SIMULATION NUMÉRIQUE DE L’ORIENTATION DE FIBRES EN INJECTION DE THERMOPLASTIQUE RENFORCÉ
Les mécanismes d’orientation en injection
Cette section est dédiée à la description de l’orientation des particules dans une suspension pendant le procédé de mise en forme. Plus précisément, nous nous attachons à décrire les mécanismes qui régissent l’orientation des bres pendant la phase de remplissage. La première partie de ce chapitre est consacrée à l’analyse qualitative des diérents mécanismes d’orientation rencontrés pendant la phase de remplissage. Enn, dans une optique de compréhension du problème régi par l’orientation des bres, nous analyserons dans une dernière partie l’ensemble des paramètres susceptibles d’inuencer l’orientation des bres.
Les mécanismes d’orientation
Deux types de sollicitations vont orienter préférentiellement les bres pendant l’étape de remplissage : – Le cisaillement, d’une part, présent majoritairement dans les canaux d’alimentation des moules ou dans les cavités minces, – l’élongation, d’autre part, localement prépondérante dans certaines régions telles que les seuils d’injection, au front de matière lors de l’injection ou encore dans certaines régions 3D. Les écoulements mis en jeu dans les procédés industriels combinent les deux mécanismes précédents. Au cours du procédé de remplissage, les bres vont s’orienter dans des directions privilégiées en fonction de la sollicitation appliquée. An de comprendre les phénomènes qui gouvernent l’orientation des bres, nous allons nous attacher par la suite à décrire le mouvement d’une bre soumise respectivement à un écoulement de cisaillement et d’élongation et nous conclurons par une brève description de l’orientation des bres dans un disque injecté par le centre. a ) Orientation d’une bre en écoulement de cisaillement simple De très nombreux auteurs [130], [16], [138], [31] ont observé qu’une bre isolée, en écoulement de cisaillement avec un uide newtonien, est animée d’un mouvement périodique. Cette période T est inversement proportionnelle au taux de cisaillement γ˙ et à peu près proportionnelle au rapport de forme β de la bre, déni comme étant le rapport entre la longueur et le diamètre de la bre : T = 2π γ˙ β(1 + β) La vitesse de rotation de la bre n’est pas constante, elle devient maximale lorsque la bre est perpendiculaire à la direction de l’écoulement comme le montre la gure 2.1. Avec un uide non newtonien, la bre subit également un mouvement de rotation. Toutefois la période de rotation augmente fortement avec la pseudoplasticité du uide . Mouvement périodique de la fibre Fig. 2.1 Mouvement d’une bre isolée en suspension dans un uide Newtonien. (Vincent [138]) b ) Orientation d’une bre en écoulement élongationnel En écoulement élongationnel, la bre s’oriente perpendiculairement ou parallèlement à la direction de l’écoulement suivant que le taux d’élongation est négatif ou positif. Contrairement à l’écoulement de cisaillement, il existe en élongation une position d’équilibre stable de la bre. Celle-ci s’oriente suivant la direction de l’élongation comme le montre la gure 2.2. l’écoulement écoulement divergent écoulement convergent Direction de Fig. 2.2 Mouvement d’une bre dans un écoulement élongationnel. (Vincent [138]) Un écoulement élongationnel aligne ainsi les bres dans la direction d’étirement du uide. c ) Mécanismes d’orientation en injection Les écoulements mis en jeu dans les procédés d’injection conjuguent et parfois opposent le cisaillement et l’élongation. L’orientation des bres, pour un thermoplastique chargé de bres de verre, présente alors une structure assez particulière dans l’épaisseur de la pièce que l’on dénomme communément structure coeur-peau. La gure (2.3) illustre ce mécanisme et montre l’orientation des bres dans un disque injecté par le centre, d’après des observations expérimentales avec des bres courtes. Ces observations mettent en évidence plusieurs couches distinctes, avec une symétrie par rapport au plan médian du disque : – une ne couche de peau (A), près des parois, dans laquelle les bres semblent orientées de manière isotrope. – deux couches de peau (B) où les contraintes de cisaillement sont importantes et donc, les bres sont orientées selon la direction de l’écoulement, – une couche de coeur (D) caractérisée par des contraintes d’élongation prépondérantes : les bres sont orientées perpendiculairement au sens de l’écoulement, – enn, les deux dernières couches (C), dans lesquelles l’orientation des bres est aléatoire, sont des couches de transition entre les états d’orientation (B) et (D). Fig. 2.3 Orientation des particules dans un disque injecté par le centre. (Woebcken, 1971) Karpov et al [90] ont été les premiers à observer une structure en couches sur des disques injectés en polyamide renforcés de bres de verre. Ils ont noté une structure symétrique à cinq couches comprenant une ne couche de peau (A), suivie d’une couche plus épaisse (couche (B)) et enn une couche de coeur (couche (D)) d’épaisseur plus faible. Tous les auteurs reconnaissent l’existence d’une orientation multi-couches. Néanmoins les diérences entre les auteurs viennent du décompte du nombre de couches dans l’épaisseur. Ce nombre varie de 3 pour Kamal et al [89] à 11 pour Kaliske et al [88] selon la nesse de l’observation, la géométrie de la pièce, les paramètres procédés, la nature du matériau, … La conclusion commune à tous ces travaux se situe dans le fait que l’orientation des bres est gouvernée par les caractéristiques de l’écoulement lors du procédé de mise en forme. Kenig [91] identie l’origine de cette structure en couche à l’aide des mécanismes d’écoulement : • Au voisinage du seuil d’injection, le front de matière adopte un écoulement d’extension radiale qui s’apparente à un écoulement élongationnel de type divergent, et provoque une orientation transverse des bres par rapport à la direction d’écoulement. A coeur, le cisaillement étant pratiquement nul, les bres conservent leur orientation initiale, transverse à la direction de l’écoulement (couche (D)). • Loin du seuil d’injection et en amont du front de matière, un écoulement de cisaillement se met en place et favorise une orientation des bres dans la direction de l’écoulement. Le taux de cisaillement étant maximal au niveau des points d’in- exion des prols de vitesse (Figure 2.4), l’orientation des bres est unidirectionnelle dans le sens de l’écoulement à une certaine distance de la paroi (couche (B)). • Au niveau de la paroi, une couche de polymère solidiée se forme dans laquelle les bres ne sont pas orientées de façon préférentielle. L’eet fontaine a un rôle déterminant puisqu’il ramène la matière du centre vers les parois froides du moule où les bres vont être gées avec une orientation désordonnée. L’épaisseur de cette couche va dépendre de la vitesse de refroidissement (couche (A)). Couche de polymère solidifiée.
1 Introduction générale |
