« och » est traduit par « et » : 80 % de notre corpus
Dans cette première partie, il est question d’établir un état de fait sur le schéma de traduction classique où la conjonction de coordination « och » est traduite par son équivalent français « et ». Bien qu’il s’agisse du schéma de traduction le plus commun dans notre corpus, puisque 80 % des occurrences le suivent, les deux exemples suivant sont sélectionnés pour illustrer le cas général :
• Hon hade köpt med sig julklappar i form av eau de toilette från Dior och en engelsk julskinka från Åhléns. (p. 77)
• Elle avait apporté comme cadeaux un flacon d’eau de toilette Dior et un pudding anglais de chez Åhléns. (p. 80)
• Det var julstängt och medarbetarna var utflugna. (p.73)
• On avait fermé pour Noël et les collaborateurs s’étaient envolés. (p. 76)
Dans l’exemple (01), la conjonction coordonne deux noms et leurs compléments et dans (2) deux phrases. Elle est dans les deux cas traduite par la conjonction de coordination « et » en français.
Ce schéma de traduction est le plus productif dans notre corpus car il a été recensé 416 autres cas où « och » est traduit par « et » en français.
« och » n’est pas traduit par « et » : 20 % de notre corpus
L’énumération
Il est tout d’abord important de rappeler que dans le cas de l’énumération, la conjonction de coordination « och » peut avoir une fonction stylistique, un aspect qu’il nous est impossible d’examiner dans le cadre de ce mémoire.
Lorsque l’auteur semble répéter l’agent coordinateur dans une énumération – dans les exemples du corpus –, il semblerait que les traducteurs préfèrent la présence d’un trait de ponctuation ainsi qu’une conjonction de coordination finale.
Le résultat ne sera pas un texte à lire dans une église mais une histoire de haine, de disputes familiales et de cupidité incommensurable. (p. 94)
Quant à l’usage ordinaire, Le Bon Usage – Grammaire Française suit la structure présentée dans l’exemple (03) : un trait de ponctuation ainsi qu’une conjonction de coordination finale (cf. Grévisse §1033-a). Pour la langue suédoise, l’usage ordinaire est moins strict. Toutefois, le Conseil des Langues de Suède (Språkrådet), dans son ouvrage sur les règles typographiques recommande l’usage d’une virgule lorsqu’une conjonction est absente lors d’une énumération (Språkrådet 2008:184 §12.5.7).
Dans l’exemple (05) lors d’une énumération de propositions infinitives, notons que l’auteur ne répète pas la marque de l’infinitif tandis que les traducteurs se doivent de le faire en français – comme le dit la règle (cf. Grévisse §995-a) :
• ”Och på kvällen nästa dag var det fritt fram för mördaren att ta sin bil och köra över bron och gömma kroppen någon annanstans.” (p. 114)
• – Et le lendemain soir, l’assassin était libre de prendre sa voiture, de traverser le pont et d’aller cacher le corps ailleurs. (p. 117)
Cependant, l’inverse se produit lors d’une énumération avec un pronom qui d’ailleurs ne se répète pas dans le texte suédois alors que dans la traduction française, la répétition du pronom dans une énumération a lieu. Dans ce cas, les traducteurs optent pour l’absence d’une conjonction de coordination dans toute l’énumération, remplacée par un trait de ponctuation, en l’occurrence la virgule. Il est intéressant de remarquer que l’utilisation répétée dans la phrase traduite en français du pronom a une valeur stylistique qui note l’insistance.
• Vi har gått igenom varje byggnad, skorsten, dagbrunn, lada och smygvind. (p. 103)
• Nous avons fouillé chaque bâtiment, chaque cheminée, chaque puits, chaque grande, chaque grenier. (p. 107).
Lorsque l’auteur suit la tendance de l’énumération avec un trait de ponctuation et une conjonction finale, les traducteurs se plaisent à garder la même structure.
• Hon granskade elmätare, proppskåp och kopplingsdosor och plockade därefter fram en Canon digitalkamera, stor som ett cigarettpaket. (p. 109)
• Elle examina les compteurs, les boîtiers de fusibles et les boîtes de dérivation, puis elle sortait un appareil photo digital, un Canon, de la taille d’un paquet de cigarettes. (p. 113)
Il semblerait donc dans cette première partie que la tendance soit à l’effacement de la conjonction de coordination « och » dans une énumération par un trait de ponctuation sauf en place finale où « och » est traduit par « et ».
La simultanéité
Le gérondif
Pour exprimer la simultanéité de deux évènements – le fait que le procès des deux actions se déroule en même temps – le suédois peut utiliser la conjonction de coordination « och » car l’aspect de la simultanéité est alors sous-entendu. Le français quant à lui est doté d’une forme verbale spécifique – le gérondif – qui exprime à lui seul cet aspect. Comme le démontre (08), (09) et (10), le gérondif reste apprécié lorsqu’il s’agit de traduire une action simultanée entre deux syntagmes verbaux.
• ”Han är alltså Harriets och Martins far?” frågade Mikael och pekade mot porträttet på serveringsbordet. (p. 94)
• – C’est donc lui le père de Harriet et de Martin ? demanda Mikael en montrant le portrait sur la table basse. (p. 98)
Dans (08), l’aspect simultané des deux verbes conjoints avec « och » est inclus dans une proposition incise (sägesats). L’emploi du gérondif dans les incises de narration permet de lier l’action avec un verbe de parole (sägeverb) (Bonniers §214C-c).
Il est intéressant cependant de montrer que le gérondif est également préféré dans d’ordinaires propositions principales, comme dans (09) et (10) :
• Salander vände ryggen till och tog några steg bort från porten, ungefär som om hon otåligt väntade på någon och vankade av och an. (p. 108)
• Salander lui tourna le dos et fit quelques pas pour s’éloigner de la porte, un peu comme si elle attendait quelqu’un en faisant les cent pas. (p. 112)
• Jag skickade en av hennes kusiner att hämta henne från sitt rum, men hon kom tillbaka och sa att hon inte kunde hitta henne. (p. 101)
• J’ai envoyé l’une de ses cousines la chercher dans sa chambre, mais elle est revenue en disant qu’elle ne la trouvait pas. (p. 105)
Une seule partie de l’action simultanée est traduite
L’exemple (11) constitue un cas singulier pour les occurrences traitant de la simultanéité car dans le texte suédois, deux verbes coordonnés par « och » servent à décrire des actions effectuées simultanément. Toutefois, la traduction française ne traduit qu’un seul des deux verbes, le second.
• Hon drack kaffe och betraktade den fyrtiosexåriga kvinnan som med klumpiga fingrar försökte pilla upp knuten på julklappssnöret. (p. 77)
• Elle contemplait la femme de quarante-cinq [sic !] ans qui de ses doigts malhabiles essayait de défaire le nœud du paquet. (p. 80)
En ce qui concerne les verbes coordonnés par « och » où les procès des actions se déroulent de façon simultanée, il y une tendance dans la traduction à utiliser le gérondif, mais (11) représente un cas où un des deux procès de l’action est omis à la traduction.
La manière
Lorsque la conjonction de coordination « och » permet de coordonner une seconde phrase qui exprime la manière dont l’action du verbe de la première phrase est effectuée, les traducteurs se plairont à utiliser le gérondif qui en plus d’exprimer la simultanéité peut préciser par quel moyen l’action est réalisée.
• Föraren i tankbilen försökte undvika kollisionen och vred förmodligen instinktivt på ratten. (p. 98)
• Le conducteur du camion-citerne a essayé d’éviter la collision en braquant instinctivement. (p. 102)
Bien que ce schéma de traduction ne soit pas, dans notre corpus, productif, il est intéressant de pointer le cas de l’exemple (12) où les traducteurs ont préféré l’utilisation du gérondif et un de ses aspects – décrire la manière dont le procès de l’action est produite – pour traduire ce qui en suédois est sous-entendu dans l’utilisation de la conjonction « och ».
Une série d’évènements successifs
L’utilisation d’un trait de ponctuation
Dans les exemples (13) et (14), il est clair que pour exprimer une série d’évènements qui se succèdent, dans les exemples du corpus, l’auteur utilise volontiers la conjonction de coordination « och » pour lier les procès des verbes décrits dans les deux propositions principales. Le français, quant à lui, a recours à un trait de ponctuation.
◦ Hon besökte toaletten och hämtade en kopp kaffe från den espressomaskin som […]. (p. 119)
◦ Après être allée aux toilettes, elle prit un café dans la machine à espressos [sic !] que […]. (p. 122)
• remarquer toutefois que bien que les deux actions successives soient conjointes par une virgule, les traducteurs ont choisi ici de rajouter la préposition « après » suivi de l’infinitif passé qui marque alors la postérité dans le temps. Une construction équivalente à celle-ci existe en suédois et aurait pu être utilisée mais relève d’un style moins courant.
L’auteur utilise également des marqueurs temporels (en plus de la conjonction « och ») pour exprimer la successivité d’une action sur l’autre. On observe alors que les traductions varient.
• Mikael tillbringade måndagen med att först diska och röja upp i lägenheten och därefter promenera till redaktionen för att städa ur sitt arbetsrum. (p. 73)
• Mikael commença son lundi en faisant la vaisselle et en mettant un peu d’ordre dans l’appartement, puis il se rendit à pied à la rédaction pour faire le ménage dans son bureau. (p. 76) Dans l’exemple (14), on relève que la conjonction de coordination « och » a été traduite par un trait de ponctuation. Néanmoins, l’adverbe « därefter » est traduit quant à lui par l’adverbe « puis » qui renforce l’idée de succession dans le temps.
Toutefois, si nous nous penchons sur l’exemple (15), la même construction CONJONCTION DE COORDINATION + ADVERBE a été rendue en français par un trait de ponctuation fort, le point, et où l’élément notant la successivité temporelle n’a pas été traduit.
• En av dem var en kvinna i fyrtioårsåldern som i samband med den obligatoriska frågestunden hade greppat mikrofonen och därefter sänkt rösten till en knappt hörbar viskning. (p. 74)
• Et, parmi eux, une femme d’une quarantaine d’années qui s’était emparée du micro quand était venu l’instant incontournable des questions. Elle avait baissé la voix en un tout petit chuchotement.
Le schéma de traduction de l’exemple (14) semble être préféré dans le texte étudié. En témoigne les exemples (16) et (17) :
• Han passerade Uppsala och därefter började det glesa pärlbandet av små industristäder längs Norrlandskusten. (p. 80)
• Il passa Uppsala, puis ce fut le petit collier clairsemé de petites villes industrielles le long de la côte. (p. 83)
• Mikael tackade och vände sig därefter till Henrik Vanger: ”Jag är inte säker på att jag stannar ända till middagen. […]” (p. 82)
• Mikael la remercia, puis se tourna vers Henrik Vanger : – Je ne suis pas sûr de rester jusqu’au repas. (p. 86)
Cependant, comme le montre les exemples (18), (19) et (20), il semblerait que les traducteurs choisissent librement d’inclure l’adverbe « puis » même si le schéma CONJONCTION DE COORDINATION ‘och’ + ADVERBE ‘därefter’ n’est pas respecté ; le but étant sans doute de renforcer l’aspect successif des actions.
• Hon tog tunnelbanan från Zinkensdamm till Östermalmstorg och gick mot Strandvägen. (p. 108)
• Elle prit le métro de Zinkensdamm à Östermalmstorg, puis se dirigea à pied vers Strandvägen. (p. 112)
• Mikael gjorde som han blivit ombedd och vek ut kartbladet på serveringsbordet. (p. 102)
• Mikael fit ce qu’on lui demandait, puis déplia la carte sur la table basse. (p. 106)
• Annika hade seglat igenom juridikstudierna och arbetat som tingsnotarie och biträdande åklagare i några år […]. (p. 79)
• Annika avait fait son droit les doigts dans le nez, puis avait travaillé quelques années comme stagiaire au tribunal d’instance […]. (p. 82)
L’utilisation d’un adverbe
Pour rendre compte de la relation successive entre les propositions que la conjonction lie, les traducteurs peuvent également se permettre de rendre la conjonction de coordination « och » par un adverbe, en l’occurrence « puis », sans trait de ponctuation donc.
• Henrik Vanger gjorde en konstpaus och talade med intensitet i rösten. (p. 90)
• Henrik Vanger fit une pause oratoire puis se remit a parler avec beaucoup plus d’intensité dans la voix. (p. 93)
Cette stratégie semble être productive car deux exemples (22) et (23) l’étayent.
• En bit innanför entrén fanns en övervakningskamera som hon kastade en blick på och ignorerade; […]. (p. 108)
• Dans le hall d’entrée, il y avait une caméra de surveillance, elle y jeta un coup d’œil puis l’ignora ; […]. (pp. 112/113)
• Annika hade seglat igenom juridikstudierna och arbetat som tingsnotarie och biträdande åklagare i några år innan hon tillsammans med några vänner öppnat en egen advokatbyrå med kontor på Kungsholmen. (p. 79)
• Annika avait fait son droit les doigts dans le nez, puis avait travaillé quelques années comme stagiaire au tribunal d’instance puis comme substitut du procureur avant d’ouvrir son propre cabinet d’avocats, associée à quelques amis et installée dans des bureaux avec vue sur Kungsholmen. (p. 82)
L’exemple (23) est intéressant dans le sens où l’aspect successif de l’action est en suédois sous-entendu alors qu’en français, il est clairement exprimé avec « puis ».
L’omission de la conjonction de coordination
Une construction analogue à celle vue avec les exemples (14) à (20) CONJONCTION DE COORDINATION ‘och’ + ADVERBE ‘därefter’ est celle de CONJONCTION DE COORDINATION ‘och’ + ADVERBE ‘sedan’. On remarque dans l’exemple (24) l’adverbe « puis » suffit à exprimer la notion de successivité et que la conjonction est alors omise :
• Allt jag behöver göra är alltså att underteckna kontraktet och sedan rulla tummarna i ett år. (p. 122)
• Tout ce que j’ai à faire, c’est de signer le contrat puis me la couler douce pendant un an. (p. 125)
Finalement, l’exemple (25) traite du cas spécifique où l’auteur utilise les connecteurs
• först » et « därefter » joints par la conjonction « och ». Les traducteurs omettent alors la conjonction, estimant probablement que les connecteurs permettent une compréhension suffisante de la successivité de l’action.
• Henrik Vanger gjorde en inbjudande gest som Mikael låtsades att han inte uppfattade; han gjorde istället en nyfiken rundvandring och granskade först bokhyllan och därefter väggen med tavlorna. (p. 83/84)
• Henrik Vanger fit un geste pour inviter Mikael à s’asseoir, geste que Mikael fit semblant de ne pas voir, ce qui lui permit de faire un petit tour des lieux. Il observa d’abord la bibliothèque puis le mur avec les encadrements.
