ANALYSE DE LA DIDACTIQUE DE LA LITTERATURE EN LANGUE FRANCAISE

ANALYSE DE LA DIDACTIQUE DE LA LITTERATURE EN LANGUE FRANCAISE

 Les méthodes centrées sur l’activité de l’élève

La méthode directe(MD)

C’est à partir des années 1902 que la méthodologie directe a été totalement imposée dans l’enseignement. Elle résulte d’une évolution interne de la méthodologie traditionnelle et a été utilisée en Allemagne et en France vers la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle. 34 Pour le cas de l’Allemagne, la méthodologue N. Wicker HAUSER (1907 :213) rappelle que la méthodologie directe laisse de côté la langue maternelle mais elle« n’est pas la seule particularité de la méthode directe ». Elle est également une méthode qui prend compte de trois éléments tels que le détour par la langue maternelle, par l’orthographe et le détour par des règles de grammaire. En France, Christian PUREN (1988) mentionne que l’expression « méthode directe » est apparue pour la première fois dans la Circulaire du 15 novembre 1901. Cette circulaire opposait systématiquement la méthodologie directe à la méthodologie traditionnelle ou grammaire-traduction en raison de son principe direct. Dans cette circulaire, cet auteur fait savoir qu’on avait déjà obligé tous les professeurs de langue étrangère à utiliser uniquement une seule méthodologie. Mais cela n’a pas manqué d’engendrer une forte polémique entre partisans et opposants du nouveau système d’enseignement. Les opposants à cette nouvelle méthodologie considéraient qu’il s’agissait d’une réforme beaucoup précipitée. C’est pour cette raison qu’Emile ASSANT (1907 :242) a écrit que ces opposants l’ont qualifiée de « coup d’Etat pédagogique. » Comment alors cette méthode s’est beaucoup répandue dans le temps et dans l’espace ? Vers la fin du XIXème siècle, la France a eu le désir de s’ouvrir au monde entier. Elle considérait que la société étrangère avait besoin d’un outil de communication qui puisse favoriser le développement des échanges en matière économique, politique, socio-culturelle et touristique. Rappelons qu’au XIXe siècle, le développement s’accélérait à grande vitesse. Mais la littérature ne paraissait pas intéressante pour être enseignée dans les différentes sociétés étrangères. La plus grande priorité était orientée dans l’apprentissage de la communication. C’est dans cette optique que l’évolution des besoins d’apprentissage des langues vivantes étrangères a provoqué l’apparition d’un nouvel objectif pratique qui visait une maîtrise effective de la langue comme instrument de communication. La méthodologie directe constituait ici une approche naturelle de l’apprentissage d’une langue vivante et étrangère fondée sur l’observation de l’acquisition de la langue locale par l’enfant. 35 D’après Hélène GANTIER (1968 :51), elle considère que « enseigner une langue vivante, c’est manipuler les formes afin que s’implante progressivement un système de réflexes, c’est conditionner les réactions des élèves selon un effort méthodique. » L’enseignant utilise, par conséquent, des procédés et techniques qui visent à favoriser la maîtrise de la langue par un ensemble de stratégies susceptibles d’accorder la parole à toute la classe ou aux élèves. Avec la M.D., l’enseignement des mots étrangers se réalise sans passer par l’intermédiaire de leurs équivalents français. Le professeur explique le vocabulaire à l’aide d’objets ou d’images, mais ne traduit jamais en langue maternelle. L’objectif est que l’apprenant mène une réflexion dans sa langue étrangère le plus tôt possible. Sa langue maternelle devient un outil privilégié pour penser dans la langue étrangère. L’utilisation de la langue orale s’opère sans passer par l’intermédiaire de sa forme écrite. On accorde une importance particulière à la prononciation et on considère la langue écrite comme une langue orale bien scripturée. Concernant l’enseignement de la grammaire étrangère, elle se fait d’une manière inductive c’est-à-dire que les règles ne s’étudient pas d’une manière explicite mais de façon implicite. On privilégie les exercices de conversation et les questions-réponses qui sont dirigées par l’enseignant. La méthodologie directe utilise donc plusieurs méthodes permettant d’éviter le recours à l’intermédiaire de la langue maternelle dans l’apprentissage. Il s’agit par exemple de l’usage des méthodes directe, active et orale. Cependant l’opinion des méthodologues directs sur l’utilisation de la langue maternelle divergeait déjà à partir des années 1908. Certains étaient partisans d’une interdiction totale de l’utilisation de la langue maternelle (Instruction de 1908), tandis que la plupart étaient conscients qu’une telle intransigeance serait néfaste et préféraient une utilisation plus souple de la méthode directe. Par méthode orale, il était question d’utiliser quelques procédés et techniques visant la pratique orale de la langue en classe. Les productions orales des élèves en classe constituaient une réaction aux questions du professeur afin de préparer la pratique orale après la sortie du système scolaire. L’objectif de cette méthode orale était de favoriser le développement de la pratique linguistique des élèves. Le passage à l’écrit restait au second plan et était conçu comme le moyen de fixer par l’écriture ce que l’élève savait déjà employer oralement. C’est ce que certains ont nommé un « oral scripturé ». D’après toujours cette instruction de 1908, la 36 progression vers la rédaction libre passait par la dictée, puis par des reproductions de récits lus en classe et enfin par des exercices de composition libre. Par méthode active, il s’agissait d’employer, dans une leçon de langue, pas mal de méthodes telles que la méthode interrogative, intuitive, imitative, répétitive ainsi que la vive participation active de l’élève. La méthode interrogative incitait les élèves à répondre aux questions du professeur, afin de réemployer les formes linguistiques étudiées. Il était question d’employer plusieurs exercices totalement dirigés. S’agissant de la méthode intuitive, elle proposait une explication du vocabulaire qui obligeait l’élève à faire un effort personnel de réflexion, de divination ou de découverte à partir d’objets ou d’images. La présentation des règles de grammaire se réalisait également à partir d’exemples, sans passer par l’intermédiaire de la langue maternelle. La compréhension se faisait donc de manière intuitive. Cette méthode avait comme but principal l’imitation acoustique au moyen de la répétition intensive et mécanique. Elle s’appliquait aussi bien à l’apprentissage de la phonétique qu’à celui de la langue d’enseignement en général. Quant à la méthode répétitive, elle s’appuyait sur le principe selon lequel l’élève retenait mieux en répétant. Ainsi cette répétition pouvait être extensive ou intensive. Cependant l’emploi intensif du vocabulaire donnait lieu à une inflation lexicale incontrôlable et négative pour l’enseignement-apprentissage de la langue. Finalement, l’appel à l’activité physique de l’élève pour la dramatisation de saynètes, la lecture expressive accompagnée par des mouvements corporels permettait d’augmenter la motivation chez l’apprenant.

La méthode active(MA)

D’une manière générale, cette méthodologie a été mise en œuvre dans l’enseignement scolaire à partir des années 1920 jusqu’aux années 1960. Cette troisième méthodologie est née suite à une confusion terminologique. Certains auteurs y compris Christian PUREN la qualifient déjà de méthodologie éclectique, méthodologie mixte, méthodologie orale, méthodologie directe ou méthodologie de synthèse. 40 En France par exemple, cette méthodologie a deux appellations telles que la méthodologie éclectique et la méthodologie mixte. Ces différentes désignations montrent une vision non partagée de considérer et de la distinguer de la M.D. et la M.T. Cette méthodologie active se révèle très simplement comme une synthèse de ces deux premières. Cette méthodologie se différencie des deux premières ci-haut décrites sous différents aspects. Selon Christian PUREN (1988), la méthodologie active fait remarquer qu’il s’agit d’une manière divergente de considérer cette nouvelle MA. C’est un point de vue technique qui oppose les défenseurs de la MA de ceux des deux premiers. Il s’agit également de montrer la nuance qui existe entre les procédés techniques directs et traditionnels. Pour Roger G. (1953 :30), la MA est « une simple combinaison de la MD et la MT » tandis que François CLOSSET (1950 :43) voit qu’il s’agit d’une« conciliation entre les deux méthodes précédentes. » Les deux auteurs ne sont beaucoup éloignés vis-à-vis de la conception de ces deux méthodologies d’enseignement. S’agissant d’Ana RODRIGEUZ (2000), elle confirme que cette méthode incarne une situation de compromis entre les méthodologies directe et traditionnelle. Si nous analysons en profondeur ces trois méthodologies, nous constatons qu’il existe une ressemblance sensible. Cette nouvelle méthodologie garde dans sa démarche quelques éléments de la méthodologie traditionnelle ainsi que certains procédés caractéristiques de la méthodologie directe. Malgré ce partage de certains traits communs, la MA mérite d’être créée pour cimenter l’enseignement des langues. C’est pourquoi certains spécialistes la qualifient même d’original. Ainsi, la réflexion de L. LIEUTAUD (1953 :173) cité par Christian PUREN illustre clairement cette volonté de création d’une méthode très originale dans l’enseignement mais le problème réside au niveau de l’appellation qu’il faudrait lui donner: « Ce n’est pas de la méthode directe pure, encore moins de la méthode indirecte, puisque nous commençons toujours nos leçons par l’explication en langue étrangère. Peut-être le mot « méthode mixte » conviendrait-il et cependant quelle différence entre ces classes de début où la traduction, correcte sans plus, joue un rôle tout à fait secondaire, et celles où la version devient un exercice littéraire servant non seulement à l’acquisition du vocabulaire étranger. » En analysant cette réflexion, il nous semble que cette méthode est en quelque sorte une méthode assouplie. Mais nous pensons que l’appellation est secondaire, elle ne joue pas un 41 rôle prépondérant. Ce qui est très important c’est la manière d’agir en classe de langues et sa réussite et non le fait de crever les méninges pour nuancer ces méthodes en termes d’appellation très diversifiés. Malheureusement Christian PUREN fait savoir que l’appellation de méthode mixte ou de « méthode éclectique» n’a pas duré longtemps, elle a été abandonnée parce qu’elle ne montrait pas une certaine innovation dans l’enseignement des langues mais aussi parce qu’elle ne prouvait pas la conscience aiguë que les méthodologues actifs ont de la continuité et de la rupture par rapport au passé que représente tout à la fois leur méthodologie. D’où, l’une des raisons essentielles de leur difficulté à la nommer se matérialise. A partir des années 1920, les méthodologues français comme G. HIRTZ et R. VILLARD ont bien ressenti le besoin d’un nouveau concept de méthodologie éclectique, mixte ou active. Ces chercheurs en méthodologie l’ont manié et modelé pendant près d’un demi-siècle. Pour G. HIRTZ (1927 :136), l’essentiel est de pouvoir distinguer la méthode directe et la méthode active car « elle semble de nature à lever bien des difficultés.» Malgré toutes ces divergences et ces ambiguïtés, il y a bien dans les années 1920 et suivantes quasi-unanimité chez les méthodologues sur la nécessité d’abandonner la MD des années 1901 et 1902, et volonté partagée d’élaborer une nouvelle méthodologie douée de sa propre cohérence. C’est dans ce sens que R. VILLARD (1928 :439) écrit que « la méthode directe, telle qu’elle fut pratiquée de 1902 à 1923, a fait son temps. Il nous faut du nouveau en pédagogie, comme en politique, comme en littérature.» Cela montre que la MD ne pouvait pas faire unanimité. 

La méthodologie audio-orale(MAO)

La présente méthodologie qui vient remplacer la méthodologie active a comme origine aux Etats-Unis d’Amérique au cours de la deuxième Guerre Mondiale. Elle est née dans l’objectif de former rapidement des combattants qui ne parlaient pas la langue anglaise. Ceci permettait bien entendu la communication efficiente. Pour Christian PUREN (1988), cette MAO américaine, comme la méthodologie directe française, a été créée en réaction contre la méthodologie traditionnelle dominante aux USA à cette époque. C’est pour cette raison que cette méthodologie audio-orale constituait un mélange de la psychologie béhavioriste et une grande partie du structuralisme linguistique qui a largement influencé l’enseignement de la grammaire et de la syntaxe. D’un point de vue linguistique, la MAO s’appuyait principalement sur les travaux de l’école distributionnelle des disciples de Léonard BLOOMFIELD (1933). Cette école tire d’ailleurs son nom de la « distribution » des unités que l’on étudie. Ce type d’analyse consistait à étudier la langue sous deux axes à savoir l’axe paradigmatique et syntagmatique. Ceci explique que les exercices structuraux de substitutions et de transformations facilitaient aux apprenants d’effectuer sur les structures introduites en classe les deux manipulations de base qui sont la substitution des unités les plus petites de la phrase et la transformation d’une structure à une autre. Il s’agissait donc d’exercices de répétition ou d’exercices d’imitation à partir desquels les apprenants devaient être capables de réemployer la structure en proposant de nouvelles variations paradigmatiques. La MAO s’appuyait également sur la psychologie béhavioriste créée initialement par John Broads WATSON (1878-1958) et a été développée postérieurement par Burrhus Frederic SKINNER (1904-1990). Selon cette théorie, le langage produit n’était qu’un type de comportement humain et son schéma de base était le réflexe conditionné: stimulus-réponserenforcement(S-R-R). Les réponses déclenchées par le stimulus étaient supposées devenir des 46 réflexes, c’est-à-dire des acquis définitifs. C’est pourquoi le laboratoire de langues va devenir l’auxiliaire privilégié de la répétition intensive car il faciliterait énormément la mémorisation et l’automatisation des structures de la langue. Comme nous l’avons déjà montré ci-haut, le but de la MAO est de parvenir à communiquer en langue étrangère, raison pour laquelle le professeur est obligé d’apprendre aux apprenants à bien communiquer dans la vie de tous les jours. C’est pour cette raison que l’oral continuera à occuper une place très importante. Suite à cette priorité accordée à l’oral, la langue devient comme un ensemble d’automatismes linguistiques qui font que des formes linguistiques appropriées soient utilisées de façon spontanée. Du coup, les défenseurs de la MAO rejettent catégoriquement la conception universaliste de la langue et affirment que chaque langue a son propre système phonologique, morphologique et syntaxique. La sémantique n’avait pas de place dans cette MAO. Comme on ne considérait pas le niveau sémantique, la signification n’occupait pas une place prioritaire en langue étrangère. C’est pourquoi le vocabulaire était relégué au second plan par rapport aux autres structures syntaxiques. De plus, les habitudes linguistiques de la langue maternelle étaient considérées principalement comme une source d’interférences lors de l’apprentissage d’une langue étrangère. Pour les éviter, l’enseignant ne pouvait pas s’exprimer en langue maternelle de même que l’apprenant. Il était donc recommandé d’utiliser uniquement la langue étrangère en classe. Comme le souligne toujours le spécialiste Christian PUREN, cette méthodologie a été critiquée pour le manque de transfert hors de la classe de ce qui est appris et il y a lieu de considérer que sa validité se limite au niveau élémentaire. De même, à l’enthousiasme pour les exercices structuraux, le même auteur fait savoir que c’est la déception qui a pu succéder. D’après toujours cet auteur, les exercices ennuyaient les élèves, les démotivaient et le passage du réemploi dirigé au réemploi spontané ne se faisait que rarement. D’un autre côté, la grammaire générative-transformationnelle CHOMSK Yenne s’est attaquée au structuralisme linguistique bloomfieldien en lui reprochant de ne s’intéresser qu’aux phénomènes de surface et de négliger les structures profondes de la langue. Pour les générativistes, apprendre une langue ne consisterait pas seulement à acquérir un simple système d’habitudes qui seraient contrôlées par des stimuli de l’environnement mais à 47 assimiler un système de règles qui permet de produire des énoncés nouveaux et de les comprendre. A partir des années 1960, on a assisté à une importante influence de la linguistique sur la didactique du français langue étrangère. C’est au cours de cette période que la linguistique appliquée est comparée à la pédagogie des langues. Ceci montre combien la linguistique a exercé une grande influence sur la didactique des langues étrangères en France. 

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : L’ORIGINE ET EVOLUTION DE LA DIDACTIQUE DES LANGUES
CHAPITRE I : LES METHODOLOGIES CONSTITUEES DE L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES DES ORIGINES A NOS JOURS
CHAPITRE II: L’EVOLUTION HISTORIQUE DES CONCEPTIONS DE LA DIDACTIQUE DES LANGUES
CHAPITRE III : L’ANALYSE DIDACTIQUE DES DOCUMENTS AUTHENTIQUES
DEUXIEME PARTIE : CONTEXTE DE L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AU BURUNDI
CHAPITRE IV : LA SITUATION DE L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AU BURUNDI
DES ORIGINES A NOS JOURS
CHAPITRE V : OBSERVATION ET INTERPRETATION DES CONDITIONS D’ENSEIGNEMENT- APPRENTISSAGE DE LA LITTERATURE DANS LES ECOLES SECONDAIRES DU BURUNDI
CHAPITRE VI: PRESENTATION ET INTERPRETATION DES RESULTATS D’ENTRETIEN
TROISIEME PARTIE : QUELQUES STRATEGIES D’UNE DIDACTIQUE DE LA LITTERATURE DANS LE CONTEXTE DES ECOLES SECONDAIRES BURUNDAIS
CHAPITRE VII: LES STRATEGIES DE LECTURE DE TEXTE EN CLASSE DE FLE
CHAPITRE VIII : UNE BONNE UTILISATION DE STRATEGIES D’EXPLOITATION DU TEXTE LITTERAIRE
CHAPITRE IX: LA DIDACTIQUE INTEGREE DES TEXTES ET L’ECRITURE
INVENTIVE
CONCLUSION GENERALE

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *