L’implantation de l’approche hoshin kanri dans les organisations de santé et des services sociaux

La perfonnance organisationnelle est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre. Recherchant toujours une utilisation plus judicieuse de nos ressources, les organisations cherchent la solution ultime pour être plus efficientes. Il n’est donc pas surprenant que la philosophie de la qualité totale du système de production Toyota et la philosophie Lean telles que connues aujourd’hui aient fait plusieurs adeptes.

La philosophie de gestion soutenue par le Lean propose, entre autres, des approches et des systèmes de gestion de la perfonnance; c’est pourquoi le Lean a été vu comme une panacée pouvant répondre aux problèmes associés aux coûts, aux délais et à la mauvaise qualité (Liker, 2005). Rapidement, les organisations qui ont procédé simplement à l’implantation des outils ont remarqué que l’ atteinte de la perfonnance tant attendue n’était pas réalisée et pérennisée (Bhasin, 2012). En se penchant davantage sur les principes de la philosophie, les adeptes ont su approfondir et développer leur compréhension en lien avec l’ approche à succès de l’ entreprise Toyota. Les organisations qui ont ensuite procédé à une implantation plus complète de la philosophie ont bénéficié de l’ apport de la philosophie, améliorant ainsi la perfonnance de l’organisation (Radnor & Walley, 2008; Reardon, Ryan, & Wanhill, 2015). Cependant, la recherche se poursuit et des concepts qui n’ étaient pas encore compris ou saisis viennent enrichir la philosophie actuelle des études portant sur la perfonnance organisationnelle (Rother, 2015).

La recherche de l’ atteinte de la perfonnance organisationnelle n’est pas un sujet qui est propre au secteur industriel. En effet, toute entreprise et organisation qui œuvre dans les services est confrontée à la nécessité d’améliorer sa perfonnance organisationnelle pour demeurer compétitive. Les organisations du réseau public se tournent aujourd’hui résolument vers l’intégration de cette philosophie (Toussaint, 2016; Communauté virtuelle de pratique en amélioration continue (CvPAC), 2015). Le réseau de la santé et des services sociaux québécois en est un bel exemple.

Comme le présente Denis (2015), les systèmes de santé sont confrontés à trois défis majeurs qui doivent être atteints simultanément: le contrôle des coûts de santé et l’utilisation efficiente de ceux-ci, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et services ainsi que l’amélioration de la santé générale de toute la population. Enfin, les organisations de santé performantes démontrent la présence de trois éléments clés, soit un leadership clair en soutien à la stratégie de performance, une organisation et une utilisation efficiente de tous les types de ressources de même qu’une capacité de l’organisation à pouvoir s’améliorer (Denis, 2015).

Ces éléments sont notamment présents au sein des organisations de santé qui ont su déployer la philosophie Lean au cœur de leur culture organisationnelle (Aij, Aernoudts, & Joosten, 2015; Kim, Spahlinger, Kin, & Billi, 2006). Theda Care (Toussaint, 2016) et le Virginia Mason Center (Blackmore & Kaplan, 2016) sont les pionniers de l’ intégration de la philosophie du Lean dans un système de santé en Amérique du Nord. Au Canada, l’hôpital St-Boniface du Manitoba a suivi leur exemple et en 2007, la philosophie a fait son entrée au Québec avec un soutien important du MSSS (MSSS, 2011). Ainsi, depuis 2007 plusieurs organisations de santé du Québec ont emboîté le pas.

Conjointement à l’intérêt du réseau de santé québécois à l’ implantation de la philosophie, Lean, le Projet de loi 10 a été un facteur clé dans une poursuite de la performance plus évidente. En effet, la « Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales» présentée en septembre 2014 et sanctionnée le 9 février a un objectif clair: «Cette loi modifie l’ organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux par l’ intégration régionale des services de santé et des services sociaux, la création d’ établissements à mission élargie et l’ implantation d’ une gestion à deux niveaux hiérarchiques, afin de favoriser et de simplifier l’accès aux services pour la population, de contribuer à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d’ accroître l’ efficience et l’ efficacité de ce réseau. » (p2, MSSS, 2014) .

Les organisations de santé se regroupent maintenant soit en crusss (centre intégré universitaire en santé et services sociaux) ou en CISSS (centre intégré en santé et services sociaux) ou en centres universitaires et établissements à vocation unique, selon leur région et la spécificité des établissements qui en font partie.

Ayant une gestion intégrée de tous les services de santé sur un territoire bien défini, les nouvelles organisations se retrouvent devant un défi de taille: d’ abord, assurer une gestion efficace d’ un grand territoire et d’un bassin important de ressources humaines, et ensuite améliorer leur efficience tout en assurant le meilleur service aux usagers. La majorité des organisations maintenant fusionnées avaient presque toutes un établissement qui était en voie d’implantation de la philosophie Lean (MSSS, 2016).

Devant les succès rapportés par la philosophie Lean (MSSS, 2016), les organisations sont maintenant intéressées à mettre en place une approche permettant un gain évident de performance pour la globalité de l’organisation. Comme le démontrent les présentations de l’ édition 2016 du colloque de la Communauté virtuelle de pratique en amélioration continue du réseau de la santé et des services sociaux du Québec (CvP AC, 2016), les organisations se tournent vers des approches globales de performance, et ce, non seulement dans le cadre de proj ets précis d’ amélioration continue. Avec cet intérêt marqué, il est clair que les organisations du réseau de santé québécois sont à la recherche d’une approche qui répond au besoin d’implanter un système complet de gestion de la performance. Il est donc opportun d’ identifier et de proposer une approche répondant à la fois à ce besoin et demeurant cohérente avec la philosophie Lean .

À cet effet, une approche qui semble répondre à cette opportunité et qui a fait ses preuves dans les organisations manufacturières (Jolayemi, 2009) serait de mise: l’ approche hoshin kanri. Cette dernière traite particulièrement du processus de planification stratégique pour une organisation. Cette approche s’implante à travers la réalisation de différentes activités et l’utilisation de l’outil de la matrice en X (matrice de cohérence) et de la salle de pilotage (obeya). Comme le Lean à ses débuts dans le réseau de la santé, l’ approche ne fait pas encore partie de la culture courante de la gestion de la performance puisqu’un modèle adapté aux organisations de santé n’ est pas disponible. Il n’ existe donc pas de modèle standardisé d’ implantation de cette approche dans les organisations de santé et des services. Il en est de même pour la matrice en X, un outil tabulaire qui communique les décisions prises par une organisation envers son atteinte de performance (Colletti, 2013), et la salle de pilotage, une salle qui permet entres autres d’avoir un espace dédié pour faire le suivi de l’implantation des plans d’action découlant des décisions organisationnelles (Aasland & Blankenburg, 2012). Devant le potentiel de cette démarche et ses outils ainsi que l’intérêt pour ces organisations envers un système intégré de la gestion de’ la performance, il devient pertinent de réaliser une recherche pour proposer aux organisations de santé une démarche standardisée d’implantation de l’approche hoshin kanri adaptée à leurs besoins avec un modèle cohérent de matrice en X s’intégrant à une salle de pilotage qui reflètent cette démarche  .

les composantes de l’approche 

Les auteurs présentent de façon similaire les fondements théoriques de l’ approche hoshin kanri. Ce qui distingue les recherches sur le sujet est le niveau d’ importance attribué à certains aspects de l’ approche. Cette section poursuit l’objectif d’ identifier les principes clés de l’ approche, leurs caractéristiques et leurs modalités d’actualisation. L’ article intitulé « Hoshin kanri and hoshin process : A review and  literature survey » (Jolayemi, 2008) propose une revue de littérature qui traite du hoshin kanri et de la façon dont cette approche est présentée. La définition de l’auteur est que le hoshin correspond à la boussole d’une organisation, à une vision, à une politique, un plan ou une visée, tandis que le terme kanri se traduit comme étant la gestion du contrôle de l’ attention de la compagnie (Jolayemi, 2008). Plus précisément, le terme hoshin correspond aux objectifs majeurs et importants qui permettront à l’ organisation d’ échapper au statu quo ( «breakthrough objectives ») et le terme kanri correspond à la gestion de l’ atteinte de ces objectifs en conjonction avec les aléas du terrain (Colletti, 2013; Cowley & Domb, 1997). Ainsi, le hoshin kanri désigne le processus rigoureux de planification et de mise en œuvre de la stratégie organisationnelle qui permet d’encadrer l’ ensemble des efforts de façon à ce qu’ils s’ alignent sur les priorités de l’ entreprise. L’ approche permet donc l’élaboration d’une planification stratégique qui tient compte de tous les niveaux d’ une organisation (Landry & Beaulieu, 2016).

L’ approche hoshin kanri comprend la définition de l’orientation stratégique d’une organisation et la planification et le suivi des actions retenues par celle-ci. La définition de l’orientation stratégique se fait par l’élaboration d’ une vision commune  et concertée par les membres d’une organisation en utilisant, entres autres, par une réflexion organisationnelle et transversale de tous les niveaux de l’organisation (catchball). Afin de faciliter l’ élaboration de la vision, les indicateurs mesurables faisant état objectivement de la situation actuelle de l’organisation sont essentiels. De plus la philosophie qui sous-tend le hoshin kanri est celle de l’ amélioration continue par l’ actualisation du cycle de Shewhart, soit le cercle Plan-Do-Check-Act (PDCA), autrement dit, planifier, déployer, contrôler et agir. Ainsi, les audits sont nécessaires afin de valider l’ avancement de l’organisation vers l’ atteinte de sa vision. De plus, la communication des décisions prises et des résultats obtenus doit être assurée à toutes ces étapes du PDCA.(Akao, 1991 ; Cowley et Domb, 1997; Jackson, 2006; Hutchins, 2012; Colletti, 2013; et Nicholas 2014). Le PDCA est le véhicule de l’ actualisation de l’ approche hoshin kanri. Comme cette recherche a pour objectif de proposer une démarche permettant l’implantation de l’ approche hoshin kanri dans une organisation, la prochaine section explique en détail l’impact de cette philosophie dans l’ actualisation et dans l’ implantation de l’ approche hoshin kanri au sein des organisations.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 les composantes de l’ approche
1.1.1 l’ approche hoshin kanri et le cycle PDCA
1.1.2 l’ approche du balanced scorecard en comparaison à l’ approche hoshin kanri
1.1.3 la réalisation des étapes clés de l’ approche hoshin kanri selon le cercle PDCA
1.2 les éléments à considérer pour l’ implantation de l’ approche hoshin kanri
1.2.1 l’ évaluation de la capacité d’une organisation à implanter le hoshin kanri
1.2.2 les avantages et les défis de l’ approche hoshin kanri
1.3 les outils qui soutiennent l’ approche hoshin kanri
1.3.1 la matrice en X (matrice de cohérence)
1.3.2 la salle de pilotage ou l’Obeya
CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE
2.1 problématique spécifique et objectifs de recherche
2.2 stratégies de recherche privilégiées
2.2.1 l’ étude de cas
2.2.2 la recherche-action
2.2.3 les questionnaires
2.2.4 l’observation
2.2.5 les entrevues
2.3 population visée
2.4 les étapes de la recherche
2.4.1 étape 1 : l’évaluation de la présence des facteurs facilitant l’implantation de l’approche hoshin kanri
2.4.2 étape 2 : la collecte et analyse des indicateurs de performance
2.4.3 étape 3 : l’analyse des écarts entre la démarche exploratoire et la démarche réalisée
2.4.4 étape 4 : l’évaluation de la satisfaction et de la pertinence des outils utilisés et activités réalisées et la perception de la perfonnance de la direction avant et après l’atelier de planification
2.5 proposition d’une démarche standardisée et d’un modèle standard pour la matrice en X et la salle de pilotage
CHAPITRE 3: RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
3.1 mise en contexte
3.1.1 contexte du CIUSSS de la Capitale-Nationale
3.1.2 contexte de la Direction des programmes Santé mentale et Dépendances
3.2 résultats de l’expérimentation
3.2.1 étape 1 : l’évaluation de la présence des facteurs facilitant l’implantation de
l’approche hoshin kanri
3.2.2 étape 2 : la collecte et analyse des indicateurs de performance
3.2.3 étape 3 : l’ analyse des écarts entre la démarche planifiée et la démarche réalisée
3.2.4 étape 4 : l’ évaluation de la satisfaction et de la pertinence des outils utilisés et activités réalisées ainsi que la perception de la performance de la direction avant et après l’ atelier de planification
3.3 proposition d’une démarche de planification hoshin kanri standardisée et d’ un modèle standard de matrice en X et de salle de pilotage
3.3.1 la démarche de planification hoshin kanri standardisée
3.3.2 le modèle de la matrice en X
3.3.3 le modèle de salle de pilotage
CHAPITRE 4 : CONCLUSION

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