Longue mémoire et longue mémoire isotrope

Longue mémoire et longue mémoire isotrope

 Un champ aléatoire stationnaire et du second ordre est à longue mémoire, ou fortement dépendant, si sa fonction de covariance est non sommable, i.e. X h∈Zd |r(h)| = ∞. Une définition alternative de la longue mémoire se rencontre parfois dans le domaine spectral : on dit qu’un champ aléatoire est fortement dépendant s’il admet une densité spectrale non-bornée. C’est en fait un point de vue plus restrictif que celui de la définition précédente : Proposition 1. Si un champ aléatoire X admet une densité spectrale non-bornée, alors il est à longue mémoire au sens de la définition 1. Démonstration. Lorsque la fonction de covariance est sommable, la densité spectrale peut être explicitement exprimée en fonction de la fonction de covariance par la formule f(λ) = P h∈Zd e ir(h), quel que soit λ ∈ [−π, π] d , et dans ce cas, la densité spectrale est continue donc bornée sur [−π, π] d . Si la densité spectrale de X est non-bornée, la fonction de covariance de X est donc non sommable et le champ est à longue mémoire. Nous travaillerons par la suite essentiellement dans le domaine spectral. Afin de spécifier la façon dont la densité spectrale est non-bornée, nous précisons la notion de singularité d’une fonction en un point. Nous restreignons abusivement cette notion au type de singularité qui nous intéresse. Définition 2. Une fonction de R d à valeurs complexes sera dite singulière en un point x si elle est non définie en ce point et si, au voisinage de x, le module de la fonction diverge vers l’infini au moins le long d’une direction. Avant de définir la longue mémoire isotrope, nous introduisons l’ensemble des fonctions à variation lente. Il existe plusieurs définitions de cette notion. Nous adoptons la suivante, due à Zygmund (1959). La fonction L est à variation lente en l’infini si elle est à valeurs positives et si, pour tout δ > 0, il existe tδ tel que, lorsque t > tδ, t −δL(t) est décroissante et t δL(t) est croissante. Remarque 1. La définition précédente d’une fonction à variation lente implique que pour tout s > 0, la limite, lorsque t → ∞, de L(st)/L(t) vaut 1 (voir Zygmund (1959), page 186). Cette dernière propriété est parfois donnée comme définition d’une fonction à variation lente ; c’est par exemple le cas dans Dobrushin et Major (1979). Nous précisons à présent ce que nous entendons par un champ aléatoire à longue mémoire isotrope. La définition peut s’énoncer soit dans le domaine spectral, soit dans le domaine temporel. Même si les critères relatifs à ces deux points de vue ne sont pas Longue mémoire et longue mémoire isotrope Présentation des champs à longue mémoire 1.2 Présentation des champs à longue mémoire 5 équivalents, nous parlerons indistinctement de longue mémoire isotrope dans les deux cas. Le Théorème 1 donné ci-après, dû à Wainger (1965), établit un lien entre les deux points de vue. Définition 3. Un champ aléatoire stationnaire est à longue mémoire isotrope si l’une des deux conditions suivantes est vérifiée – sa densité spectrale est continue partout sauf en l’origine où elle vérifie : f(x) ∼ 0 ||x||α−d b  x ||x|| L  1 ||x|| , 0 < α < d. (1.2.1) – sa fonction de covariance vérifie r(n) = ||n||−αL(||n||)b  n ||n|| + en, 0 < α < d. (1.2.2) où, dans les expressions (1.2.1) et (1.2.2), L est une fonction à variation lente à l’infini, b est une fonction continue sur la sphère unité de R d , (ek)k∈Zd est une suite sommable et ||.|| représente une norme quelconque dans R d . Remarque 2. L’expression « longue mémoire isotrope » employée dans la définition 3 se comprend grâce à l’expression (1.2.2) de la fonction de covariance. Si un champ admet une telle fonction de covariance alors sa forte dépendance est guidée par le terme ||n||−α . Lorsque la norme est la norme euclidienne, ce terme décroît de façon isotrope. De plus, si un champ aléatoire vérifie (1.2.2), quelle que soit la norme considérée, l’intensité de sa longue mémoire, quantifiée par l’exposant α, sera la même dans toutes les directions. C’est pourquoi nous parlons de longue mémoire isotrope. Le terme est toutefois abusif car la fonction r n’est pas strictement isotrope à cause de la présence de la fonction L et de la fonction b et car la norme n’est pas nécessairement euclidienne. Enfin, le Théorème 1 ci-dessous montre que dans la plupart des cas, le comportement (1.2.1) de la densité spectrale à l’orgine est une conséquence de (1.2.2). C’est la raison pour laquelle nous adoptons également le terme de longue mémoire isotrope lorsque (1.2.1) est vérifiée. Afin d’énoncer le théorème de Wainger (1965) liant (1.2.1) et (1.2.2), nous introduisons la classe S, sous-ensemble des fonctions à variation lente. La fonction L appartient à la classe S si, étant donnée la suite (hj )j∈N définie par h0 = L et pour j ≥ 1, hj (t) = t d dthj−1(t), (i) L est indéfiniment dérivable sur [0,∞[, (ii) Pour tout j ∈ N, la fonction hj est à variation lente. Remarque 3. La plupart des fonctions à variation lente connues appartiennent à S. Nous renvoyons à l’annexe de Wainger (1965) pour une large classe d’exemples. Le théorème suivant montre qu’en se restreignant aux fonctions à variation lente dans S et à la norme euclidienne, (1.2.2) implique (1.2.1), pourvu que la densité spectrale soit supposée continue partout hors de l’origine

 Revue des travaux préexistants

Les travaux existants sur les champs aléatoires à longue mémoire sont de deux types. On trouve d’une part des travaux de modélisation des champs fortement dépendants contenant parfois des procédures d’estimation, et d’autre part, lorsque la longue mémoire est isotrope, des recherches plus théoriques sur les outils de base de la statistique asymptotique comme les sommes partielles ou le processus empirique. Certains modèles de champs à longue mémoire ont été introduits en dimension d = 2 afin de modéliser des textures d’image. Ils reposent sur des filtrages fractionnaires de bruit blanc, généralisation à la dimension d = 2 des représentations FARIMA pour les séries temporelles (nous revenons sur le filtrage fractionnaire dans le chapitre 2). Les travaux dans ce domaine sont dûs à Kashyap et Lapsa (1984), Kashyap et Eom (1989), Bennett et Khotanzad (1998) et Eom (2001). Les modèles proposés par ces auteurs conduisent à des champs à longue mémoire isotrope ou à longue mémoire de type produit (c’est à dire que la fonction de covariance s’écrit r(h1, h2) = r1(h1)r2(h2) où (r1(h)) et/ou (r2(h)) sont des suites non-sommables). Les articles de Bennett et Khotanzad (1998) et Eom (2001) proposent, de façon heurisitique, une méthode algorithmique d’identification des paramètres des modèles qu’ils présentent. Dans le cas de champs à longue mémoire de type produit, Kashyap et Lapsa (1984) et Kashyap et Eom (1989) proposent un estimateur des paramètres du modèle basé sur le log-périodogramme, comme cela se rencontre en dimension d = 1. Par ailleurs, Sethuraman et Basawa (1995) étudient eux-aussi un modèle, en dimension d = 2, conduisant à un champ à longue mémoire de type produit. La forte dépendance du champ résultant n’a en fait lieu que dans une direction et ils montrent la consistance de l’estimateur par maximum de vraisemblance des paramètres de leur modèle. Enfin, dans Anh et Lunney (1995), les auteurs disposent d’une photo d’écorce d’un arbre qu’ils modélisent par un champ à longue mémoire isotrope. Ils supposent plus  précisement que la densité spectrale du champ sous-jacent s’écrit f(λ) = c|λ| α où α < 0. Ils montrent, sous cette hypothèse, la consistance de l’estimateur de Whittle de la densité spectrale et ils estiment par cette méthode les paramètres de leur modèle. D’autres travaux concernent les outils de la statistique asymptotique lorsque le champ aléatoire est à longue mémoire isotrope. Il s’agit, pour l’étude des sommes partielles, des articles de Dobrushin et Major (1979) et de Surgailis (1982). Nous revenons dans la section suivante sur les énoncés précis des théorèmes limite que ces auteurs obtiennent. L’étude du processus empirique d’un champ linéaire à longue mémoire isotrope a été effectuée par Doukhan et al. (2002). Les théorèmes limite montrent une dégénérescence asymptotique du processus empirique dans le sens où le processus limite admet la forme f(x)Z où f est une fonction déterministe et Z une variable aléatoire. Les formes quadratiques d’un champ à longue mémoire isotrope ont été étudiées par Heyde et Gay (1993) et dans un cadre plus large par Doukhan et al. (1996). Enfin, on trouve une étude de l’asymptotique des temps locaux d’un champ à longue mémoire isotrope dans Doukhan et Leon (1996).

Revue de l’asymptotique des sommes partielles d’un champ aléatoire

Les sommes partielles sont un outil central en statistique asymptotique. Nous présentons dans cette section une revue des résultats connus selon que le champ sous-jacent est à courte mémoire ou qu’il est à longue mémoire.

En courte mémoire

Lorsque le champ aléatoire X est d’ordre 2, on dit qu’il est à courte mémoire si sa fonction de covariance est sommable. Cette définition complémentaire à celle de la longue mémoire se décline en réalité sous diverses formes. On distingue entre autres des champs de type accroissement d’une martingale, des champs mélangeants (il en existe de diverses sortes), des champs fonctions de gaussiens, des champs linéaires et des champs associés. Nous ne présentons pas ces notions qui sont détaillées dans Doukhan (2003). Dans cet article, on trouve également une revue de l’asymptotique des sommes partielles en dimension d = 1 selon le type de dépendance considérée. En dimension d, le processus des sommes partielles de X est défini pour tout (t1, .. . ,td) et pour tout n ∈ N par Sn(t1, .. . ,td) = 1 nd/2 X [nt1] k1=1 . .. X [ntd] kd=1 Xk1,…,kd . (1.3.1) On peut étendre cette définition en considérant la somme intervenant dans (1.3.1) non plus sur [0, nt1] × · · · × [0, ntd] mais sur des ensembles boréliens de R d . La définition des sommes partielles devient la suivante. Soit, pour i ∈ Z d , le cube Ri défini par Ri = ]i1 − 1, i1] × · · · × ]id − 1, id] . 8 Introduction Le processus des sommes partielles indexé par une classe A d’ensembles boréliens de [0, 1]d est défini pour tout A ∈ A par S ′ n (A) = 1 nd/2 X i∈Zd λ(nA ∩ Ri)Xi , (1.3.2) où λ représente la mesure de Lebesgue sur R d . Lorsque la classe A correspond à l’ensemble des quadrants [0, t1] × · · · × [0, td], on remarque que S ′ n défini en (1.3.2) est une version lissée de Sn défini en (1.3.1). En faible dépendance, le comportement asymptotique des sommes partielles lorsque n tend vers l’infini a été étudié dans les deux situations précédentes : pour les sommes partielles (1.3.1) indexées par des quadrants et pour les sommes partielles (1.3.2) indexées par des boréliens. Nous renvoyons à la thèse de El Machkouri (2003) pour une revue précise des résultats. Nous présentons un résultat de Dedecker (2001) pour les sommes partielles sur les quadrants. Nous introduisons dans un premier temps quelques notations. En notant ≺ l’ordre lexicographique dans Z d , nous posons V 1 i = {j ∈ Z d : j ≺ i} et, pour k ∈ N, V k i = V 1 i ∩ {j ∈ Z d : |i − j|∞ ≥ k} où, pour i ∈ Z d , |i|∞ = max1≤p≤d{|ip|}. Soit enfin FΛ = σ(Xi ;i ∈ Λ) la tribu engendrée par les variables aléatoires (Xi) pour i ∈ Λ. Le théorème suivant établit la convergence des sommes partielles d’un champ faiblement dépendant sous la condition projective (1.3.3). Dans l’article de Dedecker (2001), l’auteur montre que cette condition est vérifiée sous des conditions raisonnables de αmélange.

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