynamique dans la promotion d’une agriculture moderne et modèle dont l’objectif est de favoriser un développement équitable et durable. (Trésor public malgache, 2015). L’approche genre se réside pour la société malgache dans le domaine agricole. Elle se concentre dans la redynamisation et l’autonomisation des femmes.

Ainsi l’approche genre et développement, en plus de chercher à intégrer les femmes au développement, explore le potentiel des initiatives de développement à transformer les relations sociales et de genre et à donner plus de pouvoir aux femmes (CCCI, MATCH, AQOCI, 1991).

Table des matières

INTRODUCTION
I- Définitions et évolutions des différents concepts
1-1 Définitions
1-2 Evolutions des différents concepts genre
1-3 Evolution de l’approche genre selon les concepts
II- Le genre : une méthode d’analyse
2-1 Analyse selon le genre dans le cadre socio-économique
2-2 Analyse selon le genre dans la sécurité alimentaire
2-3 Place de la femme dans le secteur agricole
III- L’approche genre dans la recherche sur le développement agricole à Madagascar
3-1 La prise de décision
3-2 L’accès aux ressources financières
3-3 L’accès aux ressources productives
3-4 Connaissances, éducations, technologies et services de vulgarisation
IV- DISCUSSIONS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Webographie

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