Les bactériophages codant les Shiga-toxines

Les bactériophages codant les Shiga-toxines

Généralités sur les phages

Historique 

Les phages ou bactériophages sont des virus de procaryotes, que l’on retrouve aussi dans les eubactéries et les archées. Les phages font partis d’un groupe très diversifié : le nombre d’espèces de phage connues augmente chaque année et se compte désormais en millions (Ackermann, 2007). Le premier recensement de phage, daté de 1967, a permis d’en dénombrer 210. Entre les années 1995 et 2000, ce nombre passa de 4551 à 5136 phages. (Ackermann, 2007). De par leur nature, les phages sont présents dans tous les milieux dans lesquels des bactéries ont été identifiées. Ils ont ainsi pu être identifiés dans les océans, les sols, les plantes et les animaux (Lopes et al., 2014).

Classification et morphologie des phages 

Il n’existe pas de méthode universelle pour la classification des phages. La première d’entre elles a été proposée par Ernst Ruska en 1943 et se base sur une classification classique des virus. En 1962, Lwoff, Horne et Tournier ont proposé de classer les phages selon leur type d’acide nucléique (ADN ou ARN), la forme de leur tête, la présence/absence d’enveloppe et le nombre de capsomères (protéines qui protègent les acides nucléiques du phage) (Figure 10) (Ackermann, 2009). D’après une étude de Ackermann, quatre types de morphologie de phage ont été déterminées, les phages possédant une queue, les polyédriques, les filamenteux et les polymorphes (Figure 10) (Ackermann, 2007). Néanmoins, 96% des phages appartiennent au groupe de ceux qui possèdent une queue, correspondant à l’ordre des Caudovirales. Cet ordre est divisé en trois familles en fonction de la morphologie de la queue des phages : les Siphoviridae ont une queue longue et non contractile (majorité des phages soit 61%), les Myoviridae ont une queue longue et contractile (24,5%), alors que les Podoviridae ont une queue courte (14%). Les phages présentant une autre morphologie représentent seulement 3 à 4% de l’ensemble des phages. Pour finir, 14,5% des phages avec une queue, possèdent une tête allongée et ont été qualifiés de « prolates ». Ces types de phages sont assez fréquents notamment chez les entérobactéries (20%) (Ackermann, 2007).Un autre système de classement des phages a été proposé dans une étude plus récente. Cette classification est basée sur les protéines impliquées dans la connexion entre la tête et la queue des phages, formant le « cou » du phage (Lopes et al., 2014). Cette étude, réalisée en particulier sur l’ordre des Caudovirales, montre que les phages peuvent être classés en quatre types correspondant à quatre architectures du cou. Le type 1, le plus abondant, est composé par des phages appartenant à deux familles, les Siphoviridae et les Myoviridae, qui possèdent les protéines de structure du cou Ad1, Hc1 et Tc1. Le type 1 est composé de dix clusters caractérisés par des combinaisons différentes entre les protéines de tête, de cou et de queue. Le type 2 ne comprend que des phages de la famille Myoviridae qui possèdent les protéines Ad2, Hc2 et Tc2. Les types 3 et 4 regroupent les phages de la famille des Podoviridae qui possèdent les protéines Ad3 et Hc3 pour le type 3 et Ad4 pour le type 4 (Lopes et al., 2014). 

Présentation des phages Stx

Historique et morphologie des phages 

Stx Les phages Stx ont été mis en évidence et décrits dans la littérature à partir de 1983 dans des souches d’E. coli de sérotypes O26:H11 (souche H19, phage H-19B) et O157:H7 (souche EDL933, phage 933W) (Smith et al., 1983, Herold et al., 2004, O’Brien et al., 1984). Ils appartiennent au groupe des lambdoïdes (Smith et al., 2012) dont le chef de file, le phage λ (lambda), mis en évidence pour la première fois en 1951 par Esther Lederberg, est le phage le plus connu et le plus étudié dans la littérature (Casjens & Hendrix, 2015). Les phages Stx sont composés d’un ADN double brin et appartiennent aux familles des Siphoviridae, des Myoviridae et des Podoviridae (Smith et al., 2012, Schmidt, 2001, Huang et al., 1987). Le phage Stx1 issu de la souche H19 possède une tête hexagonale allongée tandis que la tête du phage Stx2 (933W), issu de la souche EDL933, est régulière. Enfin, ces deux phages possèdent une queue non contractile et flexible pouvant mesurer 27 à 170 nm (Schmidt, 2001). Plus récemment, des études ont montré qu’il existe plusieurs types de phage Stx2 possédant des différences aussi bien du point de vue génétique que morphologique (Muniesa et al., 2003, Muniesa et al., 2004b, Garcia-Aljaro et al., 2009). En effet, certains phages Stx2 peuvent avoir une tête hexagonale régulière, d’environ 60nm de diamètre (Figure 11-A), alors que d’autres peuvent posséder une tête allongée (à l’instar du phage Stx1 issu de la souche H19) d’environ 45 x 90 nm (Figure 11-B) (Muniesa et al., 2003, Muniesa et al., 2004b). 

Cycles lytique et lysogénique 

Le phage Stx, comme le phage λ, est un bactériophage dit tempéré puisqu’il est capable d’effectuer aussi bien le cycle lysogénique que le cycle lytique. Lors du cycle lysogénique, le phage a la capacité d’intégrer son génome dans le chromosome bactérien sous la forme d’un prophage et de persister au cours des divisions cellulaires de la bactérie (Figure 12). Lors du cycle lytique, le phage utilise la machinerie cellulaire pour se multiplier et former de nouvelles particules qui seront libérées de la bactérie par lyse de la membrane bactérienne (Figure 12) (Canchaya et al., 2003, Lwoff, 1953).

Récepteurs des phages sur la bactérie

 Des études ont montré que les phages Stx interagissent avec au moins trois récepteurs à la surface des bactéries, FadL, LamB et YaeT. Parmi ces récepteurs, les protéines LamB et FadL ont initialement été décrites comme récepteurs du phage λ et du phage T2 (Smith et al., 2007a, Watarai et al., 1998). Etude bibliographique – Chapitre 2 49 L’étude de Watarai et al. (1998) a mis en évidence que les deux phages Stx2 (Stx2Φ-I et Stx2Φ-II), issus d’une souche de STEC O157:H7 responsable d’une épidémie au Japon en 1996, n’utilisaient pas le même récepteur membranaire chez la bactérie hôte E. coli C600. Le phage Stx2Φ-I s’est révélé être similaire au phage 933W issu de la souche EDL933 (Strockbine et al., 1986) tandis que le phage Stx2Φ-II n’avait pas d’équivalent déjà connu (Watarai et al., 1998). Les tests d’infection de la souche E. coli C600 par ces deux phages ont montré que le phage Stx2Φ-I se lie essentiellement à la protéine FadL tandis que le phage Stx2Φ-II a la possibilité de se lier à LamB et FadL (Watarai et al., 1998). L’étude de Smith et al. (2007) a montré que la protéine YaeT est impliquée dans la reconnaissance des phages Stx à queue courte (tels que les Podoviridae) à la surface des bactéries (Smith et al., 2007a). Le gène codant la protéine YaeT est un gène essentiel chez E. coli (Gerdes et al., 2003). Cette observation a aussi été confirmée par une étude d’Islam et al. (2012), dans laquelle un phage Stx2 (Sp5), issu de la souche Sakai (O157:H7), utilise la protéine YaeT pour se lier aux cellules bactériennes. En revanche, ce phage n’est pas capable de reconnaître les protéines LamB et FadL (Islam et al., 2012). Enfin, les phages Stx dotés d’une queue longue, tels que le phage H19-B de la famille des Siphoviridae et les Myoviridae, reconnaîtraient d’autres molécules de surface (Smith et al., 2007a). Une des candidates serait la protéine OmpC connue pour être un récepteur pour des phages de Shigella et de Salmonella (Marti et al., 2013, Parent et al., 2014, Smith et al., 2007a).

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