Les objectifs de la politique fiscale

Les objectifs de la politique fiscale

Si les objectifs que la politique fiscale peut se fixer sont potentiellement très divers, ils sont également susceptibles d’entrer en conflit entre eux. Ceci est d’autant plus probable que le système de contraintes pesant sur les choix fiscaux se révèle particulièrement délicats. Il en résulte finalement pour les pouvoirs publics des arbitrages à opérer. Deux d’entre eux revêtent une importance fondamentale pour la littérature économique.

L’emprunt ou l’impôt ?

 En période de tensions sur les finances publiques l’acuité de la contrainte budgétaire se renforce. Or pour financer les dépenses publiques, emprunts et prélèvements obligatoires sont partiellement substituables ce qui pose la question des déterminants de l’arbitrage entre ces deux modes de financement. Dans les débats récents, la question de l’équité Les arbitrages fondamentaux 15 intergénérationnelle est fréquemment mise en avant (la dette engendrée par les flux d’emprunts serait transférée sur les générations futures) en défaveur de l’emprunt. Les réponses des économistes sont cependant plus nuancées. Selon l’analyse keynésienne, financer aujourd’hui les dépenses publiques destinées à faire face au sous-emploi ou au besoin d’infrastructures par l’endettement est susceptible de créer, demain, une situation meilleure ; de surcroît, l’amélioration de l’emploi et des infrastructures nouvelles permettraient d’accroître mécaniquement les recettes publiques et donc de financer a posteriori les dépenses initiales. De ce point de vue, les générations futures ne seraient pas créditrices mais plutôt débitrices des générations passées. On peut enfin soutenir que l’emprunt permettrait de « lisser » l’évolution des taux d’imposition, et d’éviter d’accroître la charge fiscale pesant sur les ménages dont la propension à consommer est élevée. Les contradicteurs des keynésiens s’appuient sur le théorème d’équivalence de Ricardo-Barro, et considèrent que l’émission d’emprunts ne procure aucune richesse supplémentaire en provenance des générations futures, mais a un impact équivalent à celui de l’impôt. Les agents économiques sont en effet capables d’anticiper le supplément d’impôt qui sera rendu nécessaire par le remboursement de la dette de sorte qu’ils ajustent leurs comportements d’épargne. Dans le cas des transmissions intergénérationnelles en particulier, les individus savent qu’ils transmettent à la fois des actifs et une dette fiscale si bien qu’ils capitalisent le remboursement de la dette et le paiement des intérêts par un legs supplémentaire. Il n’y aurait donc pas transfert de richesses des 16 générations futures vers les générations présentes et la politique d’emprunt public serait inefficace. Mais l’hypothèse d’équivalence elle-même a fait l’objet de nombreuses critiques. En effet l’argumentation développée à partir du théorème de Ricardo-Barro présume l’absence d’illusion fiscale, ne prend pas en compte les effets démographiques et suppose que les transferts intergénérationnels sont régis selon un modèle altruiste. Finalement on peut observer que l’emprunt donne naissance à une dette certes, mais également en contrepartie à une créance. Cela provoque plutôt des transferts intra-générationnels entre agents économiques. Le financement de la dépense publique par l’emprunt engendre une redistribution des richesses au sein d’une même génération. De la même façon, le remboursement de la dette s’effectue par l’impôt, ce qui provoque alors un autre transfert intra-générationnel, en particulier entre les ménages à bas revenus dont l’épargne est faible et les ménages propriétaires ou héritiers des titres de créance sur l’Etat, que celui-ci rembourse. 

Le dilemme entre équité et efficacité 

La problématique de l’acceptation de l’impôt débouche sur la recherche d’une norme acceptable de partage de la charge fiscale entre les différents contribuables. En particulier, pour être légitime cette norme doit être juste. Les travaux sur la question normative de la justice fiscale ont été inspirés par deux traditions, la doctrine du bénéfice et celle des 13 Voir par exemple Bernard Guerrien (2003), « L’endettement public est le fardeau des générations futures », in, Les Econoclastes, Petit bréviaire des idées reçues en économie, Paris, La Découverte, pp. 152-160. 17 facultés contributives selon laquelle l’impôt doit être proportionné, dans une mesure à déterminer, aux facultés contributives des contribuables. A priori, le choix de l’un ou de l’autre principe ne détermine pas le mode de répartition de la charge fiscale (proportionnalité ou progressivité) dans la mesure notamment, où le principe du bénéfice peut s’accommoder d’un impôt progressif. La fiscalité française repose toutefois sur une articulation spécifique des principes d’égalité, de taxation selon les facultés contributives et de progressivité issue de l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme de 1789. Si l’on admet que lorsque les revenus sont faibles, c’est-à-dire lorsqu’ils permettent simplement de faire face aux dépenses de première nécessité, la capacité contributive des individus est nulle. En d’autres termes, l’impôt devrait frapper le superflu et non le nécessaire, ce qui suggère qu’une fraction du revenu ne puisse être taxée car elle correspond à ce qui est nécessaire pour vivre. De la sorte, un prélèvement proportionnel aux facultés contributives est progressif en fonction du revenu, ce qui justifie la présence de la progressivité dans le système de prélèvements. Mais il faut cependant éviter que la fiscalité décourage les activités économiques. Pour les économistes, ces deux impératifs sont parfois conflictuels, car la recherche de l’égalité peut conduire au nivellement des situations qui décourage les initiatives. C’est le dilemme entre équité et efficacité. La politique fiscale doit donc arbitrer entre ces deux impératifs, ce qui dépend des préférences des pouvoirs publics quant à la norme de justice sociale. 

Stabilisateur automatique 

La stabilisation automatique est la capacité des finances publiques à atténuer les conséquences des événements conjoncturels sur l’activité économique. Les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques sont des facteurs qui jouent comme des stabilisateurs « automatiques ». En effets, leur mise en œuvre ne relève pas d’une décision discrétionnaire. Ainsi, lorsque l’économie est en phase d’expansion, les impôts progressent grâce au boom de la consommation et de l’emploi alors que les dépenses sociales reculent avec la baisse du chômage. À l’inverse, en période de récession, la baisse des impôts et la hausse des dépenses sociales, jouent toujours comme des stabilisateurs automatiques, et soutiennent l’activité.

Mécanisme des stabilisateurs automatiques

 Les stabilisateurs automatiques correspondent à variations des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques liées au cycle économique et agissant en retour sur ce cycle de façon contradictoire. Pour utiliser une image, ils fonctionnent un peu comme la soupape d’une bouilloire : lorsque le système est en surchauffe, la soupape s’ouvre et il refroidit. À l’inverse, lorsque le système est trop froid, la soupape se ferme automatiquement pour qu’il monte en température. 

Prélèvements obligatoires 

Les prélèvements obligatoires correspondent à l’ensemble des contributions obligatoires auxquelles sont soumis les agents économiques : ménages, entreprises, etc. Ces prélèvements comprennent, les impôts, les taxes et les cotisations qui sont appelées au bénéfice des administrations publiques (nationales ou locales). Selon un rapport de l’OCDE, les recettes fiscales françaises ont augmenté de 0,2 % en 2014 pour atteindre le niveau record de 45,2 % du Produit Intérieur Brut (PIB = somme des valeurs ajoutées des différentes branches de l’économie + TVA + droits de douane). Cette pression fiscale est de 34,4 % dans les 29 autres pays de l’OCDE. Le seul pays où le poids des prélèvements obligatoires est plus élevé qu’en France est le Danemark (50,9 %). IV.1.2 Les dépenses publiques Les dépenses sociales couvrent les prestations en espèces, les biens et services fournis directement ainsi que les allègements fiscaux à visées sociales. Ces dépenses sont réputées « publiques » lorsque les administrations publiques (administrations centrales et locales, sécurité sociale, etc.) contrôlent les flux financiers concernés. À noter : selon certains experts, le régime d’assurance-chômage peut être considéré comme un stabilisateur budgétaire automatique à part entière : en période de récession, la hausse des indemnités versées aux allocataires soutient la demande, et l’inverse se produit dans une phase de reprise.

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