Patients avec images non évocatrices de la Covid-19

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Les Résultats tomodensitométriques

La méthodologie

L’utilisation accrue de la TDM pose le problème de l’irradiation. En effet certains patients bénéficiaient de plusieurs TDM en un temps réduit. En prenant en compte le principe de ALARA (As Low As Reasonabily Achievable), toute TDM devrait être réalisée sur la base d’arguments cliniques et avec une bonne optimisation des doses d’irradiation [16]. Ce qui nous a poussé à utiliser un protocole Low-dose chez les patients adressés pour un bilan initial ou un suivi dans le cadre d’une infection à Covid-19. Ceci était d’autant plus justifié que des études ont démontré les performances de la TDM Low-dose dans la détection des lésions de la Covid-19. [17]. Une TDM Low dose a été réalisée chez 77% de nos patients avec une DLP moyenne de 53,69 mGy.cm, ce qui était 5 fois moins élevée que les valeurs diagnostiques Européennes pour une TDM thoracique classique dont la DLP moyenne était de 348 mGy.cm [18]. En outre, la hausse des demandes d’examen augmente considérablement le risque de contamination du personnel soignant. Ainsi la mise en place de mesures de précaution a permis d’éviter la contamination des techniciens et des médecins radiologues dans le service.

Les résultats normaux

La TDM était normale chez 12 patients soit 7,9%. En effet, un scanner thoracique normal ne permet pas d’éliminer formellement une infection à Covid-19, en particulier au début des symptômes. Par ailleurs, des patients Covid-19 diagnostiqués mais asymptomatiques peuvent présenter des anomalies scannographiques. Il n’y a donc pas d’indication à réaliser un scanner thoracique à des fins de dépistage chez des patients sans signe de gravité [19, 20].

Les images évocatrices de la Covid-19

Des lésions évocatrices de Covid-19 étaient présentes chez 88% des patients. La quasi-totalité de ces patients présentait des lésions de verre dépoli (98,5%) ; une condensation était présente dans 43% des cas et un crazy-paving chez 10,4% des patients. Les lésions étaient essentiellement bilatérales à topographie soit sous pleurale exclusive soit mixte avec nette prédominance sous-pleurale. Les localisations postérieures (50,8%) et inférieures (67,4%) étaient les plus fréquentes. Le lobe moyen était le moins atteint. Ces observations étaient superposables à plusieurs études menées dans divers pays. D’abord en Chine, les études de Chung et Al [20] et Ming-Yen et Al [21] portant sur 21 patients chacun et l’étude de Guan et Al sur 53 patients [22], montraient que plus de 86% des patients malades de Covid-19 avaient des images évocatrices au scanner avec des lésions de verre dépoli chez tous les patients; les lésions étaient nettement à prédominance périphérique et inférieure. Le lobe moyen était le moins touché avec environ 50% des cas. Une méta-analyse réalisée en Chine, compilée par Salehi et Al sur l’imagerie de la Covid-19 confirmait ces résultats [23]. En Italie, l’étude de Caruso et Al [24] portant sur 58 patients Covid positifs, confirmés par RT-PCR et présentant des anomalies à la TDM thoracique montrait que tous les patients avaient des lésions de verre dépoli, qui étaient bilatérales dans 91% des cas et à nette prédominance postéro-inférieure (90%). Si l’atteinte du lobe moyen était quand même très significative à 82%, il était relativement moins touché comparativement aux lobes inférieurs qui étaient atteints dans près de 90% des cas. En Algérie, Ketfi et Al [25] dans son étude du Profil clinique, biologique et radiologique des patients Algériens hospitalisés pour Covid-19, retrouvait des aspects similaires. Sur 86 malades de la Covid-19 et ayant bénéficié de la TDM, 91% des cas avaient des lésions de verre dépoli et 61,2% de condensation alvéolaire ; les lésions étaient bilatérales dans 82% des cas, à prédominance sous pleurale dans 90% et inférieure dans 61% des cas. Si les lésions de verre dépoli étaient retrouvées dans toutes les études, les proportions de crazy-paving et de condensations étaient très variables. Plusieurs études semblent suggérer que ces lésions apparaissaient après un certain temps d’évolution. Ainsi Ding et Al [26] dans une étude portant sur 348 TDM thoraciques dont 112 corrélées en fonction du temps, les lésions de crazy-paving et de condensations étaient objectivées dans 63% des cas entre le dixième et le quatorzième jour après le début des symptômes. Ces lésions étaient de l’ordre de 83% après 3 à 4 semaines d’évolution puis régressaient. Dans notre série, nous n’avons pas noté de répartition préférentielle des lésions évocatrices de Covid-19 en fonction de l’âge des patients ; les lésions de verre dépoli et de condensations étant toutes prédominantes chez les sujets de la tranche d’âge 60-80 ans. Contrairement à Salehi et Al qui rapportait dans sa méta-analyse [23] une prédominance des lésions de condensation chez les patients plus âgés et des opacités en verre dépoli chez les plus jeunes. Ce qui pourrait être due à une nette prédominance dans notre série de patients de la tranche d’âge 60-80 ans.

Les signes TDM de gravité de la Covid-19

Le principal signe scannographique de gravité de la Covid-19 est l’étendue des anomalies parenchymateuses sur le scanner initial. Certaines études sont en faveur du caractère prédictif de cette gradation de l’étendue des lésions au scanner [27, 28], d’où l’intérêt d’une bonne quantification des lésions. La SIT [29] a proposé une échelle quantitative visuelle de l’atteinte parenchymateuse en 5 stades qui a l’avantage d’être simple et rapide mais elle est peu reproductible. Selon ce score de gravité de la SIT, nos patients présentaient plus fréquemment des lésions étendues à sévères ; et les patients provenant des CTE avaient en général des atteintes plus sévères. Ceci s’explique par le fait que ces derniers bénéficiaient d’une TDM thoracique devant une détérioration de leur état clinique, montrant ainsi le lien qui existe entre sévérité clinique et extension des lésions. Des auteurs ont également rapporté les performances de l’intelligence artificielle pour quantifier de façon automatique l’extension des lésions scannographiques de la Covid-19 [30, 31]. A l’instar des études de Tabatabaei et Al en Iran et Li et Al en Chine [32, 33], nous avons noté dans notre étude que la répartition des lésions élémentaires étaient identiques quel que soit le degré de sévérité, mais la fréquence des condensations et des crazy-paving, était significativement plus élevée chez les patients avec une atteinte sévère à critique que chez les autres patients. Zhao et Al dans une étude multicentrique portant sur la corrélation entre les lésions tomodensitométriques de la Covid-19 et la sévérité clinique estime que la présence d’un épanchement pleural ainsi qu’une distorsion architecturale précoce avec des bronchectasies par traction seraient des marqueurs de sévérité de la maladie [34]. Dans notre série, les hommes avaient plus fréquemment des atteintes sévères et critiques. Cette différence de morbidité entre les sexes déjà notée lors d’épidémies à d’autres coronavirus, a été retrouvée dans une revue méta-analytique de Peckham et Al [35]. Il notait un risque trois fois plus élevé d’hospitalisation en soins intensifs chez les hommes atteints de la Covid-19 que chez les femmes. Ceci serait dû à la différence biologique qui existe entre l’homme et la femme. En effet, les femmes ont un nombre plus élevé de lymphocytes T et B et produisent naturellement plus d’interféron de type 1, substance qui limite la réponse immunitaire anormale («l’orage de cytokine») qui est incriminé dans les formes graves de Covid-19. La présence de l’œstradiol chez la femme offrirait également un effet protecteur contre l’infection au contraire de la testostérone chez l’homme. En outre, les auteurs évoquent également la présence de comorbidités plus importantes chez les hommes.

Les pathologies sous-jacentes associées aux lésions de Covid-19

La plupart des patients atteints de la Covid-19 (88,2%) n’avait pas de lésion parenchymateuse d’allure séquellaire. Une pathologie respiratoire chronique associée à la Covid-19 n’a été retrouvée que chez 17 patients soit 12,7%. Ces patients déjà fragilisés sont particulièrement à risque de développer une forme grave d’infection à Covid-19 [36]. La société sénégalaise de pneumologie a publié un ensemble de recommandations pour ces patients souffrant d’affections respiratoires chroniques durant la pandémie [37]. Une corrélation entre la gravité des lésions et l’existence de lésions parenchymateuses sous-jacentes n’a pas été retrouvée dans notre série. L’angioscanner thoracique est l’examen de choix chez les patients Covid-19 suspects d’embolie pulmonaire. Cet examen a été réalisé chez 49 de nos patients avec une embolie pulmonaire retrouvée chez 3 patients soit 6,1%. Cette association Covid-19 et embolie pulmonaire a été fréquemment retrouvée dans la littérature [38, 39]. La Covid-19 serait responsable de coagulopathie exposant à des risques thrombo-emboliques [40]. Ainsi parmi les malades de la Covid-19, la prévalence d’embolie pulmonaire était de 21% dans l’étude de Planquette et Al [38] et de 23% dans l’étude de Grillet et Al [39]. Ces auteurs estiment que la prévalence de l’embolie pulmonaire pourrait être plus élevée chez les patients atteints de Covid-19 avec des formes graves ou hospitalisés en soins intensifs et suggèrent la réalisation d’un angioscanner thoracique chez ces derniers. Dans notre série, 69% des patients provenant des CTE et venant dans le cadre d’un bilan lésionnel ont bénéficié d’un angioscanner thoracique. Mais comme le rappelle la haute autorité de santé Française, il n’y a pas lieu d’injecter systématiquement les examens scannographiques réalisés dans le bilan initial, en revanche une discordance clinico-radiologique, une aggravation secondaire ou un taux de D-dimères élevés doit pousser à demander l’angioscanner [19]. Plus qu’une maladie respiratoire, la Covid-19 est une pathologie systémique pouvant toucher le cœur et les vaisseaux, le système digestif, les reins et le système nerveux. Nous avons ainsi découvert une pancréatite aiguë chez une patiente. Cette association Covid-19 et pancréatite n’est pas exceptionnel. Szatmary et Al [41]
dans une étude a également reporté 5 cas de pancréatites aigues chez des patients diagnostiqués Covid-19, sans antécédents; il s’agissait de patients en surpoids comme chez notre patiente avec le plus souvent des taux de triglycérides et de glucose élevés. Il suppose que le pancréas est particulièrement vulnérable à l’infection à Covid-19 sans pour autant pouvoir déduire de lien de causalité évident à partir de ces données.

Les images scannographiques non évocatrices de Covid-19

Certains de nos patients avaient des images évocatrices d’autres diagnostics dont 4 avaient des aspects compatibles avec une tuberculose pulmonaire et un patient présentait un œdème pulmonaire d’origine cardiogénique. Toute atteinte alvéolo-interstitielle peut s’accompagner d’infiltrats en verre dépoli, quelle que soit son origine, infectieuse ou non. De ce fait, les différentes lésions radiologiques de la Covid-19 ne sont pas spécifiques et d’autres pathologies peuvent présenter ce pattern comme les autres pneumopathies virales dont l’Influenza, la pneumonie organisée, l’atteinte pulmonaire sur toxicité médicamenteuse ou les connectivites [42]. La présomption clinique à priori de la Covid-19 est donc primordiale. En revanche, si ces lésions présentent d’autres caractéristiques comme une topographie péri-hilaire, péribronchovasculaire, unilatérale ou sans localisation claire, il faudra évoquer, en fonction de l’histoire clinique du patient, d’autres diagnostics comme une pneumonie d’hypersensibilité, une infection dite atypique comme par exemple une pneumopathie à Pneumocystis Jirovecii ou encore un œdème pulmonaire. Cette possibilité d’identifier d’autres pathologies associées à la Covid-19 constitue l’un des atouts majeurs de la TDM.

Table des matières

INTRODUCTION
1 Patients, matériel et méthodes
1.1 Type d’étude
1.2 Cadre d’étude
1.3 La population d’étude
1.3.1 Critères d’inclusion
1.3.2 Critères de non inclusion
1.3.3 Caractéristiques de la population
1.4 Méthodologie
1.4.1 Protocole d’examen
1.4.2 Préparation de l’examen
1.4.3 Technique d’examen
1.4.4 Lecture des données
1.4.5 Les paramètres étudiés
1.4.6 Analyse statistique
2 Résultats
2.1 Les résultats globaux.
2.2 Patients avec images évocatrices de la Covid-19
2.2.1 Lésions élémentaires
2.2.2 Topographie des lésions
2.2.3 Répartition des lésions en fonction de l’étendue sur le parenchyme
2.2.4 Fréquence des lésions élémentaires en fonction des tranches d’âges
2.2.5 Fréquence des lésions élémentaires selon le grade de sévérité.
2.2.6 Relation entre l’âge et le grade de sévérité
2.2.7 Relation entre le genre et le grade de sévérité
2.2.8 Relation entre provenance des patients et grade de sévérité
2.2.9 Pathologies sous-jacentes associées
2.3 Patients avec images non évocatrices de la Covid-19
Discussion
3.1 Les données épidémiologiques
3.2 Les Résultats tomodensitométriques
3.2.1 La méthodologie
3.2.2 Les résultats normaux
3.2.3 Les images évocatrices de la Covid-19
3.2.4 Les signes TDM de gravité de la Covid-19
3.2.5 Les pathologies sous-jacentes associées à la Covid-19
3.2.6 Les images scannographiques non évocatrices de COVID-19.
3.3 Limites de l’étude
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *