Dans quels segments de l’informel se trouvent les profils types d’usagers du mobile

Dans quels segments de l’informel se trouvent les profils types d’usagers du mobile

La littérature sur le secteur informel dans les pays en développement a largement insisté sur sa très grande hétérogénéité en termes d’activités, de profils d’entrepreneurs, de mécanismes opératoires et de performances économiques. Cette hétérogénéité est souvent ramenée à l’opposition entre une masse d’activités de survie exclues du secteur moderne et une minorité d’entreprises aux niveaux de performance similaires aux entreprises modernes mais cherchant volontairement à échapper aux contraintes de la formalité, notamment sur le plan fiscal (stratégie d’exit) (Berrou, 2014, Berrou et al., 2017). On retrouve d’ailleurs cette typologie duale de l’informel dans une des dernières enquêtes menées sur l’informel à Dakar (Benjamin et Mbaye, 2012), les auteurs distinguant le « gros informel » du « petit informel ». D’autres travaux s’attardent sur la multisegmentation des marchés du travail dans les pays en développement (Fields, 2005 ; Heintz et Slonimczy, 2007). Par- delà l’opposition formel/informel, de nombreux segments peuvent être identifiés en fonction des caractéristiques de l’emploi et des activités et rien ne permet, a priori, de réduire l’hétérogénéité de l’informel à deux segments. Dans cette perspective, les travaux de Grimm et al. (2012) sur l’informel ouest-africain élaborent une typologie en trois segments.

Entre celui de la survie et des micro-petites et moyennes entreprises, un segment intermédiaire de « gazelles contraintes » est identifié et est caractérisé par un niveau de capital intermédiaire, une maîtrise gestionnaire, un usage technologique adapté, un rendement élevé de l’investissement mais dans un contexte de fortes contraintes externes à leur développement. Devant la difficulté de mesurer avec précision les performances économiques dans les unités de production informelles, recourir à une typologie de ces unités de production construites à partir d’un grand nombre de caractéristiques des entrepreneurs et de leurs établissements peut s’avérer particulièrement fructueux afin de mieux décrire la structure complexe de l’informel Dakarois (3.1). Ensuite, la superposition d’une telle typologie avec les profils d’usagers du mobile identifiés précédemment permettra d’approfondir la réflexion sur les relations existantes entre usages et performances des micro-entreprises informelles (3.2). Nous construisons notre typologie de l’informel dakarois à l’aide des outils de la statistique exploratoire multidimensionnelle selon une procédure similaire à celle utilisée en section 2.1 (encadré 3). Les 18 variables retenues pour la classification des UPI recouvrent deux grandes dimensions : (i) les caractéristiques de l’établissement, Les résultats de notre analyse nous conduisent à identifier quatre groupes ou segments homogènes d’unités de production informelles bien distincts les uns des autres.

La projection des individus sur les trois premiers plans factoriels présentés dans les annexes 12 et 13 montre clairement l’opposition entre les groupes (1 et 3) sur le premier plan (axes 1 et 2) alors que la distinction entre les groupes 2 et 4 se fait avec la littérature. Il représente ici 28,6% de la population enquêtée. Ces unités de production sont particulièrement petites, on y retrouve 75% d’indépendants et presqu’aucune d’entre elles n’embauche de salariés. La très grande majorité de ces activités (près de 85%) ne disposent d’aucun enregistrement officiel ni ne tient aucune forme de comptabilité. Elles sont caractérisées par une très grande précarité, tant dans l’accès aux infrastructures de base (électricité, eau, éclairage public) que dans l’instabilité des modes d’occupation des locaux, ces entrepreneurs étant très rarement propriétaires ou même locataires (local prêté ou partagé). Leurs performances économiques sont les plus faibles sur les trois indicateurs (CAM, VAM, EBEM). Ces établissements sont surreprésentés dans les petites activités de vente et de transformation alimentaire et sont plutôt mono-spécialisés. Près de 65% des entrepreneurs de ce groupe n’a pas atteint le niveau primaire (aucune scolarité ou coranique) ce qui se traduit d’ailleurs par les scores les plus bas au test cognitif. Sur le plan des compétences entrepreneuriales, 73% d’entre eux n’a suivi aucune forme d’apprentissage et a appris seul son métier. Ils sont surreprésentés aux niveaux les plus bas du score de comportement entrepreneurial.

De plus, presqu’aucun n’a d’autres activités permettant de diversifier les sources de revenu du ménage. Ils sont évidemment très peu bancarisés, la majorité d’entre eux n’ayant aucun compte, ni dans une banque formelle ni dans une institution de microfinance. On note que près de 65% de ces entrepreneurs ne sont pas nés à Dakar, ce qui traduit bien la spécificité de cet informel de survie particulièrement prégnant pour les migrants ruraux. représente très bien le segment supérieur du secteur informel, dont les entreprises sont décrites par Grimm et al. (2012) comme les « top performers ». Représentant 22,7% de l’ensemble de notre population, leurs caractéristiques sont à l’exact opposé du premier groupe. Ces établissements disposent du niveau moyen de capital le plus élevé (ils sont surreprésentés dans le dernier quartile). Ce sont de grands établissements : parmi ceux ayant plus de cinq travailleurs, 80% font en effet partie de ce groupe. Près de la moitié ont au moins un salarié. Près de 65% ont par ailleurs plus de 15 ans d’existence. Ils sont bien plus souvent que les autres enregistrés (NINEA) et tiennent une comptabilité relativement élaborée. Avec en moyenne un chiffre d’affaire mensuel de plus de 1 million de FCFA, une valeur ajoutée mensuelle de plus de 700000 FCFA et un EBE de plus de 400000 FCFA, ces entreprises ont des performances économiques très significativement supérieures aux autres groupes (plus du double sur chacun des indicateurs).

 

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